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3,43

sur 607 notes
Il n'est vraiment pas dans mes habitudes d'acheter le prix Goncourt. Bien au contraire. J'ai fait une exception cette année, parce que j'ai lu de bonnes critiques et que j'étais fascinée de savoir qu'il s'agissait d'un premier roman, publié tout de suite chez Gallimard, écrit par un professeur lyonnais de Sciences Nat, un peu Monsieur Tout-le-Monde, en somme.
Tout dans ce livre est contenu dans son titre. On y parle d'art – ici c'est la peinture chinoise, à l'encre noire – d'identité française – donc du concept fumeux de race – et de guerre. La guerre de vingt ans qui secoua la France entre 1944 et la fin des guerres coloniales. Et ce livre, dès les premières pages, est un enchantement. Des mots simples, des phrases courtes, des descriptions qui donnent à voir. On ne le lâche qu'à la 634ème page. de tous les livres que j'ai lus cette année, c'est celui qui me laissera la plus forte impression.
Deux personnages, deux récits entrelacés. Celui du narrateur, un jeune homme transparent, aboulique, sans passé, sans avenir, et un vieil homme au regard bleu, émacié, ancien militaire ayant survécu à l'insurmontable. Entre ces deux êtres aussi dissemblables qu'on peut l'imaginer se noue une relation étrange : celle de la transmission du savoir – l'art de peindre – et de l'expérience – celle des conflits coloniaux.
Le capitaine de parachutistes Victorien Salagnon a ramené de l'enfer de la bataille d'Alger son Euridyce et, s'il veut rester à son côté, il ne faut surtout pas qu'ils se retournent. Cependant, leur histoire d'amour, le souffle de leurs corps, ils vont le transmettre à ce jeune narrateur, apprenti dans l'art de peindre mais qui, à la fin de son initiation, deviendra un homme plus complet, plus apte à saisir la vie, l'amour.
Au passage, se déroule l'épopée tragique des combats que la France a menés pour se libérer de l'Allemagne puis conserver son empire colonial, et des massacres qui les ont jalonnés : le maquis, la bataille de France, l'Indochine, l 'Algérie, selon une mécanique de l'absurde. Et là, nous voici transportés au coeur des combats, mieux qu'au cinéma. L'auteur captive, nous marchons avec Victorien Salagnon, nous survivons avec lui, nous le trouvons sympathique, même lorsqu'il torture, étripe, vise et tue. Dans le monde d'aujourd'hui, où se situe le narrateur – plus exactement le roman commence en 1991 – les cicatrices du conflit algérien sont toujours à vif. L'explication de l'instrumentalisation du concept de race est simple, logique, naïve et sincèrement désolée. « La race survit à toutes ses réfutations, car elle est le résultat d'une habitude de pensée antérieure à notre raison. »(p . 178), ou encore « La race sait alléger les graves questions par des réponses délirantes. Je veux vivre parmi les miens mais comment les reconnaître sinon par leur aspect ? »
Un roman foisonnant, superbement écrit, qui vous laisse bouche bée, un rien assommé d'images, de senteurs, de sentiments, de contradictions. Un très beau livre.
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Étrange objet littéraire que celui-ci.

Ouvrage bicéphale, réfléchissant à voix haute et, au bout du compte, se parlant à lui même.
"L'art français de la guerre" aborde des thèmes complexes et essentiels. Il expose des thèses et leurs antithèses de façon assez scolaire. Multiplie les points de vue, empile les redondances et, au final, s'enlise dans les images faciles et stéréotypées.

Le style est amplement perfectible.
Les 600 pages que l'on nous sert, ces deux livres en un, mériteraient une réelle relecture.
La répétition semble être une marotte de l'auteur. Comme s'il s'agissait de nous asséner son propos de force ou de nous faire passer un examen de bonne lecture.

Car ce qui gène aussi dans ce livre, c'est un côté pédagogique mal assumé. C'est, sans être péjoratif, un livre de prof.

