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Critique de mickaelfroideval


J'aime l'écriture de cet auteur pour son style brut et incisif: à la manière d'un Bukowski et d'un Miller, ce auteur écrit à la "cerpe": il pose le cadre des situations, des lieux, des psychologies de manière direct et sans fioritures m.
Il ne passe pas 30 lignes à décrire, il préfère suggérer. Et c'est a mon sens une force car en tant que lecteur on se projette plus facilement.
Ici est laissé une liberté pour se créer mentalement les lieux, les personnages et de fait s'approprier le propos.
L'exemple du passage sur l'hôpital psy est particulièrement éclairant : on sait où l'on est mais il est laissé assez de latitude aux lecteurs pour se représenter lui-même les choses.
Ce passage est particulierement bluffant dans la mesure où la psychologie du personnage colle vraiment à ce qu'on pense en ce genre de lieu.(bipolaire j'ai été hospitalisé plusieurs fois et me suis reconnu dans les pensées du personnage principal. Les propos sont dur mais l'auteur saisi bien cet entre deux monde où une sorte de tempête intérieure rend les situations et les pensées particulièrement violentes.
J'aime beaucoup ce que Ludovic Joce distille entre les lignes, ce que j'appelle les digressions...
L'air de rien, en quelques phrases, il peint le tableau de la réalité économique et sociale de l'hôpital avec le regard acéré de l'observateur attentif et pas dupe.
De même, le passage au juge est particulièrement acéré tant dans le propos que dans l'observation.
Oui les femmes juges se rangent quasi systématiquement du côté de la mère quelque soit ces antécédents...Ce passage m'a chamboulé car j'y revivais des heures sombres de ma vie personnelle où j'ai été confronté au même aléas que le héros.
L'écriture est nerveuse. C'est une observation au scalpel et on lit entre les lignes un désenchantement salvateur.
C'est dur, sans fard, et intense..Une chatte est une chatte et ce n'est pas gratuit.
C'est brut, violent, vrai.
Ludovic Joce ose, libéré un peu plus a chaque écrit de ce que les lecteurs vont pouvoir ressentir ou penser...(cf. l'excellent "point de gravité, son premier roman).
Plus libre peut-être. Plus vrai sûrement.
Je me demande ce que donnerai un livre sur l'hyper-violence écrit par cet auteur qui ne cesse de se bonifier au fil de ces écrits.
Clairement on est loin de l'écriture aseptisé du moment où les héros sont des bisounours.
Et çà fait du bien de lire un auteur qui ose mettre ses mains et ses mots dans la merde!!!
Dans le déroulé de l'intrigue, je suis marqué par le sentiment de l'inexorable, du climax: par bride, comme un peintre impressionniste, il sait faire naître des sentiments oppressant et l'on sent que çà ne peux pas bien se terminer.
Çà sent la tristesse, le désarroi, la puanteur des sentiments humains médiocres...
Les "béni de la crêche" qui veulent des bons sentiments partout n'aimeront pas ce livre.
Ceux qui comme moi ont mis leurs mains et leurs tripes dans cette même merde au risque de ne pas en revenir vont l'adorer.

L'auteur a le sens du récit et le rythme est indéniable. On a envie a chaque chapitre de connaître la suite....
Je n'arrête pas de me dire que Joce devrait travailler un scénario, une adaptation car il nous laisse a lire une écriture graphique, très cinématographique...

La désespérance s'exprime sans concession (je cite):
"Mais Dylan n'avait jamais vraiment su où se situaient les limites.
De la folie. de la normalité. de la légalité. de la morale. de l'acceptable. de la souffrance.

Il avait toujours été en marge. Ou sur le fil du rasoir. A la merci de ses excès. Et de ses emballements"

Ou comment en quelques phrases dresser un portrait des "autres", de ceux qui ne ressemble a personne.
Des "dingues et des paumés" comme le chante hubert felix thiefaine..
De ceux qui dérange et dérangeront toujours.

