Tout le monde a un tiroir secret dans sa chambre.
La peur est bien plus agréable que l’ennui. Ne pas savoir de quoi sera fait le lendemain est bien plus stimulant qu’être certaine que chaque jour ressemblera à celui d’avant. Aucun espoir, aucune passion.
Ce qui est bien avec l'art, c'est qu'il permet de découvrir une part du monde ou une histoire qui ne sera jamais la nôtre, par les yeux d'un autre. J'ai donc découvert Paris par vos yeux.
Je suis bien trop troublée par les doigts de Chris, intimement mêlés aux miens tandis que nous suivons Mark ou plutôt, tandis qu’il me traîne derrière lui. Son geste a quelque chose de possessif et j’ai l’impression d’être un jeton qu’ils utilisent pour se livrer bataille. À présent, c’est moi qui suis furieuse. En fait, je suis terrifiée et mon cœur est sur le point d’exploser.
— Que faites-vous ? dis-je en tentant de me libérer.
Il continue à marcher en me lançant un bref regard.
— Ce que je suis venu faire ici : je vous protège.
Je reste sans voix face à cette réponse ridicule. Pourquoi cet instinct protecteur ? Si je ne le tire pas par le bras, si je n’exige pas des explications, c’est uniquement parce que nous sommes en public. Mon esprit est en ébullition tandis que je cherche un autre moyen de lui échapper avant de me retrouver piéger dans l’un des bureaux, entre eux deux.
« Je me surprends à rire librement, je ne m’étais pas rendu compte que j’étais tendue à ce point, que j’étais au bord du gouffre. Je suis stupéfaite que cet inconnu soit parvenu à me désarmer aussi facilement. Nos rires s’évanouissent et l’air se charge d’une électricité qui me coupe le souffle. Nos regards sont liés et une vague brûlante m’envahit. J’ai envie de cet homme, mais nous ne jouons pas dans la même cour. Je le sais. Pourtant, mon corps semble s’en moquer. Je ne suis qu’une femme comme les autres, une enseignante qui retournera bientôt à ses salles de classe. Lui est incroyablement talentueux, il possède une fortune de plusieurs millions de dollars, il à vu des choses que je n’ai fait qu’imaginer à travers mes lectures. »
« Il faut à tout prix que je trouve l’occasion de lui en parler, car je dois le remercier pour la commission qu’il m’a assurée.
J’inspire et expire lentement, aux prises avec le sentiment profond que j’ai souvent tendance à repousser. Même si je me suis résignée à vivre modestement, l’opportunité de gagner un peu d’argent, de poursuivre mes rêves est excitante. Je redoute presque d’y croire tant que je n’ai pas l’argent en main… Pour quelqu’un qui à l’air chaleureux et sympathique, le vrai Chris se montre prudent et réservé… »
« J’ignore combien de temps je reste plongée dans ce débat intérieur, mais lorsque je reprends mes esprits, j’ai l’impression d’avoir été rouée de coups. Je me sens tendue et exposée.
Je m’efforce de retrouver mon sang-froid et je compose le numéro de Ricco pour la dixième fois de la journée, espérant que l’heure tardive jouera en ma faveur. Je tombe de nouveau sur le répondeur…
… Je remets mon téléphone dans mon sac et je rassemble mes notes au sujet de Rebecca. Sur l’une des feuilles figure le numéro du propriétaire de son immeuble. Ou de ce que j’imagine être son immeuble. Je fixe mon téléphone et envisage d’appeler, mais je me ravise aussitôt. J’ai appris la leçon. La galerie est équipée de caméras. Je ne dois pas non plus oublier…
… Un bruit de pas.
Quelqu’un est là, avec moi…»
… l’amour de l’art ne paie pas les factures.
La connaissance et les compétences sont bien plus faciles à trouver que la passion à l’état pur, ajoute-t-il, chacune de ses paroles m’envoûtant un peu plus.
Une femme d’affaires n’abandonnerait pas son travail pendant une si longue période.