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Citations sur Le clan Bennett, tome 1 : Le chant du Loup (46)

— Je vois que tu as ouvert ton cadeau, continua-t-elle comme si je n’avais pas du tout parlé.

— Il l’a adoré ! s’écria Joe en lui souriant.

— Je te l’avais dit.

Elle reporta son regard sur moi.

— Il était tellement inquiet.

Dinah Shore se remit à chanter en bruit de fond tandis qu’Elizabeth commençait à couper un concombre en rondelles.

Joe rougit.

— Non, pas du tout.

Carter entra par la porte de derrière.

— Oh si, tu étais inquiet !

Sa voix se fit aiguë et nerveuse.

— Et s’il le déteste ? Et si ce n’est pas assez cool ? Et s’il me prend pour un loser ?

Joe le fusilla du regard et je crus entendre un grondement venir du plus profond de lui.

— Tais-toi, Carter !

— Les garçons, les prévint Elizabeth.

Carter leva les yeux au ciel.
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Les journées étaient chaudes et humides. Les infos disaient que cela allait être l’été le plus caniculaire depuis des années. Une vague de chaleur, disaient-ils. Qui pourrait durer des semaines et des semaines.
C’était presque mon vingt-troisième anniversaire. Je me disais qu’il était peut-être temps de déménager de chez ma mère, mais l’idée de ne pas vivre près de la meute me causait des sueurs froides, alors je n’y mettais pas tellement d’entrain. Ma mère ne s’en plaignait pas. Elle aimait m’avoir avec elle. Et cela signifiait que je pouvais assurer sa sécurité au cas où les monstres attaqueraient de nouveau.
Donc, peu de temps avant d’avoir été sur terre depuis vingt-trois ans, je me rendis chez les Bennett pour le dîner dominical. Elizabeth me demanda d’aller cueillir quelques tomates dans le jardin. Elle me sourit et m’embrassa sur la joue.
Joe, Carter et Kelly sortaient des bois, terminant leur course tandis que je revenais du jardin.
Ils riaient et se bousculaient comme le font des frères. Je les aimais tous les trois.
Sauf.
Sauf.
Joe portait un short taille basse. La plus minuscule des choses.
Et rien d’autre.
Il était presque aussi costaud que moi à présent. Nous étions de la même taille, ou si près que ça ne comptait pas, ce qui faisait qu’il mesurait presque un mètre quatre-vingt-dix.
Une couche de sueur faisait luire son buste. Quelques poils blonds humides frisaient sur son torse qui paraissait taillé dans le granit. Ses muscles abdominaux étaient joliment dessinés. Une goutte de transpiration atteignit la ligne de poils sous son nombril et mouilla la ceinture de son short.
Il se retourna pour dire quelque chose à Carter et je vis les fossettes au-dessus de ses fesses. La façon dont ses jambes se pliaient et se détendaient pendant qu’il sautait d’un pied sur l’autre.
Il pointa vivement du doigt quelque chose dans les bois ; une veine bleue ressortit sur son biceps et j’eus envie de la retracer de mes doigts, parce que quand un tel truc était-il arrivé ?
Et ces mains. Ces putains de grandes mains et je…
Joe avait grandi.
Et d’une certaine façon, je ne l’avais pas vraiment remarqué jusqu’à ce que ce soit pleinement exposé. Juste devant mes yeux.
Il avait dû me voir du coin de l’œil. Il se retourna et me sourit, et c’était Joe, mais c’était Joe.
Alors, naturellement, ce fut là que je m’encastrai dans le mur de la maison. Les tomates dans mes mains s’écrasèrent contre moi. Ma tête tapa contre le revêtement de bois et je me dis : Oh, merde !
Je m’écartai de la maison. Des bouts de tomates tombèrent au sol.
Mince.
Je sentis mon visage s’échauffer lorsque je regardai à nouveau les frères Bennett. Ils étaient tous plantés là, à m’observer d’un air inquiet.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Carter. Tu sais qu’il y a une maison juste ici, hein ? Elle est là depuis… quasiment toujours.
