– Non, non, Seigneur Jésus ! Je ne suis pas fantôme, de grâce, permettez ! Ce que je vous ai dit dans le parc étais vrai. Vous avez disparu tout à coup du château avant que je n'arrive avec le médecin, et vous dormez dans la forêt. C'est pourtant hors de doute, avouez-le. Mais moi, je vais tout de suite donner l'ordre qu'on passe cette maudite forêt au peigne fin, moi-même je chercherai, Willy m'aidera et on vous réveillera…
Avertissement (de la traductrice Erika Abrams)
« Il n'y a rien », dit Vladimir Holan, poète tchèque sensible lui aussi à la trivialo-transcendance qui est l'élément où se meuvent l'œuvre et la vie de Klima, « il n'y a rien par quoi le démon conciliant du recueillement se facilite autant la vie que les revenants, et il n'y a pas plus grand obstacle que ces mêmes revenants. » Beau mot où, avec un peu de recueillement de notre part, nous trouverons peut-être une clé qui permettra de mieux comprendre cette histoire de fantômes. D'éviter la filiation qui, par le biais de l'étiquette élastique de « roman noir », nous ferait nous fourvoyer dans l'impasse d'un surréalisme hautement déplacé. De lire ce livre tel qu'il est – roman « laxiste et instinctif, folâtre et extravagant, arbitraire et grandiose », roman philosophique au meilleur sens du terme.
Il existe une sanction divine éternelle. Tout ce qui vit est fouetté à mort en expiation d'un péché mystérieux, commis dans les ténèbres de l'éternité. Heureux celui qui rend l'âme dès les premiers cinglons, plus heureux encore celui que la verge, grosse comme une poutre, tue du premier coup - dès la naissance - voilà ce qu'il y a de mieux.
L'amour est un abrutissement, le pire qui soit! Celui qui tombe amoureux n'est plus un être humain, la Volonté se dissout dans le bourbier de l'amour. Aucun asile de fous n'est assez fou pour l'amoureux. Quiconque tombe amoureux devrait être pendu sur le champ.
J'ai compris que ma "volonté" n'était magnifique qu'aussi longtemps qu'elle demeurait l'esclave aveugle de mes aveugles instincts. (...) J'ai compris que, puisque mes passions me commandaient plus que quiconque, ma volonté si splendide était en réalité plus servile, c'est-à-dire plus nulle, que celle de la première petite vachère venue.
Nous ne sommes que des vers; nous n'avons pas la force de regarder toutes ces perceptions idiotes, visuelles et auditives, à la manière de Berkeley, comme un rêve indifférent, comme Notre jouet, comme une matière plastique livrée à Notre volonté.