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Critique de frandj


frandj
26 septembre 2020
James Joyce est généralement reconnu comme un grand écrivain… mais souvent obscur. Ce roman quasiment autobiographique fait mentir cette réputation. On le lit sans difficultés et on n'a pas à y chercher des arrière-pensées littéraires compliquées. Stephen Dedalus, un personnage que l'auteur a fait apparaitre dans plusieurs de ses livres, est clairement un alter ego de Joyce. Dans ce "Portrait", on voit un garçon (fréquentant d'abord un collège) devenir un jeune adulte. Tout est intelligible dans ce parcours. Tout sonne authentiquement. Mais Joyce nous introduit dans une époque et un pays qui nous semblent très éloignés. L'Irlande de la fin du XIXème siècle essaie d'entrer dans l'ère moderne, mais elle reste encore très archaïque. L'emprise de l'Eglise catholique est lourde. Elle est particulièrement sensible à l'intérieur de l'école religieuse où étudie le jeune Stephen D. Les discours - à la fois lénifiants et terrifiants - des prédicateurs paraissent presque incroyables. le jeune garçon est très fortement influencé par cette pression. En outre, l'Eire subit encore la loi britannique, suscitant de graves divisions entre les Irlandais eux-mêmes (encore maintenant, il en reste de forts reliquats en Ulster).

Le roman nous décrit le chemin de Stephen (alias James) vers la maturité. Dans le premier chapitre, une scène remarquable le montre quand il fait valoir sa bonne foi, après une punition donnée par un implacable préfet des études. Puis, devenu adolescent, il est travaillé à la fois par le démon de la chair et par les prescriptions de l'Eglise. Il mettra beaucoup de temps à s'affranchir des contraintes inacceptables. Dans cette démarche, il est foncièrement honnête. Par exemple il explique à un de ses amis: « Tu m'as demandé ce que je ferais et ce que je ne ferais pas. Je vais te dire ce que je veux faire et ce que je ne veux pas faire. Je ne veux pas servir ce à quoi je ne crois plus, que cela soit mon foyer, ma patrie ou mon Eglise. Et je veux m'exprimer, sous quelque forme d'existence ou d'art, aussi librement et aussi complètement que possible en usant pour ma défense des seules armes que je m'autorise à employer: le silence, l'exil et la ruse ».(p. 353). Cette ambition est emblématique du parcours de l'écrivain.

Il y a donc une coexistence entre une évidente authenticité (soulignée par les très nombreuses notes, rassemblées à la fin du livre, qui se réfèrent au vécu personnel de Joyce) et l'impression d'étrangeté que j'ai mentionnée plus haut; ça peut surprendre. Mais, en fait, ceci en fait un roman d'un très grand intérêt.
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