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Critique de ODP31


Du soldat inconnu au masseur méconnu.
Pas de flammèche éternelle mais un récit de Joseph Kessel qui mérite la postérité et qui m'a fait découvrir un épisode incroyable de la seconde guerre mondiale.
En résumé, le diable a mal au ventre. A défaut de Toprec ou de suppos à la menthe poivrée, Himmler, le suppôt d'Hitler, fait appel aux doigts experts du docteur Felix Kersten pour apaiser ses terribles crampes d'estomac et malaxer sa couenne de nazi. le pauvre chou, on ne s'en rendait pas compte mais c'était stressant le boulot de Chef de la Gestapo. Et son patron à la petite moustache qui n'était pas très sensible aux risques psychosociaux de ses collaborateurs zélés lui avait refilé le sale boulot. Indifférent à la douleur des autres, le Reichsführer en fureur ne supportait pas le moindre bobo. Ce n'était pas les remords qui rongeaient ses entrailles mais sa passion fanatique pour Hitler.
Le toubib finlandais d'apparence grassouillette, qui n'avait pas le profil du héros de guerre, avait hérité par sa mère d'un pouvoir de rebouteux et il affina sa technique en maîtrisant la science du massage tibétain (sans le look de gambas en tong) auprès du docteur Kô, qui n'était ni un prof de Kung Fu ni le méchant d'un film de James Bond adepte de supplices chinois, mais un maître absolu dans l'art d'apaiser les douleurs nerveuses par ses mains.
Plutôt ulcéré à l'idée de s'occuper des ulcères du monstre, Felix Kersten va se rendre compte qu'il gagne sa confiance et qu'il peut ainsi profiter de la reconnaissance du patient impatient pour obtenir des faveurs inespérées. Une activité plus risquée que le traitement du zona de mémé mais plus salvatrice en temps de guerre.
Kersten devient donc son médecin personnel et il susurre à l'oreille du planificateur de la solution finale de sauver des vies de prisonniers, de ressortissants des pays occupés et de déportés. La magie des doigts boudinés va opérer et celui qui est considéré comme « le meurtrier du siècle » va céder à beaucoup de ses demandes et plusieurs milliers de vies furent ainsi épargnées. D'un autre côté, toute proportion gardée, je suis prêt à accepter de manger des choux de Bruxelles ou d'accompagner mon épouse à son cours de Zumba quand je me fais gratter le dos. Tout est donc possible.
Cette histoire à peine croyable est véridique (pas le cours de Zumba) et méritait la plume bourlingueuse de Joseph Kessel.
La description de la relation entre le médecin et son terrible patient est aussi trouble que captivante, oscillant entre lutte et manipulation. Himmler cherchait l'amitié de Kersten en lui cédant et le médecin gardait une certaine distance pour maintenir son emprise.
Les jeux de pouvoirs des indignitaires nazis qui jalousaient l'influence de Kersten et tentèrent par tous les moyens de le discréditer et de l'éloigner (mais cela ne servit aryen…), pimentent le récit de suspense. Kessel possède vraiment le don d'animer les manuels d'histoire. Il donne toujours l'impression à ses lecteurs de l'accompagner au coeur de l'action.
Je suis étonné que ce récit ne figure pas dans les deux tomes de la Pléiade consacrés à Kessel, tant cette histoire reflète bien son oeuvre, son goût pour les destins hors du commun, l'aventure et la liberté.
A certains charlatans des médecines douces aux intitulés ésotériques, préférez un rendez-vous littéraire avec le docteur Kersten. Il ne soigne pas mais il réconcilie avec l'espèce.
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