Voilà un livre trop épais pour ce qu'il a réellement à dire.
Trop voulu par son auteur pour avoir été réellement objectivé tant au niveau du style que du propos.
Un livre qui n'est aucunement à la hauteur de l'ambition d'un écrivain qui a manqué d'humilité face à la tâche qu'il s'est lui-même imposé ou qui a, devant l'ampleur du travail nécessaire, baissé les bras et s'est contenté d'une version non aboutie.

Un gros livre, au style trop épais, aux sujets trop nombreux et trop complexe pour un auteur trop pressé. Au final, une "leçon" mal donnée qui donne rapidement envie de faire la lecture buissonnière.



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J'arrive après la bataille! En bon petit soldat du challenge ABC, je viens tirer la énième salve sur ce bouquin qui sortit vainqueur du Goncourt 2011, laissant pour morts quelques ouvrages bien armés. Que dire qui ne fut pas dit? Ou insuffisamment dit? A moins de coller à l'auteur et, sans peur et sans reproche tel le chevalier Bayard, répéter, ressasser, seriner. Car Alexis Jenni est infiniment bavard.
L'art français de la guerre est l'art français du bavardage redondant.
L'art français de la guerre est l'art de noyer de très jolies pages dans le verbiage.
L'art français de la guerre est l'art de la pédagogie répétitive.

On le sait: la guerre, ce n'est pas bien. On en est convaincus: le racisme, ce n'est pas beau. le répéter jusqu'à plus d'encre ne rend pas ces affirmations plus indéniables.
Pourtant, Alexis Jenni, lui-même, donne le remède à sa logorrhée. Page 439.
"Pour se transformer en art, le talent doit prendre conscience de lui-même, et de ses limites, et être aimanté d'un but, qui l'oriente dans une direction indiscutable. Sinon, le talent s'agite; il bavarde."

C'est donc dans la partie historique "roman" (assez réussie) que l'écrivain cache la recette qui permettrait à la partie contemporaine des "commentaires" de se hisser au niveau de sa langue, cette langue française qu'il destine à la réunification de la société française. Pas moins. Car l'enseignant ne sait plus où donner de la tête et répète 7 fois (voire bien davantage) ce qu'il aurait pu dire une fois: de la stigmatisation des habitants des cités aux banlieues différentes. Des enfants des cités qui philosophent dès 4 ans au débat sur l'identité nationale (heureusement trépassé avant que d'avoir trop galopé). Des contrôles d'identité au délit de faciès. Des considérations sur la ressemblance aux remarques sur la différence. de la force de la langue commune à la condamnation du voile intégral dans l'espace public (pages 234-235 au style impeccable)…

Incontestablement, Jenni a le talent de l'écriture. Sa plume bouillonne, joue de la métaphore, aime les mots, les unions improbables, la profusion et le lapidaire. Mais il enlise le lecteur dans des considérations oiseuses pleines de l'air du temps qui chassent trois lapins boiteux à la fois. Lapin 1: la guerre, c'est mal. Et c'est plus mal quand l'exaction est française. Lapin 2: le racisme, ce n'est pas bien. Lapin 3: le fascisme non plus. Les 3 petits lapins sont flanqués d'une chimère affectueuse: l'art, le désir sexuel et la langue commune règleront la violence sociale, résoudront les tensions.

Et la marmotte… elle mange le chocolat au lieu d'écouter le cours. Et elle va même noter la copie du prof: 2,5 avec la sacro-sainte annotation professorale française: Peut mieux faire.
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Il y a comme ça des livres qui n'ont pas de chance. Et le pire est qu'on le sait souvent à l'avance, simplement parce qu'on ne les ouvre pas au bon moment. Quelque chose, opiniâtrement, entravera leur lecture : c'est une certitude lancinante que l'on a dès la première page, et qui se constate jour après jour. Mais on poursuit néanmoins. On s'obstine. On veut croire que.

