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Critique de Malaura


« Les terres afghanes ne sont que champs de bataille, arènes et cimetières. Les prières s'émiettent dans la furie des mitrailles, les loups hurlent chaque soir à la mort, et le vent, lorsqu'il se lève, livre la complainte des mendiants au croassement des corbeaux. »

Kaboul, ville de ruines, accablée sous un soleil aussi impitoyable que la tyrannie des talibans.
Ici les rires ont laissé la place aux discours haineux des mollahs; les femmes, derrière leurs tchadri grillagés ont tout l'air de fantômes et les seules manifestations d'hilarité ont lieu les jours d'exécutions publiques.
Dans cette ville exsangue, Atik, Moshen, Zunaira ou Mussarat voient leur vie, leur amour, leur raison, disparaître dans les tourments d'une nation livrée aux fous de Dieu.
Car que peut-on faire lorsque la haine devient souveraine ?
Que peut faire désormais Zuneira, la belle avocate, condamnée à ne plus sortir de chez elle si elle n'est pas accompagnée de son mari?
Que peut Moshen, son époux, commerçant ruiné par les talibans, qui sent son coeur se remplir de fiel et de colère, d'amertume et de désillusions?
Que peut faire Atik, le gardien de prison, lorsque l'intégrité de sa foi est chaque jour remise en question par les violences et les injustices dont il est à la fois le témoin et l'exécuteur forcé ?
Et que peut faire Mussarat, sa femme, dont l'attente d'une mort lente et douloureuse s'assortit qui plus est d'une menace de répudiation, car dans l'Afghanistan des talibans, un homme ne reste pas avec une femme malade ?
Ces vies brisées, bafouées, humiliées arriveront-elles à conserver leur dignité et leur part d'identité dans cette ville où l'obscurantisme assombrit les plus beaux espoirs et éteint même les sentiments les plus lumineux ?

Par l'énergie d'un style prenant, théâtral, très évocateur, Yasmina Khadra nous offre encore une fois avec « Les hirondelles de Kaboul » un texte intense, grave, dur et éprouvant, porté par une poésie lyrique, ardente et enflammée.
Sa plume vibrante de rage et de conviction décrit parfaitement un peuple à bout de souffle, accablé par les guerres et le poids de traditions archaïques, où la femme asservie, brimée, maltraitée, assujettie à des règles et des devoirs inconcevables, est l'une des premières à subir les affres de ce pays qui, sous le couvert de Dieu, s'adonne à la barbarie et à la cruauté avec une frénésie toute paranoïaque.
« Avec ce voile maudit, je ne suis ni un être humain, ni une bête, juste un affront ou une opprobre que l'on doit cacher telle une infirmité. »
Ici, Dieu est sur toutes les bouches, dans tous les gestes, dans toutes les actions, dans le murmure de la prière psalmodiée comme dans le cri de la foule lors des lynchages publics, dans le prêche hargneux d'un mollah et dans le tas de pierre préparées pour la lapidation; Dieu se décline à tous les temps, sur tous les modes, dans tous les genres, surtout celui des interdits, des brimades et des punitions.
Peu d'espoir perce dans cette Kaboul qu'on croirait "maudite" tellement l'emprise de la religion est grande, tellement la liberté, enchaînée aux versets d'un Coran déformé, n'est plus qu'un rêve lointain et inaccessible.
Dans ce terrible et dramatique réquisitoire contre la domination religieuse, Yasmina Khadra n'omet rien de l'oppression et de la misère qui sévissent au quotidien dans un pays où les êtres humains ne sont plus que des ombres à genoux.
Témoignage de la folie des hommes, cri de révolte contre le régime de la peur, la condition tragique des femmes "fantômes" et l'obscurantisme religieux, « Les hirondelles de Kaboul » est un roman sombre et puissant mais c'est aussi un hommage poignant au courage des femmes de là-bas et un bel hymne à la tolérance et à la dignité.
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