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Critique de Tachan


En tant qu'amatrice de manga curieuse de la multiplicité de ce média, j'ai souvent entendu parler d'Atsushi Kaneko, dont les oeuvres un peu underground titillaient ma curiosité tout en m'effrayant par leur côté un fou. Je n'ai donc jamais eu le courage de lire Bambi, Soil ou encore Wet Moon, qui sont pourtant souvent plébiscités. Cependant, sa reprise de Dororo, titre assez mainstream d'Osamu Tezuka, m'a fait sortir de ma zone de confort. Je voulais vraiment voir ce que l'association des deux pouvait donner.

Dororo, comme je le disais la semaine dernière, est une sorte de revisite des Douze travaux d'Hercule à la sauce japonaise, avec un héros qui pourfend les démons pour récupérer les 48 parties de son corps qu'ils lui ont dérobé. C'est un shonen assez classique dans la forme, qui aime emprunter au bestiaire des créatures démoniaques japonais, tout en proposant un road-trip à l'époque Sengoku avec un duo improbable où Dororo joue le compagnon de route.

Sa revisite, Search and Destroy propose une toute autre vision de l'oeuvre. Là où j'avais trouvé celle d'origine un peu limitée, un peu enfantine et manquant de noirceur, c'est tout le contraire ici. L'auteur reprend l'idée de base de Tezuka avec un héros, ou plutôt une héroïne ici, à qui on a dérobé des parties de son corps et qui souhaite les récupérer, mais cette fois, c'est elle la narratrice. Cette orientation est annoncée dès le titre, tout comme l'ambiance sombre et psychédélique est annoncée dès la couverture. L'auteur revisite ainsi ce classique de Tezuka à la sauce cyberpunk post-apocalyptique et c'est juste hyper savoureux. L'élève a ici dépassé le maître !

D'emblée, nous nous retrouvons dans un univers qui n'a rien à envier à la Metropolis de Fritz Lang, ni à la Zalem de Gunnm. C'est un petit monde de privilégiés en opposition totale avec la misère des pauvres hères que côtoie l'héroïne qu'elle va attaquer et secouer. Tezuka le faisait déjà dans l'oeuvre d'origine mais ça n'avait clairement pas la même force évocatrice pour moi. La transposition dans un monde crade, pauvre, difficile, futuriste y joue pour beaucoup. C'est un imaginaire qui me parle bien plus et où je trouve les différences sociales encore plus criantes. On suit des personnages de sales vieux dégueulasses et privilégiés comme dans les polars sombres de K.Dick avec une ambiance empruntant un peu aux troquets de Star Wars mais en moins fun. C'est juste top !

L'héroïne arrive de nulle part avec son look improbable, son odeur pestilentielle, et elle vient secouer tout ce petit monde en venant les agresser sans qu'ils comprennent trop pourquoi et nous non plus au début, si on n'a pas les cartes de la série d'origine. C'est brutal, violent, inattendu et jouissif. Les personnages en contre-champs semblent aussi perdus que nous et l'effroi est parfaitement rendu par l'auteur, dans ce monde qui semble si bien réglé face à la misère de ceux qu'ils côtoient en bas de l'échelle sociale.

Les révélations et explications ne tombent que dans la seconde moitié du tome et sont parfaitement assénées avec un flashback très bien intégré à la narration principale. Là où le titre original souffrait de son format épisodique, ici nous sommes dans une vaste fresque s'appuyant sur les récits modernes auxquels nous sommes désormais habitués. C'est bien plus agréable à suivre.

Nous découvrons un monde où il semble y avoir eu une terrible guerre. Désormais les habitants sont partagés en deux catégories : les humains et les creechs, des robots autrefois faits pour servir les humains mais qui cherchent plutôt à les asservir désormais. Notre héroïne avec son corps rafistolé de partout semble être l'un d'entre eux, mais ce n'est pas du tout le cas. C'était une humaine à 100% mais à qui on a tout pris et qui maintenant est partie dans une folle quête de vengeance pour récupérer tous les éléments de son corps. J'ai trouvé l'univers et l'héroïne juste fascinants. L'univers n'a pourtant rien de fondamentalement original mais il est bien écrit, bien posé et bien mis en scène. L'auteur joue très bien de l'opposition entre les deux classes. Il a doté son héroïne d'un charisme fou également. Et ainsi, il a écrit un premier tome particulièrement efficace.

Son dessin très particulier et reconnaissable est adouci ici, sûrement pour tenter de plaire au plus grand nombre. On retrouve cependant son goût pour les noirs très profonds et pour les ambiances proches de certains comics indies américains mais aussi de cinéastes comme David Lynch. C'est sombre, c'est psychédélique, c'est étrange et pourtant ça résonne en nous et ça nous parle, car la mise en scène de cette misère et de cette violence viscérale nous est connue. J'ai adoré l'ambiance polar à l'ancienne dans certaines scènes. J'ai adoré la brutale violence des assauts de l'héroïne mise en scène une grande vivacité. J'ai été fasciné par l'ensemble des décors de SF, qui rappelle vraiment le travail sur certains grands films. Mais surtout, j'ai adoré le travail sur les regards et les expressions faciales qui les rendent tellement marquantes. C'est vraiment un style graphique que j'ai adoré découvrir, ici !

Ainsi, alors que le Dororo d'origine m'avait laissé un peu sur ma faim par un certain manque d'ambition de la part de l'auteur, ici en revanche, j'ai adoré. C'est sombre, c'est brutal, c'est violent, c'est percutant et l'univers est vraiment bien exploité. Après, ce n'est que le premier tome d'un triptyque et la machine est à peine lancée. Pour ceux ne connaissant pas l'univers originel, on ne découvre certains éléments déclencheurs qu'en toute fin de tome et l'histoire n'est vraiment lancée qu'à partir de là, mais je trouve cette mise en bouche déjà jouissive.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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