Qu'est-ce qui m'a pris de me lancer dans ce pavé de huit cents pages en plein mois d'octobre, alors que je tirais la langue pour boucler mes cours et atteindre les vacances de Toussaint, alors que je n'avais déjà plus le temps de rien, épuisé par cette réforme du bac mal ficelée et par l'impréparation calamiteuse avec laquelle les établissements scolaires doivent affronter la pandémie ? Un « protocole sanitaire renforcé », une « rentrée normale et joyeuse », qu'il disait notre Jean-Mi national, tout comme naguère on débitait sans rire des billevesées de gros calibre, du type la « guerre fraîche et joyeuse »...

La guerre justement, voilà le sujet de ce livre. Plus exactement la fameuse guerre de Vingt ans, qui va de la Seconde Guerre mondiale à la guerre d'Algérie, en passant par celle d'Indochine. Vingt ans qui ont permis à la France de laver l'humiliation de 1940, de reconstruire son armée et d'oser à nouveau affirmer sa puissance, mais jusqu'à se perdre dans le piège colonial et y laisser une partie de son âme. C'est un beau sujet, indéniablement, et traité qui plus est avec un talent certain pour faire revivre cette sombre épopée.
Le personnage de Victorien Salagnon est dans ce récit un fil directeur particulièrement réussi : enrôlé tout jeune dans les Chantiers de Jeunesse et passant directement de là chez les FFI, il est versé dans l'armée régulière à la libération avant d'aller guerroyer dans la moiteur de la jungle indochinoise, et de finir enfin en capitaine de paras en Algérie.
J'ai beaucoup apprécié l'histoire de Salagnon. Ce gars-là vaut le roman à lui tout seul. J'ai apprécié aussi le regard décapant que porte l'auteur sur notre histoire depuis 1945, et tous ces prolongements tirés pour souligner les fractures de la France d'aujourd'hui. Certes, Jenni ne se défend pas d'une fascination un peu trouble pour ses centurions, y compris lorsque leurs méthodes de guerre ne les mettent pas à l'honneur, mais sur le fond je ne vois pas grand chose à redire à sa vision.

Dire tout cela ne fait pourtant qu'appuyer sur le problème principal : pourquoi donc a-t-il fallu que l'auteur s'encombre d'un narrateur aussi tarte ? Un type tellement falot qu'on dirait la caricature d'un prof. Un bien pensant pénible, satisfait de son introspection permanente, et qui se croit intéressant lorsqu'en plus il nous fait le récit de ses histoires de coeur, et aussi de sexe tant qu'à faire. L'impression assommante, en sautant toutes ces pages vides, qu'une Anna Gavalda en petite forme se serait embarquée clandestinement au coeur d'un bon roman.
Ou alors c'est moi qui prend mal les choses, c'est bien possible. Ces derniers mois me rendent mauvais, je l'avoue.

Il faudrait en somme que je tourne ma hargne contre quelqu'un qui mérite vraiment de s'en prendre plein la musette. Inutile de dire que j'attends le nouveau livre de Jean-Michel Blanquer avec impatience.
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Que c'est difficile de faire une critique de ce livre .
Comment dire j'avais à la fois envie de continuer ma lecture car certains passages sont géniaux , avec une analyse très fine et à d'autres moments , l'enthousiasme retombait un peu , donc pas vraiment un coup de coeur malgré d'indéniables qualités .
Mais comment juger ?
Le style m'a bien plu , l'écriture est très belle , fluide mais certains passages paraissent artificiels , surtout ceux qui se passent actuellement , difficile de cerner ce personnage qui passe de profiteur ( il est en congé de ' fausse 'maladie ) à apprenti peintre attentionné puis à amoureux romantique . C'est ça qui m'a déplu , beaucoup de digressions qui m'apportent rien , bien au contraire ,elles ne font qu'embrouiller .
Peut-être suis je trop sévère comme on l'est en cherchant ( et trouvant ) les défauts d'une jolie femme .
En conclusion , je félicite l'auteur car pour un premier roman , il est remarquable mais il m'a manqué un petit quelque chose pour que je puisse vraiment l'apprécier .
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Victorien Salagnon a été l'homme de tous les combats : engagé dans la résistance pendant la seconde guerre mondiale, devenu soldat par habitude et par incapacité de faire autre chose pendant les guerres d'Indochine et d'Algérie. Des années d'obéissance aux ordres, avec des sentiments mêlées : la volonté d'employer la force, la torture, le meurtre, « une dernière fois », pour mater définitivement toute rébellion et développer le pays ; et le sentiment que leur présence même est un aveu d'échec de tous ces beaux projets.

