Depuis la disparition de ma mère, mon père et moi, on est devenus deux planètes de chagrin qui suivent des orbites différentes et n'interagissent qu'en cas d'extrême nécessité.
Tu as perdu ta mère. J'ai encore la mienne.
Tu ne trouves pas ça étrange qu'on dise « perdu », comme si ces personnes étaient seulement égarées ? Ou alors il faut comprendre le terme différemment, on perd des gens parce qu'on ne sait pas où ils sont allés.
J'ai l'impression que tout le monde attend de moi que je surmonte enfin la mort de ma mère. La semaine dernière , ma meilleure amie m'a même cité un bouquin sur les différentes étapes du deuil, comme s'il y avait un planning à suivre.
Brandon nous a prises alors qu'on était dans les bras l'une de l'autre, les yeux fermés, et on devine à peine les larmes qui perlent sur nos cils. L'émotion est palpable alors même que l'image est minuscule. C'est une belle photo.
- Tu es vraiment doué, Brandon.
Je le pense. Il a toujours été bon, mais on est à des années-lumière de ce qu'il faisait au printemps dernier.
- C'est presque du gâchis d'utiliser un talent pareil pour l'annuaire du bahut.
- Merci, dit-il en ricanant. Et tu as raison. La moitié des gars de terminale remarqueront seulement que vos seins se touchent.
Je mesure ma chance de participer à cette aventure insensée avec toi...
(Surtout parce qu'on s'empêche, mutuellement, de sauter du train en marche.)
(p. 7)
Les mots sont des mots. Lâcher un juron ne fait pas plus de moi un imbécile qu'utiliser le terme "polysyllabique" me rend intelligent. À vrai dire, dans les deux cas, ça donne surtout l'air très con.
[Rubrique nécrologique]
Zoe laisse un époux Charles, et une fille, Juliet.
« Laisse ». (…) Le vocabulaire qu'on utilise pour parler de la mort est étrange. Comme si on cachait quelque chose.
Bizarrement, le chagrin rapproche et sépare, à la fois.
C'est juste la vie. Quand tout s'écroule autour de soi, il ne reste plus qu'une solution : aller de l'avant.
Maman disait toujours que les mots contenaient un fragment de l'âme de leur auteur.