— Heu… dis-je d’une voix faiblissante.
Je ne pouvais même pas l’empêcher.
— Hé. Les gars ! Ça roule ? Je cueillais juste… des tomates.
Je croisai les bras sur mon torse et les tachai de tomate. Je voulus m’appuyer contre la maison, mais j’étais allé plus loin que je ne le pensais et trébuchai à l’intérieur.
— Qu’est-ce qui se passe là ? demanda Kelly.
Joe fit un pas dans ma direction, et les muscles de son ventre se contractèrent et une vague de désir fit rage en moi. Je me souvins alors que les loups-garous pouvaient le sentir, et je me reculai, pris d’une terreur absolue.
— Hé, dis-je d’une voix cassée.
Je me raclai la gorge et réessayai.
— Hé. Heu… Je dois. Vérifier un truc. Chez moi. Avant le dîner.
Ils me regardaient tous bizarrement maintenant. Ils ne pouvaient pas encore sentir ma bouffée immorale de désir. Ou peu importe ce que c’était. Mes sentiments. Que je ne pouvais pas avoir.
Joe s’avança encore vers moi, et il avait des pectoraux. Il avait un torse tout simplement… tout simplement très chouette qui me donnait des idées et je dis :
— Ola, cow-boy !
Je m’enguirlandai intérieurement d’une telle connerie.
— Qu’est-ce qu’il y a chez toi ? demanda Joe.
Et ce salaud commença à renifler autour de lui.
— Ox, dit Carter. Ton cœur bat à un rythme de dingue.
Saletés de loups-garous ! Et Joe était pile devant moi. Avec des muscles.
— Me changer ! m’écriai-je.
Ils reculèrent tous les trois. Je baissai la voix.
— Je dois… me changer. Enfin, le tee-shirt, dis-je en le montrant du doigt. Les tomates et les maisons ne font pas bon ménage. Ha ha ha !
— Je ne sais toujours pas ce qui se passe, intervint Kelly.
— Je reviens tout de suite, lançai-je avant de me tourner dans la direction opposée, me retenant vainement de courir.
— Euh, Ox ?
Je m’arrêtai.
— Oui, Joe ?
— Ta maison est de l’autre côté.
— Tout à fait.
Mais au lieu de les dépasser et risquer qu’ils sentent mon odeur, je fis un long détour en contournant toute la maison. Quand je réapparus sous leurs yeux, ils se tenaient au même endroit, me regardant.
Je rentrai chez moi et verrouillai la porte.
— Qu’est-il arrivé à ton tee-shirt ? demanda ma mère.
— Tomates, dis-je.
— Tu es tout rouge. Ton visage est écarlate.
— Il fait chaud dehors.
— Ox. Il s’est passé quelque chose ?
— Nan. Rien. Nada. Que dalle.
— Ta respiration est vraiment très bruyante.
— C’est un truc qui arrive. Aux mecs balèzes, tu vois ? Il leur faut de grandes inspirations.
— Oui, dit ma mère. Je ne pense pas que ce soit un truc.
— Je dois changer de tee-shirt.
Je refusai de la regarder dans les yeux.
— Tu veux que je t’attende ?
Je secouai la tête.
— Non. Non. C’est… bon.
Je voulais qu’elle parte afin de pouvoir cogner dans quelque chose.
Elle attendit que je m’éloigne de la porte avant de me dépasser. Elle fronça les sourcils lorsqu’elle tenta de tourner la poignée.
— Tu l’as verrouillée ?
Je souris. Je ressemblais probablement à un dingue.
— L’habitude.
— Hmm.
Elle sortit et ferma la porte derrière elle.
Je donnai un coup de poing dans le mur. Ça fit un mal de chien.
Il n’avait que dix-sept ans. C’était mal.
Sauf qu’il en avait presque dix-huit.
Ce qui était… convenable.
Mais.
C’était Joe.
Les arguments tournaient en boucle dans mon esprit.
Mon téléphone bipa. Un SMS.
Joe.
T où ???
Je regardai la pendule. J’étais déjà assis devant la porte depuis vingt minutes.
— Merde, marmonnai-je.
Je ne pouvais pas ne pas aller dîner. C’était une tradition. Et si je prétendais être malade, quelqu’un (JoeJoeJoe) viendrait veiller sur moi.
Alors je devais y aller.