La plongée dans ces trois guerres est particulièrement réussie, on ressent pleinement cette ambiance paradoxale : d'un côté, on est tenté de conforter Salagnon dans sa position, de défendre la justesse de sa cause et de l'absoudre de ses erreurs. Cependant, on se rend bien compte de l'hostilité de tout un pays, et que les gens qu'il est sensé défendre sont ceux dont il doit se méfier le plus.

Le narrateur m'a par contre nettement moins convaincu. S'il sert à faire la jointure entre ces trois récits en interrogeant Salagnon sur sa vie, ses commentaires et ses quelques péripéties m'ont semblé assez fades. Son seul intérêt à mon sens est de montrer que la guerre marque toujours les esprits, bien après avoir déposé les armes, et que les plaies qu'elle a causés ne se sont pas encore complètement refermées de nos jours.

Un premier roman ambitieux pour cet auteur, que ce soit sur le choix du thème ou sur la qualité de l'écriture. Malgré quelques petits défauts par-ci par-là, j'ai été absorbé par les 700 pages du roman.
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Il y a déjà quelques temps que ce « Goncourt » me faisait de l'oeil sur une étagère. le titre est un peu intrigant. La quatrième de couverture ne nous renseigne pas vraiment. Mais surtout il fallait un peu de courage pour s'attaquer à ces 630 pages écrites sans espaces inutiles.
Ce roman traverse l'histoire de France à travers ses guerres depuis 1940 jusqu'à l'Algérie, en passant bien sûr par l'Indochine.
Le héros, un jeune homme un peu paumé qui vit à Lyon rencontre Victorien Salagnon, ex-baroudeur qui a participé à toutes les guerres depuis 1940. Celui-ci lui apprendra à peindre et, pendant ces séances lui racontera sa vie et ses aventures . C'est l'occasion pour ce jeune homme de nourrir sa réflexion et de développer certaines théories basées sur notre histoire, tendant à expliquer la société actuelle.

Le style est simple et pourtant particulier, lié à la construction du roman où se succèdent des chapitres narratifs concernant la vie de Salagnon et des chapitres de commentaires dans lesquels s'expriment de nombreuses idées.
On a parfois l'impression que l'auteur avait tellement de choses à dire qu'il a choisi cette forme d'écriture pour tout caser. On trouvera des idées sur l'idée d'être Français, l'immigration, l' intégration, le vivre ensemble, etc.

La fin est un peu diluée comme la plupart des commentaires.
L'idée principale est que ces vingt années de guerre ont façonné ce qui est notre société aujourd'hui. Bien sûr ce livre fait polémique, mais il est passionnant à lire et si l'on oublie les longueurs on comprend la décision des jurés du Goncourt.
On aurait pu avoir un livre de guerre et un essai sur la guerre et la société. Alexis Jenni allie les deux avec finesse et intelligence.
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Le narrateur, qui se sent perdu, rencontre Victorien Salagnon, un vieil homme qui a vécu plusieurs guerres et qui lui apprend à peindre. C'est une forme de thérapie pour l'un et le retour sur sa vie passée pour l'autre...

