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Critique de Domichel


Bouleversant…
Ce livre de portraits, écrit par Ghislaine Kalman, est tout simplement bouleversant. En une centaine de pages, elle nous relate son expérience de sage-femme détachée en “DSU” pendant cinq ans, auprès d'associations, pour assurer une politique de prévention et d'éducation à la santé dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, puis comme attachée à l'hôpital Lariboisière pour suivre les grossesses à risques. DSU : trois lettres qui en langage administratif viennent remplacer le terme de “quartier sensible” en y substituant l'appellation de “zone de Développement Social Urbain”, c'est vrai que ça change tout, ou pas.
À travers de courtes et nombreuses anecdotes, l'auteur va nous faire toucher du doigt avec délicatesse et réalisme, le quotidien de femmes de tous horizons, nationalités et situations familiales plus variées les unes que les autres. Chinoise, malienne, indienne, maghrébine, congolaise ou française, chacune de ces femmes va confier à la sage-femme, plus que son futur de parturiente, son histoire personnelle, son parcours mouvementé et sa foi dans un avenir incertain.
Madame Zhang, couturière dans un appartement minuscule, n'ayant pour interprète que son fils Jean-Michel au prénom déjà français, qui va à l'école de la République, s'applique à faire ses devoirs et s'intégrera sans bruit dans notre société multiculturelle.
Émilienne, arrivée de Brazzaville, dont le futur bébé a été reconnu avant sa naissance par un ami français, lui assurant ainsi le droit du sol, mais seulement ça parce que « c'est tout ce qu'il peut faire pour elle ».
Farida, qui débarque à l'hôpital avec le visage tuméfié, parce qu'elle « est tombée en sortant de la baignoire et en glissant sur le savon au sol », laquelle va vivre, le temps de son séjour, puis d'accoucher, ce qu'on appelle délicatement une “lune de miel” avec son compagnon qui s'est empressé de lui apporter un bouquet de fleurs dans sa chambre, avant de retrouver une vie faite de violences conjugales…
Salimatou, qui plus que son enfant à naître, s'inquiète du sort de la petite Fatou, restée au Mali, et qu'il faut sauver à tout prix avant que la “tradition” de l'excision ne la rattrape.

Et bien d'autres petites histoires aussi graves, quand elles ne relèvent pas de l'absurdité de l'administration qui veut si bien faire, enchaînant les politiques de la ville et débloquant des budgets à tour de bras, pour faire de ces quartiers une vitrine de l'implication des élus. Mais l'argent ne suffit pas quand on se contente d'allouer, à chaque fois, de nouveaux subsides aux associations multiples, pour aider ces populations isolées dans un quartier qu'elles ne quitteront jamais, puisqu'avec la meilleure volonté affichée, on “ghettoïse” un peu plus mais mieux ces habitants confiants dans nos institutions, car vivant en vase clos pour se rassurer entre compatriotes. Quid alors de la véritable intégration ?
L'auteur ne nous apporte pas de réponse à ces questions, ce n'est pas son propos, mais juste un témoignage de ce qu'elle a vécu pendant vingt ans auprès de gens, qui, perdus dans un pays qu'ils ne connaissent pas, se disent que malgré tout, quelle que soit la misère dans laquelle on vit, ça ira toujours mieux quand c'est dans un pays riche avec autant de personnes pour s'occuper de soi.
Quant à nos édiles, même les mieux intentionnés, c'est avec le sentiment du devoir accompli qu'ils se retrouveront à l'inauguration du ”énième“ bâtiment d'accueil, entre gens de bonne compagnie, se pavanant et admirant ces locaux d'un nouveau ghetto exemplaire.

Un livre sans concession, mais sans esprit de revendication inutile, juste un livre plein d'humanité, avec de la compassion mais pas de sentimentalisme.
Un magnifique livre qu'il faut lire et faire lire autour de soi. Pour dix euros, ce n'est pas cher payé l'information.
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