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Critique de Arakasi


Cela va faire des mois que je me fouette pour débuter cette critique des « Lions d'Al-Rassan » : bon sang, je l'ai tout de même lu et relu, ce bouquin, je devrais bien avoir des choses à dire dessus ! Mais décrire un coup de foudre n'est pas si évident et, dans ce cas particulier, c'est bien d'un coup de foudre qu'il s'agit, immédiat et écrasant. Depuis cette première lecture, j'ai découvert avec énormément de plaisir le reste de la bibliographie de Mr Kay, mais « Les Lions » sont restés indétrônés et le resteront probablement encore un bon bout de temps. de fait, je n'hésiterais pas à dire que Kay a créé là un des plus beaux et un des plus puissants romans historiques de ma connaissance – un comble quand on pense qu'il s'agit d'un roman classé généralement en fantasy.

L'histoire débute en Espéragne, pays longtemps déchiré par les tensions religieuses mais où un fragile équilibre a fini par s'installer après bien des conflits. Au sud et sur la grande majorité du territoire, s'étend le magnifique royaume asharite de l'Al-Rassan, joyau des arts et de la culture, et dominé par les puissants khalifes de l'Al Fontina. Au nord, se recroquevillent les nations jaddites divisées, jadis maitresses du pays mais chassées impitoyablement siècle après siècle par les guerres de religion. Pas besoin d'être un grand amateur d'Histoire pour reconnaître là le climat géo-politique de l'Espagne pré-Reconquista divisée entre maures et chrétiens. Un climat terriblement fragile qu'un simple souffle suffirait à faire imploser… Et voici qu'un retentissant coup de tonnerre ébranle toute l'Espéragne : le dernier khalife de l'Al-Rassan a été assassiné dans son palais ! Un vent de malheur et de destruction souffle sur tout le pays… Partout, les petits seigneurs avides de gloire et de puissance s'agitent, les loups montrent les dents et, loin dans le nord, dans les châteaux poussiéreux et branlants des monarques jaddites, des murmures bellicistes commencent à s'élever : le temps de la Reconquista ne serait-il pas venu ?

Dans la tourmente religieuse et politique qui va suivre, les destins de trois personnages exceptionnels vont se croiser : celui de Rodrigo Belmonte « le Capitaine », le plus brillant des chefs de guerre jaddites, celui de Jehane ben Ishak, talentueuse médecin kindath (religion équivalente à celle des juifs) et celui du poète et courtisan asharite Ammar ibn Khairan qui – notez comme le hasard fait bien les choses ! – fut l'homme qui poignarda le dernier khalife, précipitant sans le savoir son pays dans la guerre et l'affliction. Ces trois personnages vont se rencontrer, apprendre à se connaître, à s'aimer et forger entre eux les liens les plus puissants qui puissent réunir des êtres humains. Mais la guerre sera bientôt là qui balaiera devant elle amitiés, loyautés et amours et ne laissera que des regrets déchirants et les cendres tournoyantes des buchers…

C'est un très beau et très triste roman que nous offre Guy Gavriel Kay, un chef-d'oeuvre plein de poésie, de bravoure et de splendeur déchue – mais où la dimension tragique n'exclue jamais, ni l'intelligence des intrigues, ni la virtuosité de la reconstitution historique et ni même de brefs mais délicieux moments d'humour. le roman est porté par des personnages extrêmement touchants et habilement campés (ce qui est une des grandes forces de l'ensemble de l'oeuvre de Kay). Impossible de ne pas tous les adorer ! Ceci dit, je dois confesser mon amour inconditionnel pour Rodrigo Belmonte qui m'a émue comme peu de protagonistes de fiction. Un personnage plus grand que nature, mais également si terriblement humain, avec les faiblesses, les forces, les fragilités et les doutes que ce terme présuppose, que l'on ne peut que l'aimer. le genre de personnage qui vous donne envie de croire à l'existence des héros, des vrais de vrais!

Je pourrais encore gagatiser à loisir sur l'écriture splendide de l'auteur, la merveilleuse intensité de certains passages… Mais on y serait encore le lendemain, aussi me contenterai-je de clamer une dernière fois mon adoration et de vous livrer en prime un échantillon de la poésie de notre ami Ammar Ibn Khairan qui saura parler de l'agonie de son pays condamné bien mieux que je n'en serai capable :

Que seule la peine parle ce soir.
Que la peine nomme les lunes.
Que la pâle lumière bleue soit Perte
Et que la blanche soit Mémoire.
Que les nuée assombrissent l'éclat
Des hautes et saintes étoiles,
Tel un funèbre suaire entourant la rivière
Où il avait coutume de se désaltérer.
Là de moins nobles bêtes à présent se rassemblent
Puisque le Lion jamais n'y reviendra...
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