Ça commence par du sexe, ça finit par du sexe... C'est fou comme beaucoup d'hommes passés un certain âge associent la décrépitude de leur membre préféré à leur perte progressive de leur identité...
Et pourquoi, oui pourquoi ??, faut-il qu'un nombre incalculable d'auteurs français se sentent obligés d'écrire des paragraphes et des paragraphes fastidieux et prolixes à la stylistique répétitive (ô comme Jenni aime la répétition !) qui ne font strictement pas avancer le récit pour un sou ? Chaque chose perçue ici est prétexte à des pages et des pages d'introspection, de madeleines de Proust, d'analyses personnelles et de crachats politico-historiques inefficaces sur la société et les gouvernements successifs français. Ça pue le personnage principal qui balance entre opinions fictives et propres à l'auteur, le genre de flou confus désagréable qui permet à l'auteur de foutre tout et n'importe quoi dans son ouvrage mais qui assomme le lecteur. Les considérations plus ou moins importantes sur certains épisodes de l'Histoire coloniale française sont noyées soit dans un flot presque infini de pensées propres sur des sujets qui n'ont rien à voir puisque constamment interrompues par le parcours du personnage principal sans nom en pleine psychanalyse picturale, soit dans une succession d'actions et de sentiments banals du quotidien de Salagnon qui ralentissent tout bonnement le récit, le tout freinant gravement la lecture.
Rares sont les années où on ne se demande pas pourquoi tel primé a reçu le Graal goncourien. 2011 ne fait clairement pas exception.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Deux avis différenciés pour cet ouvrage à deux têtes, dont il est, au final, plutôt complique de faire la synthèse : l'un enthousiaste pour le volet 'Roman' qui m'a emballée, l'autre plus nuancé pour le volet 'Commentaires' qui me laisse plus perplexe.

Le roman dans le roman retrace la vie d'un homme de guerre qui aura traversé vingt ans d'expérience belliqueuse française depuis les maquis de la deuxième guerre mondiale jusqu'à ceux, plus glauques, de la guerre d'Algérie, en passant par les remugles piteux de celle d'Indochine, le tout en parvenant à préserver son âme grâce à son silence, et à la maîtrise du dessin.
Cette partie-là est passionnante, très inspirée, écrite avec verve et couleur, et offre à son lecteur une plongée dans l'acide de la guerre crue, ses errances, ses temps de néant, de violence, ses motivations triviales, sans rien cacher de ses échecs patents. Cette 'plongée dans l'acide' est quasiment palpable, que ce soit la moiteur morbide de la jungle tonkinoise ou les sous-sol nauséabonds de la villa algéroise où les paras commettent leurs pires exactions. Un récit dur, violent, mais réellement jouissif.

Les excroissances du roman, dans lesquelles le narrateur, au contact du héros guerrier du roman dont il écrit l'histoire (premier effet miroir) pendant que ledit guerrier lui apprend à peindre (deuxième effet miroir) , traîne son état végétatif tout en faisant l'exégèse du roman du guerrier (troisième effet miroir, on commence à saturer), ces excroissances donc, ou commentaires, ou que sais-je, servent à poser avec une réelle virtuosité de plume mais de lassants effets de répétition, la thèse du roman selon laquelle la France, ne s'étant jamais remise de l'humiliation de 1940 ni de la colonisation, perpétue un racisme vengeur jusque dans son approche actuelle de l'immigration et la perception de "l'autre", la langue française ne suffisant pas aux plus frustrés à jouer son rôle historique de ciment. Une thèse qui se défend et est amenée de façon bien plus brillante et fine que ces pauvres lignes, mais dont personnellement je regrette que l'auteur n'ait pas été au bout de sa démarche littéraire en en réussissant la mixtion avec la trame romanesque.

Au final, une lecture dense et enfiévrée d'un roman virtuose mais qui parait inabouti, et peut-être cherche à trop dire.

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Il est souvent reproché à la littérature française actuelle son nombrilisme, son penchant désolant vers l'égotisme, ou le culte de l'égocentrisme systématique .

