- Dis-moi, que signifie à tes yeux être un samouraï ?
...
- Celui qui se demande s'il aura de quoi se nourrir ne mérite pas de manger. Celui qui se demande s'il doit choisir la vie ou la mort mérite de mourir. C'est la façon la plus précise de résumer la chose.
Des petits poissons longs comme le doigt filaient entre ses pieds. Cachée sous les herbes, les cigales égrenaient leur rengaine. Une hirondelle plongea dans les branches d'un arbre, les feuilles d'automne s'envolèrent. L'eau et les nuages poursuivaient leur course éternelle. Le monde était à la fois imparfait et magnifique.
(p. 491)
Le faucon glissait sur une mer de nuages, si proche de la surface que Bennosuke croyait voir les écharpes de brume s'enrouler à ses serres. Il décrivait de grands cercles tranquilles, sa forme élégante se profilant en gris acier sur le ciel de l'aurore.
(p.409)
Peut-être était-ce à cette aune que l'on pouvait juger une vie: la somme des paroles tues, des actes inachevés qu'on laisse derrière soi. Mais que penser alors des mots malheureux, des gestes dont on se repentait par la suite ? Un homme devait aussi répondre de cela.
(p.288)
P153 :
-Les forts protégeant les faibles, c’est de cela qu’il s’agit ?... As-tu pensé à l’homme qu’Arima a mutilé ? Il s’appelle Akatani, le savais-tu ? Ou n’était-il à tes yeux qu’un paysan parmi d’autres ? Il a trois enfants et travaille comme couvreur – travaillait, devrais-je dire. T’es-tu empressé de prendre justement sa défense ?
…
Tu as là une preuve du tour insidieux que peut prendre le code chevaleresque du samouraï. Je m’étonne que Munisai ait déjà réussi à te l’enfoncer dans le crâne. Le guerrier se targue d’avoir le courage de sauver des vies, mais il vole uniquement au secours de ceux qui portent son nom. Le reste du monde peut tout aussi bien périr dans les flammes, car parmi les millions de créatures de cette terre, seules comptent celles qui sont attachés à lui par quelque chose d’aussi contingent que les liens du sang.
P 294 :
« La guerre est un jeu pour les samouraïs, et un fléau pour tous les autres. » ils s’imaginent qu’ils sont les seuls à souffrir, sous prétexte qu’ils vont au combat, mais qui-est-ce qui paie, hein ? C’est nous, les paysans. On nous soutire jusqu’au dernier grain de riz. On l’arrache de la bouche de nos enfants pour nourrir un archer qui pourra tirer bêtement une flèche de plus au nom d’un crétin que je ne verrais jamais, assis sur son trône d’ivoire.
- Sais-tu ce que disait son poème d'adieu au monde ?
- Non, sire.
- Il disait "adieu", précisément. Uniquement ce mot-là, tracé de son écriture d'enfant. C'était la perfection.
P235 :
-Yoshiko me pardonnera, insista Munisai en secouant la tête, refusant de se laisser perturber par les paroles de Dorinbo. Il le faut.
-Je l’espère de tout mon cœur. Ce n’est pas à moi qu’il incombe de rendre ce genre de jugement. Je laisse ce rôle à des puissances qui nous dépassent, et à ceux que tu dois rencontrer aujourd’hui.
Sois honnête, mon frère, car ils seront plus sévères que moi.
P196 :
-Tu ne me dois aucune excuse. Un monde qui exige tant d’un être aussi jeune est un monde cruel. Je pense que c’est pour cette raison qu’une nouvelle vie nous est accordée.
P 241 :
Aucun, cependant, ne portait de blanc. C’était la couleur réservée à la mort.