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Critique de LandryBardeau


Drôle de Moisson de Roger Judenne vient dête réédité par les éditions Marivole. Ce roman a pour cadre l'exode de juin 1940. Pas l'exode des gens du Nord, des Parisiens ou des gens des villes, mais celui des paysans, des gens des campagnes. Inconcevable abandon de sa ferme et de ses animaux, de la récolte de foin en cours et de la moisson toute proche. Une situation déchirante et traumatisante.

Rencontre avec l'auteur, Roger Judenne

Landry Barbeau: Pourquoi raconter l'histoire d'une famille de paysans se lançant sur les routes de l'exode ?
Roger Judenne : Je suis un rural et toute mon enfance est imprégnée de ce monde paysan, du temps où les fermières élevaient quantité de volailles et d'animaux et où les hommes travaillaient de petites parcelles avec des chevaux. Plus que l'occupation, l'exode a été une période marquante pour les paysans. Pendant des années, il n'y avait pas besoin de leur poser des questions : ils racontaient spontanément leurs aventures.

LB : Et vous vous êtes inspiré de ces récits ?
RJ : Plus que ça. Pendant une vingtaine d'années, j'ai noté par écrit toutes les anecdotes rapportées par environ 200 personnes. « Drôle de Moisson » est un roman et raconte l'histoire d'une famille fictive mais tout ce qui arrive à cette dizaine de personnages ne correspond qu'à des histoires vraies. Aucune anecdote n'est inventée.

LB : Des témoignages notés sur 20 ans… une fiction avec des rebondissements inattendus… Qu'est-ce qui vous a donné l'envie de passer de l'un à l'autre ?
RJ : l'élément déclencheur a été très inattendu. Un jour, une femme devenue âgée me racontait son exode dramatique, avec ses deux garçons de 15 et 17 ans. Comme je n'étais sans doute pas assez attentif à son goût, elle m'a dit en baissant la voix : « En 40, si j'vous disais que pendant 6 semaines, moi, j'ai couché avec le curé ! » Evidemment, j'ai dressé l'oreille et la malicieuse bonne femme m'a expliqué que le vieux curé avait une voiture, de l'essence mais était devenu quasi aveugle. Son aîné avait pris le volant et l'équipage avait réussi à passer la Loire juste avant que tous les ponts ne sautent. Ils étaient restés bloqués en Sologne sans possibilité de revenir chez eux, hébergés par des braves Solognots qui avaient mis une seule pièce à leur disposition. C'est ainsi que le curé, la bonne femme et ses 2 garçons avaient « dormi » dans la même chambre pendant 6 semaines, ce qu'elle résumait en disant qu'elle avait « couché » avec le curé.

LB : Tourner ces événements dramatiques en épisodes cocasses, c'était sa façon de dédramatiser l'exode ?
RJ : Exactement. Dans la bouche de cette femme, l'angoisse, la panique, l'épuisement se transformaient en péripéties humoristiques. La vie l'emportait. C'est cette volonté de vivre et de ne conserver que le moins mauvais côté des choses qui m'a guidé dans la construction de l'intrigue.
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