Avec L'art français de la guerre d'Alexis Jenni, nous tournons résolument le dos à ce travers pour nous diriger vers des questions de fond : la place de la guerre dans l'histoire récente de la France, la place de la violence dans la société française , le rôle de l'histoire dans la conscience d'une nation. Et nous entrons dans le vif du sujet dès les premières lignes du roman .Le récit part de la rencontre d'un jeune habitant de la région lyonnaise un jour de 1991, situé aux débuts de la guerre du Golfe .Ce garçon rencontre Victorien Salagnon, ancien maquisard, engagé volontaire dans l'armée et combattant des guerres d'Indochine et d'Algérie.

L'habileté d'Alexis Jenni est d'éviter l'écueil, qui aurait consisté à élaborer un récit romanesque, un de plus, de ces guerres .Le roman oscille entre la restitution des échanges entre ce jeune homme et Victorien Salagnon, accompagné de la femme de sa vie, Eurydice, dont il a fait la connaissance en Algérie, et d'autres relations, parmi lesquelles un certain Mariani, compagnon d'armes.

Le fil conducteur du roman est le suivant : La France a, peu ou prou, conduit depuis 1945 jusqu'à 1962 la même guerre : « -Vous ne l'avez pas remarquée la guerre de vingt ans ? La guerre sans fin, mal commencée et mal finie ; une guerre bégayante qui peut-être dure encore. La guerre était perpétuelle, s'infiltrait dans tous nos actes, mais personne ne le sait .Le début est flou : vers 40 ou 42, on peut hésiter. Mais la fin est nette : 62, pas une année de plus .Et aussitôt, on a feint que rien ne se soit passé. »

Autre fil conducteur du roman :la référence à Sun-Tsu , auteur de L'art de la guerre, auquel Alexis Jenni fait référence implicitement dans le titre de son roman .Après avoir évoqué un dialogue de Sun-Tsu avec un empereur de Chine, il décrit le rôle destructeur de la ,peur dans l'accomplissement des guerres : « Nous , les gens, nous avons des jus psychiques et volatils qui agissent comme des odeurs et les partager est ce que nous aimons le plus .Quand nous sommes ensemble, ainsi unis, nous pouvons sans penser à rien d'autre courir , massacre, nous battre à un contre cent. »

On peut relever au cours du livre la présence répétée de propos acerbes à l'encontre du Général de Gaulle : « Il nous donna, parce qu'il les inventa, les raisons de vivre ensemble et d'être fiers de nous .Et nous vivons dans les ruines de qu'il construisit, dans les pages déchirées de ce roman qu'il écrivit, que nous prîmes pour une encyclopédie, que nous prîmes pour l'image claire de la réalité alors qu'il ne s'agissait que d'une invention ;une invention en laquelle il était doux de croire . »
On le voit , l'histoire de France , dans ses épisodes les plus cruels, est omniprésente .Ce qui sauve Victorien Salagnon de la barbarie et de la cruauté, c'est la peinture , art auquel il s'adonne entre deux combats , qui le distancie des événements, qui le pousse à élaborer , par ses desseins et ses peintures, des souvenirs , sources de rééquilibrage psychologique pour lui.
On trouve aussi, dans ce roman, de très éclairantes réflexions sur les liens existants entre ce passé, un peu lointain peut-être pour certains, et l'actualité sociale de la France :
« Nous avons manqué à l'humanité .Nous l'avons séparée, alors qu'elle n'a aucune raison de l'être .Nous avons crée un monde où selon la forme du visage, selon la façon de prononcer le nom, selon la manière de moduler une langue qui nous était commune, on était sujet ou citoyen. Chacun consigné à sa place, cette place s'héritait et se lisait sur les visages. »
C'est probablement un des meilleurs romans sur ce sujet : le rapport de la France à son passé colonial, à son art de la guerre.
A lire absolument.



Lien : http://bretstephan.over-blog..
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