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Critique de AnnaDulac


« J'ai un faible – plus qu'un faible -, une complaisance pour les lieux qui n'entretiennent aucune illusion. Aller voir quand il n'y a rien à voir. »
Depuis des années Jean-Paul Kauffmann cultive ce goût pour le « nulle part » : les îles de Kerguelen, Longwood, la Marne. Il se glisse dans les failles, les paysages ingrats, les « lieux de désolation », dont la fréquentation lui inspire des textes remarquables, mais qui requièrent de la part du lecteur cette même faculté de dissolution de soi.

On le sait et il le répète lui-même, Jean-Paul Kauffmann a été otage au Liban pendant trois ans. Cette « confiscation de son existence » explique son attrait pour les lieux porteurs d'imaginaire.

C'est avec toute sa famille, comme pour en éprouver la cohésion, que Jean-Paul Kauffmann débarque le 7 février 2007 à Kaliningrad, sur les lieux de la bataille d'Eylau dont on célèbre les deux cents ans par une grande reconstitution historique.

Eylau c'est un « coin perdu de la Russie » que Kauffmann avait déjà découvert en 1991 avant la chute de l'URSS et qui appartenait alors à la Prusse-Orientale. C'est une « Outre-Terre », une enclave, un pays étrange.

Le nom même d'Eylau aux sonorités mélancoliques suffit à susciter la rêverie.

C'est donc en mini-bus, à pied et accompagnée de Julia l'interprète sophistiquée que la tribu Kauffmann découvre ces lieux avec plus ou moins d'enthousiasme. Les vitres sont couvertes de buée, les pieds glacés et le brouillard givrant.

Kauffmann décrit longuement et parfois de manière fastidieuse la bataille d'Eylau qui fut « le premier grand accident du règne de Napoléon, la fracture occulte de l 'Empire, l'entaille secrète », « un épisode souvent escamoté des manuels d'histoire. »
« Eylau me donne la chair de poule. Quelque chose va finir, un autre âge commence. »

Mais Eylau c'est aussi le « Colonel Chabert » de Balzac qui raconte le retour du héros donné pour mort lors de la bataille, un peu comme Kauffmann lui-même qui s'est longtemps senti comme « une personne déplacée » et qui se déclare « hanté par les maladies du souvenir, l'effacement, la radiation. »

Eylau c'est encore la peinture du baron Gros sur laquelle Kauffmann rêvait enfant.

Ce voyage est pour lui « un acte de fidélité à l'enfance. Une manifestation de loyauté envers la vignette de Gros présente dans mon Larousse (…) Envers Chabert. »

Toutes ces lectures possibles font de « Outre-Terre » un texte riche et douloureux qui mêle l'Histoire et l'histoire de soi.


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