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Critique de alouett


La première biographie de cet homme fut écrite par son fils, Alan Scott après que Harry « Herschel » Haft, alias Hertzko Haft, lui raconta son parcours en 2003. Hertzko mourut en 2007, peu de temps après la publication de l'ouvrage. En 2012, Reinhard Kleist adaptera à son tour cette biographie dans le boxeur, roman graphique paru en Allemagne en 2012 sous le titre de der Boxer.

Le scénario balaye rapidement l'enfance de cet homme. On apprend notamment que suite au décès de son père, Haft a alors 5 ans, c'est son frère aîné qui endosse la responsabilité de chef de famille :

« A partir de ce moment, il fallait travailler, sinon c'était la raclée ».

Issu d'une famille juive polonaise très modeste, Hertzko sera renvoyé de l'école à l'âge de 14 ans. Dès lors, il aidera ses frères dans le petit commerce clandestin qu'ils ont monté. Puis, il rencontre Leah dont il tombe amoureux. Ils envisageront rapidement de se marier mais le destin en a décidé autrement.

Hertzko est déporté aux camps de concentration. Par chance, dans chaque camp où il passe, il parvient à obtenir la protection d'un officier S.S. C'est notamment le cas de Schneider, un nazi en poste à Auschwitz, qui intègre Hertzko dans son équipe de boxeurs.

« Là, animé d'une rage dévorante et du souvenir de sa fiancée Leah, il survit à la force de ses poings et devient La bête de Jaworzno, un boxeur qui combat d'autres prisonniers pour distraire les nazis. A la Libération, tous ses proches ayant disparu, il immigre aux Etats-Unis où il continue à boxer, mais avec cette fois une seule idée en tête : devenir assez célèbre pour que Leah, où qu'elle soit, entende parler de lui » (présentation éditeur).

Le scénario de Reinhard Kleist se construit de façon classique autour des trois grands moments de la vie du personnage : 1/ son départ pour les camps, 2/ son départ pour les Etats-Unis et 3/ lorsqu'il raccroche les gants pour ouvrir son épicerie de quartier.

Le récit reste fidèle à la chronologie des événements. A partie du deuxième chapitre, quelques brèves réminiscences nous rappellerons l'ampleur les séquelles infligées par quatre années passées dans les camps de la mort. Ces passages sont percutants mais ils sont si peu nombreux et si succincts qu'ils ont un faible portée. Je trouve cela dommage que l'auteur ne décolle pas de la chronologie des faits et ne cherche pas à déstabiliser le lecteur outre mesure. La narration se contente de poursuivre sa fuite en avant, irrémédiablement, dépossédant ainsi le personnage principal du charisme auquel il pourrait légitimement prétendre.

De même, il me semble que l'auteur s'appuie exagérément sur l'instinct de survie exacerbé du boxeur. C'est là le principal fil conducteur de son histoire, LE trait spécifique de la personnalité de Hertzko Haft mais à trop vouloir en faire, Reinhard Kleist perd de vue l'essentiel : son récit manque de profondeur. La force évocatrice de certains dessins est mal exploitée, l'oeil du lecteur n'a pas l'opportunité de marquer un temps d'arrêt suffisamment conséquent, lui aussi poursuit sa fuite en avant, attiré par les jeux de contrastes entre l'ombre et la lumière du dessin suivant. Les visuels se succèdent et les pages se tournent au rythme mélodieux d'un métronome…

L'originalité de cet album tiendrait plus à la présence de deux narrateurs qui se relayent pour relater les faits. Ainsi, Alan est notre orateur pour la période actuelle (contenue dans le prologue et le dernier chapitre). Harry quant à lui se charge du passé et nous accompagne pendant la majeure partie du récit en racontant. Il regarde avec distance son expérience des camps et son parcours depuis qu'il vit aux Etats-Unis. Il raconte de façon répétitive que l'espoir de retrouver Leah est devenu son leitmotiv, la seule raison de survivre aux camps, le seul intérêt de continuer les combats en Amérique…

Habituellement, j'apprécie ce genre de témoignages historiques. Mais dans cet album, je ne suis pas parvenue à investir le personnage principal. Celui-ci m'a semblé froid, désincarné et dépourvu d'affect. Certes, le traumatisme qu'il a vécu explique en grande partie pourquoi cet homme n'est plus que l'ombre de lui-même… mais malgré tout, il manque un soupçon d'humanité à ce récit.

Je n'ai eu de cesse de penser à L'Espion de Staline (Isabel Kreitz) durant la lecture de l'album de Reinhard Kleist. Trois raisons à cela :
- les deux albums parlent de la Seconde guerre mondiale et traitent le sujet de manière atypique,
- l'ambiance austère des albums (la découpe des planches m'est apparue redondante, me donnant l'impression que les cases sont placées de manière automatique) et une difficulté à identifier/reconnaître les personnages,
- de nombreuses ellipses narratives sont réalisées passant ainsi sous silence des périodes plus ou moins longues. Dans le boxeur, on découvre régulièrement que le « héros » a sympathisé avec tel ou tel protagoniste sans comprendre réellement comment ce miracle (je ne trouve pas d'autre terme pour expliquer pourquoi plusieurs officiers S.S. le prennent sous leur aile) a pu se produire. Ces ellipses saccadent la lecture, casse le rythme du scénario et contraignent le lecteur à rester spectateur de cette histoire. Cela m'a agacé.

Kleist et Kreitz n'ont pourtant aucun point commun dans leurs parcours artistiques mais les choix retenus par ces scénaristes m'ont amenée à rester extérieure au drame qui se déroulait sous mes yeux.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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