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Critique de gruz


Même après des décennies et des décennies, Stephen King arrive encore à surprendre. Rien ne semble en effet plus différent que son précédent roman, Billy Summers, avec ses deux pieds (moins un orteil) dans la réalité et ce Conte de fées. Et pourtant, dès les premières pages, on reconnaît immédiatement sa patte, unique.

Ce nouveau livre est un peu le couteau suisse de l'auteur, tant il est multi-usages, multipliant les atmosphères, mélangeant les genres. Tout au long de ce pavé de 730 pages, on se retrouvera tour à tour dans une ambiance intimiste, avec des passages dignes d'un Game of Thrones, une omniprésence de l'aura de Lovecraft, et même des moments à la Hunger games.

D'ailleurs, King ne cache pas que ce livre est un hommage aux génies du passé ; ambiance nostalgique. le livre est d'ailleurs dédié à H.P. Lovecraft, Robert E. Howard (père de Conan) et Edgar Rice Burroughs (papa de Tarzan et de nombreuses histoires de SF). Mais on peut aussi citer le Magicien d'Oz, Edgar Allan Poe ou encore Ray Bradbury. Et puis ces vieux films qui passent sur la chaîne américaine TCM.

Ayez l'esprit ouvert, le King va vous plonger dans un monde parallèle. Comme il aime ses lecteurs, il en prend soin, et le fait doucement, par étapes, comme s'il nous laissait tremper les doigts de pieds dans l'eau glacée, avant de nous plonger dans le grand bain.

Il use d'un bon tiers du livre pour présenter ses personnages : Charlie 17 ans, son père, Mr Bowditch le vieil homme, et son (vieux) chien Radar. L'auteur prend son temps, mais il sait ce qu'il fait. Les relations entre le jeune homme, le vieil irascible et le chien en fin de vie sont touchantes au possible. A tel point qu'une fois ferrés, vous ne pourrez plus vous passez d'eux.

Cette partie du livre fait indéniablement penser à la novella le Téléphone de M. Harrigan, et sera l'occasion de développer des thématiques chères à l'écrivain. L'enfance, le brutal passage à l'âge adulte, l'alcoolisme du père.

La vieillesse aussi. Avec comme déclencheur l'accident du vieux Bowditch et sa rééducation bien décrite en terme de sensations, comme un rappel de ce qu'a vécu King lui-même lorsqu'il avait été renversé par une voiture.

Quand on est, comme moi, fan de Stephen King, ces thèmes vibrent puissamment, et le foisonnement du roman fait penser à une sorte de Best of. Ou de testament anticipé. A 75 ans, l'auteur sait qu'il ne lui reste plus tant de livres à écrire…

Après ce début en douceur, modèle du genre, c'est donc dans un univers de fantasy qu'est plongé le lecteur, où pointent magie et monstres. Avec comme ligne de vie les contes de fées. Mais dans leurs versions traditionnelles et sombres, à des années lumières de l'esprit Disney (que l'auteur moque régulièrement tout au long de ces pages).

Vous vous sentirez à la fois en terrain connu, et déstabilisés par la manière dont l'auteur tord ces vieilles histoires, et lâche son imaginaire.

Le jeune Charlie va changer de monde, devoir surpasser son statut d'adolescent dans un univers qui lui semblera si étrange et pourtant parfois familier. Avec le chien Radar comme boussole.

Un voyage entre rêves et cauchemars qui n'est évidemment pas sans rappeler le Talisman des territoires, même si, ici, il n'est pas question de sauver sa mère (celle de Charlie est morte), mais le chien auquel il s'est tant attaché. Comme si on lui donnait une seconde chance.

A travers les deux mondes, c'est bien une histoire de rencontres. Et d'amitié, d'abord entre deux êtres que tout semblait éloigner (et puis le chien, gentil chien, King est un amoureux des canins).

Ces deux tiers suivants sont une ode à l'Imaginaire, avec ce mélange détonnant d'aspects contemporains confrontés à un monde magique, aux fables. Une fantasmagorie débridée, où Stephen King s'amuse comme un petit fou, explose les codes, les cases, mélangeant avec bonheur passages drôles et carrément sordides.

Les esprits trop cartésiens devront lâcher la bride pour bien profiter de cette histoire dense et inventive, souvent folle, toujours à l'affût de la malice de l'auteur à la raccrocher aux mythes connus.

Malgré quelques temps un peu plus faibles, l'épaisseur de l'univers créé, les liens avec ces autres histoires universelles (et certains classiques du King), la puissance des émotions ressenties, et la créativité persistante, font de cette lecture un moment hors du temps.

Conte de fées est une histoire d'amour plus forte que les pires horreurs, dans un monde parallèle où un jeune garçon (sportif) se doit d'endosser une cape de sauveur.

Qu'il est difficile de sortir de cet univers, et de passer à un autre livre, tant le talent de conteur de Stephen King est unique. Magique, aurais-je même envie de dire. Ce livre en est une sorte de condensé en forme de feu d'artifice.

A noter que de formidables illustrations sont présentes à chaque entête de chapitres, de Gabriel Rodriguez (dessinateur des BD « Locke and Key » tirées des histoire du fils de Stephen, Joe Hill), et du français Nicolas Delort.
Lien : https://gruznamur.com/2023/0..
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