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Critique de JacobBenayoune


L'une des choses les plus nuisibles à notre cher Kafka est l'interprétation toute faite. le plaisir que prennent certains à coller des étiquettes du genre roman philosophique, ou roman à thèse aux oeuvres de Kafka et surtout ce fameux roman "Le Procès".

Ainsi, je vais vous présenter comment j'ai lu "Le Procès" de Kafka.

D'abord, le Procès est la description minutieuse d'un cauchemar. Un personnage se retrouve tout-à-coup, et malgré lui, dans une situation qu'il ne peut changer, il visite des lieux étranges, prend à la légère sa situation délicate, rencontre des filles à son chemin et ces dernières tombent dans ses bras facilement. Il est au centre de tout ce qui se passe, tout le monde le connait et l'épie curieusement! Les circonstances les plus sérieuses se marient aux plus burlesques, et Kafka continue son majestueux travail de narrateur qui se joue de son lecteur en affectant le sérieux. Comme dans un cauchemar, on est hanté par une force majeure qui nous conduit là où elle veut, ici la force d'un tribunal que le personnage ne peut que s'y soumettre minablement. Comme dans un cauchemar, les lieux sont étranges; un tribunal qui n'a rien d'un établissement réel.

Ensuite, le Procès doit se lire comme un roman! Un roman original qui s'inscrit dans l'histoire littéraire du roman et non dans l'histoire des idées. Kafka n'est pas un philosophe, ni un moraliste. Aussi ne faut-il chercher ici ni satire de totalitarisme, ni critique de l'injustice, ni représentation de la bureaucratie, ni une leçon de morale contre la sexualité et l'indifférence de K. (du moins à mon avis). le Procès est une oeuvre littéraire et s'explique par la littérature. Un roman qu'on lit avec passion; on suit ce Joseph K. (non pas Kafka, mais (K)auchemar) et par la magie kafkaïenne (et non pas kafkologique, en référence à ces clichés qui tournent autour du "personnage" de Kafka) on prend au sérieux certains événements, et l'on croit que les choses suivent un cours logique (surtout les comportements de K. vis-à-vis son procès et son accusation et les remarques des autres personnages et leurs conseils). Mais le récit n'est pas qu'angoisse et malaise (partagés entre lecteur et héros), K. trouve des moments d'évasion pour oublier un instant son procès omniprésent; avec cette scène où il voit pour la première fois le lieu où va se passer son procès, ces hommes, ces femmes et cette petite fille, cette scène d'amour burlesque au cours de l'audience! et ses flirts avec les filles.

Par ailleurs, on constate la solitude de K. au milieu de cette foule de personnages qui ne peut l'aider, son indécision voire contradiction, sa révolte secrète (étouffée avant de se montrer) et sa condition pitoyable. Et ainsi comme dans "Le Désert des Tartares" le temps passe et l'affaire devient plus difficile jusqu'à l'ultime fin qui atteint le sommet de l'ironie dans l'attitude de K.

Si on veut parler de scènes intéressantes il faut citer tout le roman! Kafka a cet art de présenter le monde en rêve, en métaphore onirique!
Mais chacun peut y voir ce qu'il veut en tant que lecteur et opter pour toutes ces interprétations qui pullulent partout (au détriment du sympathique Kafka et au bonheur des kafkologues).

P.S. L'un des meilleurs livres sur Kafka est celui de Kundera "Les testaments trahis".

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