AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ATOS


L'écorce se souvient elle, se souvient-elle d'un bruit ancien, du premier bruit
de cette déchirure de peau ? L'écorce sait elle que se bruit est gravé sur son dos ? Une dentelure, quelques accros, une écriture. L'écorce se souvient-elle que c'est le temps et la poussée de sa sève qui lui a ouvert la chair ? L'écorce se souvient elle que pour grandir et tendre vers le ciel il a fallu s'élargir pousser, avoir le tronc plein et gros, un tronc bien large à vouloir la mener si haut ? L'écorce ne sait pas, peut être,
que son poids dans ma main n'est que la coquille d'un oiseau qui a ouvert ses branches pour traverser le ciel. Mais l'écorce se souvient elle se souvient-elle du premier mot
de ces lettres arrachées de sa peau ? L'écorce se souvient elle avoir cousu ce mot à mon dos ? Et qu'en ramassant, d'elle, ainsi, ce morceau c'est un peu de l'oiseau tombé du ciel que je porte à ma peau ?…Cela faisait un moment, top long moment, que la lecture de ce livre m'attendait. Mais les mots sont patients autant qu'ils sont beaux quand ils savent être simples. Simple ne veut pas dire sans cruauté. Car le paradis n'existe pas. C'est lorsqu'on oublie les mythes et les légendes que tout commence à s'effondrer. C'est lorsqu'on perd ses racines qu'on ne sait plus avancer. C'est lorsqu'on perd sa langue et qu'on la donne à de gros chats qui vous font marcher au pas de l'oie qu'on oublie que civilisé rime le plus souvent avec colonisé. C'est à ce moment là peut être qu'un peuple premier est rejeté au rang du dernier. Mais que faire contre ceux qui portent le fer, que faire contre les moines soldats ? Et que faire contre ses propres « sages » qui s'accrochent à leurs rites comme de vieux fous qui croient protéger leur pudeur en relevant leur kilts pour sauver leur village ? Que faire contre les totems, les bondieuseries, les diableries de tous poils et de toutes espèces ? Qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, qu'ils aient mille ans ou seront dans cent ans, tous les imbéciles se ressemblent méchamment. L'instinct, le bon sens, l'intelligence, qu'est ce qui peut sauver celui que reste le dernier ? Ce dernier qui savait la langue des serpents, ce dernier chasseur – cueilleur. Celui qui ne connaissait les mots de fer : devoir, travail, moral, prospérité, héritage, sacrifice, gloire, titres, territoire, royaume, renommée. Celui qui n'avait ni dieu , ni maître. Qui se couvrait lorsqu'il avait froid, mangeait lorsqu'il avait faim, buvait lorsqu'il avait soif, et qui pleurait lorsqu'il n'avait plus personne avait qui partager ses jours. Qui se souviendra d'Hämarik, la Déesse du crépuscule, et de son amant Koit, Dieu de l'aube, qui parlera de Sinilind l'oiseau bleu magique ? , et qui se souviendra de cette langue que nous partagions avec les vipères couronnées ? Qui se souviendra de la pierre blanche, de la Salamandre, de l'amour des ours, et de l'odeur de l'élan ? Qui à part peut être la forêt…
L'écorce se souvient elle, se souvient-elle d'un bruit ancien, du premier bruit de cette déchirure de peau ? L'écorce sait elle que se bruit est gravé sur son dos ?
En Estonie, on dit que lorsque les gens sont méchants, avares et cruels, en certains endroits, la forêt quitte tout simplement l'endroit. On dit ça parce que quelque part, enfoui en dedans nous, on le sait depuis toujours. Les derniers eux le savent encore. Quant au méchants, il sont toujours les premiers à abattre les forets, à donner d'autres noms au terres, aux hommes, au nom de leur nouvelle humanité. Ils ont tout oublié. L'esprit, le coeur et l'âme, en eux, rien ne subsiste.
Une légende raconte qu'un jour un homme a dit que « Plusieurs des premiers seront les derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers ».
Mais avant toutes ces légendes on l'a peut être oublié, , il y avait une vérité qui depuis longtemps nous a quittés. Peut-on l'imaginer ?

Traduction de l'estonien par Jean-Pierre Minaudier

Astrid Shriqui Garain
Commenter  J’apprécie          130



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}