Citations sur Zones d'ombre (22)
Norah ne semblait pas une habituée des anxiolytiques. Du moins, n’en avais-je trouvé aucune trace. On pouvait aisément imaginer qu’elle en avait pris, exceptionnellement, pour se calmer et se donner du courage avant d’aller au rendez-vous, et que sa prise de médicament n’avait rien à voir avec moi ou avec notre couple. En tout cas, je voulais le croire.
J’étais d’un naturel plutôt calme. Facile à vivre et d’humeur égale selon les dires de mes proches. Mais, mon défaut — parmi tant d’autres — était de garder trop longtemps mes émotions enfouies, d’encaisser jusqu’à arriver à saturation. Dès lors, quand la cocotte minute était pleine et que le bouchon sautait, je pouvais sortir de mes gonds et entrer dans une fureur incontrôlable.
Hulk, vous connaissez ?
Les différentes essences d’arbres avaient revêtu leurs parures aux couleurs chatoyantes de l’automne. Les érables, les alisiers et les frênes rivalisaient d’atouts pour remporter la palme du plus beau dégradé d’orangé. Les séquoias, les pins des landes et autres cèdres bleus, trônaient fièrement en apportant leur indéfectible touche de vert à la palette.
Il faut essayer de stimuler ta mémoire un maximum. Rester dans ta coquille ne te sera d’aucune aide.
Elle a semblé ne pas vraiment apprécier ma remarque. J’y étais peut-être allé un peu fort. Mais je voulais tout tenter pour l’aider. Et cela me semblait une très bonne idée. Braquée, elle a tout de même consenti à recevoir l’invitée.
Norah et moi, ça a été un véritable coup de foudre. De ceux dont on rêve secrètement, mais auxquels on n’ose croire. De ceux qui vous font oublier toutes les autres femmes. De ceux qui vous font vous agenouiller au bout de six semaines et vous mènent devant l’autel deux mois plus tard. De ceux qui sont les prémisses d’un amour inconditionnel, couronné par une ribambelle de bambins joufflus.
Le cerveau avait de drôles de façons d’imbriquer nos pensées et nos angoisses afin de tisser des rêves monstrueux. Mais mon subconscient avait beau me jouer des tours, j’étais au moins certain d’une chose.
Je me faisais l’effet d’un cambrioleur dans ma propre maison. Sur la pointe des pieds, je me suis approché de Norah. Sa respiration était lente et régulière. J’ai tendu la main vers le petit tiroir et l’ai tiré doucement.
Elle avait l’air sereine et fragile à la fois. Le soleil et la lune. C’était tout le paradoxe de sa personnalité. Elle pouvait se montrer très forte, mais je savais qu’au fond d’elle-même, elle gardait des blessures qui la rendaient vulnérable. Et c’était mon devoir de la protéger, même si j’ignorais la nature de ses démons.
La conclusion m’a sauté aux yeux ! Norah avait dû faire l’objet de pressions, de chantage. Et, on lui avait expressément demandé de me tenir à l’écart. Ou bien elle n’avait pas voulu m’en parler pour ne pas m’inquiéter et me protéger. Cela lui ressemblait assez.
Mais je n’avais pas pour habitude de m’avouer vaincu si facilement. J’étais du genre tenace. Les épreuves de la vie m’avaient forgé un mental d’acier. Et, quand j’avais une idée en tête, elle pouvait vite devenir obsessionnelle.