Quand on lit "point de gravité" et "rien n'y personne" il saute aux yeux que l'auteur aime les points de rupture.
Entre les lignes, on comprend qu'une situation, un événement peut amener un être ordinaire a se perdre et a tout perdre.
Mais les héros sont attachants et malgré leur mal-être on sent un profond désarroi mais aussi beaucoup d'humanité.
Il met en le lumière, sans l'ombre d'un jugement les "oublies"," les paumés" et démontre (entre les lignes) que dans des circonstances particulières chacun peut devenir loup.
C'est écrit au scalpel, de manière abrupte mais l'humanité y est totalement sous jacente...
Il n'excuse pas, ne juge pas.
Il expose l'histoire, les héros mais n'affirme rien laissant aux lecteurs la responsabilité de ses ressentis.
C'est là que c'est intéressant car si personnellement il ressent une tendresse particulière, une empathie pour les "fêlés", les paumés, il ne le dit jamais.
Au coeur de ce noir, on ressent beaucoup d'humanité.
Quand l'auteur raconte la descente aux enfers de l'héroïne, la drogue etc...il survole, ne se sent pas obligé de rentrer dans les détails.Comme si c'était tristement banal et que tout le monde connaissait çà.
Chacun se fait ses propres images, mais insidieusement l'auteur laisse entendre que la merde est tristement banale et qu'elle est partout.
Ce genre de non-dits dit beaucoup et installe la noirceur des personnages et de l'histoire.
Encore une fois, Ludovic Joce a l'art d'installer une ambiance en peu de phrases.
Le lecteur est balancé dans l'intrigue: là où certains auteurs prennent les lecteurs par la main pour les guider, ici est pris le partie de le jeter sans filet dans le fumier!
D'où mes références à Henry Miller ("sexus") qui raconte froidement et sans retenue aucune comment lui le paumé est devenu un écrivain. C'est abrupt, sans filtre, noir et çà chahute.
L'écriture se débarrasse du superflu pour n'aller qu'a l'essentiel. Même si ici, l'essentiel est entre les lignes!

La finesse et la subtilité s'invente dans de nombreux chapitres: ainsi Dylan sait que sa vie sombre, qu'elle est noir, triste. Mais c'est contrebalancé par l'amour ressenti pour son fils.
Ça ne peux que me toucher personnellement car au plus noir de mes défaites, cet amour filial me tenait. Vraiment l'auteur à le sens du non-dit: là où des écrivains auraient fait phrases sur phrases pour décrire cet amour, lui met en exergue la pudeur et installe une impression. Pas besoin de long discours, on comprend et surtout, on ressent.
Et on a envie que ça se termine bien pour ce paumé de Dylan diablement humain dans sa détresse...
Même si l'on sent inévitablement venir le drame.
Mais l'auteur à l'intelligence de donner aux lecteurs la liberté de penser ce qu'il veut des actes du personnage principal.
Victime, coupable, responsable rien n'est si simple et en creux demeure une critique lucide de nos sociétés qui se complaisent à ériger des statuts aux héros et des tombeaux aux salauds.
L'auteur a bien compris que le manichéisme est une fainéantise de l'esprit et que rien n'est jamais plus compliqué que de juger l'histoire et les actes d'un homme.
J'ai adoré ce livre sec, nerveux, violent...et pourtant si humain.
Adoré ces non dits qui veulent tellement dire...
Adoré cet écriture scalpel.
Pour moi, c'est une réussite même si je m'attend a des réactions mitigés de petits bobos frustrés qui ne connaissent rien de la douleur, de la violence des sentiments et au fond de la vie...
Il y a de la lumière et de la beauté même dans les égouts de la psyché humaine.
Sobre, direct, précis, froid et sans concession mais non dépourvu d'humanité, je me suis véritablement régalé, sans jamais m'ennuyer.
Mon seul petit bémol vient du format du livre. On trouve ce genre de format pour les poèmes japonais et je ne suis pas certain que ce soit l'idéal pour une exposition en librairie ou pour mettre en valeur la qualité du texte.
Mais cela n'empêche rien la qualité de lecture, j'émets juste une impression personnelle.
Les livres de Joce tournent autour de problématiques très actuelles tel la perte de repères, la dépression, la place du père dans une séparation...
Ce texte et fort, et je ne peux que le conseiller vivement !
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