AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


♬ Rame, rame, rameurs, ramez
On avance à rien dans c'canoë ♬
Si vous avez l'âme pas gaie, venez vous astiquer les zygomatiques dans cette promenade en canot sur la Tamise. Trois hommes dans un bateau, sans oublier le chien, c'est un vieux roman anglais publié en Angleterre en 1889 par un certain Jerome K. Jerome. Je me souviens d'une édition ancienne qui traînait chez moi quand j'étais enfant. Je me rappelle que c'est une tante qui m'avait offert ce livre pour mon anniversaire. Comme elle avait de la barbe et ça piquait un peu quand elle m'embrassait, j'avais mis le livre dans le grenier, en attendant...
En attendant quoi ? Je ne sais pas. Perdu de vue, sans doute lors de nombreux déménagements, je savais qu'il existait quelque part ailleurs. Il m'aura fallu attendre près de cinquante ans, le hasard d'un vide-grenier dimanche dernier pour retrouver peut-être la même édition de 1953, de la Bibliothèque Rouge et Or, avec d'amusantes illustrations. J'ai attendu de devenir presque un vieil enfant pour enfin le lire.
J'ai eu un plaisir fou à embarquer avec les quatre personnages de ce truculent roman. Quatre ? Oui, Trois hommes, le narrateur J., George et Harris, sans oublier le chien, Montmorency, un fox-terrier insupportable ! Je me suis bien amusé à cette lecture.
L'histoire est toute simple. Nos quatre personnages décident de s'offrir des vacances en remontant en canot la Tamise depuis Londres jusqu'à Oxford.
Embarquement immédiat ! Ne craignez rien pour le mal de mère, elles seront toujours là à nos côtés, quels que soient les remous et les méandres de cette navigation de plaisance...
Ils ont pourtant envisagé un instant de partir en mer... Bon, un instant ça dure quoi chez eux ? Trois secondes ? Non, j'exagère ! À peine deux...
Ici, pourtant ce n'est jamais un fleuve tranquille auquel nous invite le narrateur, même si ce fleuve se nomme la Tamise. Voici un voyage au long cours de quinze jours et ses péripéties inattendues.
Ces trois jeunes hommes de cette merveilleuse époque victorienne, aux moustaches frétillantes et retroussées, - c'est ainsi qu'ils apparaissent dans les illustrations du livre, qui décident d'en finir avec la routine quotidienne qui les ennuie tant.
Ils ont beaucoup d'élégance, ne se trouvent aucun défaut, ils aiment fumer la pipe ensemble, apprécient le thé à seize heures, un bon whisky tourbé d'Écosse à dix-neuf heures.
Mais surtout, surtout, ils n'aiment ni le travail ni les contraintes. Oui ils sont paresseux, détestent les réveils, sauf ceux qui ne sonnent pas à l'heure, et sont partis en aventure pour cela. En aventure, c'est un bien grand mot pour eux, ils détestent l'inattendu sauf lorsqu'ils sont capables de le prévoir suffisamment à l'avance.
Ce ne sont pas les bateliers de la Volga, mais presque...
Alors, ils ont bien quelques petits défauts si on cherche un peu... Ils sont hypocondriaques, misogynes, pratiquent l'art de la mauvaise foi et de la procrastination.
Boucler une valise est tout un poème. S'apercevoir que la brosse à dents qu'on cherchait depuis une heure se trouve au fond de la valise en est un tout autre.
Un pot de moutarde qui disparaît et c'est un vent de panique sur la Tamise.
Même la bouilloire pour le thé se permet une perfidie outrancière... Sans oublier le chien...
Les berges de la Tamise recèlent des trésors inavoués. On pourrait imaginer un récit qui va nous amener à découvrir ce fleuve anglais dans une balade touristique désuète et sa géographie bucolique. Cela l'est un peu, mais le texte vaut surtout pour les nombreuses digressions que chaque événement du voyage est prétexte à susciter, telle une madeleine de Proust, façon britannique.
Car nos amis bavardent... Se souviennent...
Du canotage au cabotinage, il n'y a que la distance d'une pelle à aviron... Et alors, ce sont de petits récits loufoques et désopilants qui s'invitent à bâbord et à tribord... L'histoire d'un oncle qui met plus d'une journée à accrocher un tableau à un mur, l'histoire d'un fromage qui aide un des protagonistes à voyager seul dans le wagon d'un train...
C'est un tantinet drôle !
L'art du canotage, c'est aussi l'art de se poser sur la berge, regarder les étoiles et évoquer philosophiquement le temps qui passe, qui pousse la barque de la vie. Mais n'allez pas chercher dans la prose de Jerome K. Jerome, une once d'Epicure...
La Tamise recèle aussi des méandres et des écluses... Mais pourquoi diable posent-ils sans cesse des écluses sur ce maudit fleuve !
Nos amis rament, nos amis râlent. Ces canotiers en goguette parfois se mettent en colère, s'irritent du voisinage, de l'autochtone sur la berge qui bien sûr n'existe que pour menacer la quiétude de leur voyage, il faut alors chercher la rixe. Mais ces tyrans d'eau ne sont pas méchants pour deux sous...
Il souffle juste sur cette Tamise désuète un vent de liberté, un esprit buissonnier... et surtout une mauvaise fois délicieuse...
Oui, mes amis, je vous assure, Trois hommes dans un bateau est un vieux livre qui n'est pas prêt de prendre l'eau.
So british !
♬ Rame, rame, rameurs, ramez
On avance à rien dans c'canoë
Là-haut, on t'mène en bateau
Tu pourras jamais tout quitter, t'en aller
Tais-toi et rame ♬
Commenter  J’apprécie          6218



Ont apprécié cette critique (61)voir plus




{* *}