AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de AgatheDumaurier


J'ai reçu ce livre lors d'une opération masse critique, aussi je remercie Cabello et les éditions Bruno Doucet. Je me rends compte que je n'ai jamais "critiqué" de poésie sur le site, alors que c'est ce que je préfère à tout, de très loin. Mais il faut dire que ce n'est pas évident.
Pour ce recueil, il m'aurait fallu beaucoup plus qu'un mois. Car, à la différence du roman, la poésie ne s'use pas. Elle se lit et se relit, change de sens et de forme. Aussi ne puis-je donner sur le texte de Jean Joubert que des impressions. D'autant plus que le recueil est formé de deux opus : l'un écrit à 30 ans, le premier publié "les lignes de la main" (1955), l'autre dans les dernières années de sa vie ( autour de 2010-2015, à ce que j'ai compris.) Deux extrêmes, donc, dans une vie littéraire bien remplie par ailleurs de romans, notamment pour la jeunesse.
D'abord, ôtons-nous d'un doute, Jean Joubert écrit de la poésie contemporaine de qualité. Rien à voir avec les délires stériles de certains, dont je me demande toujours pourquoi on gaspille de l'encre, du papier, pour les éditer, quitte à discréditer encore ce langage fondamental et essentiel. Vous voyez le genre :
J'ai. VU. le chat. qui
fait. POPO. dans. sa. litière

Bref, rien de cela ici.
Premier recueil " Les lignes de la main".
On sent l'influence des autres, surtout Rimbaud : "je suis la palme et le vent qui brûle/et la cendre sur l'eau posée comme un poème" ( Je dors le front ouvert).
Le poète est au centre, il vit dans un monde de métaphores et d'images qui reflètent la réalité réduite à l'essentiel : recherche du sens, mélancolie, fuite du temps, angoisses. Aucune allusion au monde extérieur, 10 ans après la guerre, c'est un peu gênant. Ce qui me gêne aussi, c'est la vision des femmes, réduites à l'etat d'objet. :
"Tout change car un paysan
M'apporte en riant un renard
Une pomme, une fille nue" ( l'oeil)
Ou de Muse objet
"Dors à l'ombre de mes cheveux
Me disait-elle ;
Dors dans le bois de déraison,
Les yeux ouverts comme un enfant..."
Bon, la femme objet, muse, les cheveux, le poète enfant créateur, ça va 5 minutes avec les vieux du XIX ème, mais en 1955, on arrête, Jean.
A part ça, un très beau poeme original : "Elle passe, fragile...", écrit pour sa mère, on dirait :
" Elle m'écrit :
Mes filles sont grandes, les couloirs vides. La poussière a mangé les livres que j'aimais.
La grange croule où brillait le blé ; le puits se comble ; les chênes sèchent sous les lierres[...]
Elle m'écrit encore :
Mes yeux sont pleins des terres de l'enfance, des mains croisées, de longs passages prophétiques. Il me semblait entendre, hier encore, cette plainte des grues qui traversaient nos soirs d'automne dans le Nord. Ici, le ciel est vide : pas un indice, pas un cri ![ ...]"
Et de belles images, aussi,dans le seul poème qui me semble évoquer la guerre :

"Et lui qui fut soleil s'étouffe dans sa peur

Un chien léchait son sang aux marches de la mort" (A la mémoire d'un autre)
Deuxième recueil : Longtemps j'ai courtisé la nuit.
Composé de pièce non publiée sous forme de recueil, rassemblé après la mort du poète. Celui-ci, 50 ans apres le premier recueil, est reste le même. Mêmes défauts : influence encore lisible des autres, femmes objets.
Très beaux poèmes: douze chats et un poète, souvent je me retourne, le cavalier bleu. La mort, le vieillissement du corps hante le poète. Son père apparait dans des passages oniriques très beaux:
" puis le masque tomba
Soudain je reconnus mon père,
Le familier d'une forêt perdue. " ( Waou pour ce vers)
Magnifique aussi :
" Une seconde de plus
Sur le cadran de l'horloge.
Ah, je n'ai pas cessé de vieillir."
Voilà ce à quoi je songe à présent sur la poésie de Jean Joubert. Je le relirai régulièrement. Désolée d'avoir été longue.
Commenter  J’apprécie          177



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}