Je ne pouvais rien faire pour mon rythme cardiaque. Ils l’avaient entendu de toute façon. Je trouverais bien un truc.
Mais l’odeur.
Je remontai l’escalier en courant et retirai mon tee-shirt, en attrapant un autre dans le tiroir. Je l’enfilai tout en entrant dans la salle de bain. Je trouvai un vieux flacon d’eau de Cologne que je ne portais plus puisque les loups n’aimaient pas ça. Ça te masque, m’avait dit une fois Joe. En grande partie, en tout cas.
Je m’en aspergeai au moins six fois.
J’envoyai un SMS en retour.
en route
Il me fallut vingt autres minutes pour me convaincre de retourner à la maison au bout du chemin.
En fin de compte, je me dis de grandir parce que j’avais presque vingt-trois ans, putain, et j’avais combattu des monstres (une fois) et je m’entraînais avec des loups (souvent). Et c’était seulement Joe.
À qui je voulais de toute évidence faire des choses.
Ça ne calma en rien les battements de mon cœur.
J’avais l’impression d’aller vers ma mort à chaque pas que je faisais pour me rapprocher de la maison des Bennett.
Je pouvais tous les entendre. Probablement prêts à manger. Des rires. Des discussions. Des cris.
Et puis la conversation mourut. Simplement.
Avant même que j’atteigne le côté de la maison.
— C’est Ox ? entendis-je demander Mark.
Il avait l’air inquiet.
Il y eut du fracas et plusieurs bruits de course.
Ils tournèrent à l’angle de la maison et s’immobilisèrent.
— Où est-ce que c’est ? exigea Mark.
— Nous sommes attaqués ? demanda Thomas, prêt à muter.
Ses yeux devinrent rouges.
— Ox ? demanda Carter. Sérieux. Ton cœur, vieux. Tu as l’air terrifié.
— Salut, les gars !
J’avais appris très tôt qu’on ne devait pas fuir un loup sur le point de se transformer. Ça aiguisait ses instincts. J’avais tellement envie de m’enfuir.
Parce que Joe se tenait en première ligne. Il s’était changé. Un short blanc. Un tee-shirt vert qui ne cachait rien. Il était pieds nus. Et ses pieds étaient foutrement sexy.
— Euh. Salut, les gars, répétai-je.
— Pourquoi est-ce que j’ai le sentiment qu’il se passe un truc que je devrais capter ? dit Kelly.
Joe fronça le nez.
— C’est quoi, cette odeur ?
Alors, bien sûr, tous les hommes Bennett se mirent à renifler autour d’eux. Ce n’était pas drôle. Du tout.
Carter fit un pas vers moi.
— Bon sang, Ox ! Mais dans quoi tu t’es baigné ?
— Rien, dis-je, un peu sur la défensive alors même que je reculais. Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Ox, dit Joe en fronçant les sourcils. Ça va ?
Je ne parvins pas à le regarder quand je dis :
— Je vais bien. Tout va bien.
— Tu… mens, dit Kelly.
Joe s’approcha d’un pas. Je reculai d’autant.
— Est-ce qu’il s’est passé quelque chose aujourd’hui ? demanda Thomas.
J’eus envie de dire : « j’ai peut-être commencé à imaginer ton fils mineur nu », mais j’ignorais si c’était quelque chose qu’on pouvait dire à un loup-garou Alpha.
Alors je répondis :
— Non, rien. Je voulais juste… avoir une odeur. Différente ?
Les mâles Bennett me dévisagèrent. Mon regard se fixa derrière leurs épaules.
— Ox, di
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OX OX OX OX OX OX
Trois branches me frappèrent au visage. Au bras. Des petits pics de douleur brève avant que le chant ne reprenne.
ICI ICI ICI ICI
Je pensai à mon père, et il dit : " Tu vas en baver. Une bonne partie de ta vie ".
NÔTRE NÔTRE NÔTRE NÔTRE NÔTRE
Je pensai à ma mère, et elle rit : " Il y a une bulle de savon dans ton oreille ".
CHEZ TOI CHEZ TOI CHEZ TOI
Je pensai à Gordo, et il chuchota : " Tu es des nôtres maintenant ", et était-ce vrai ? Étais-je vraiment des leurs ?
OUI OUI OUI OUI OUI

[Page 103]
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Je chantais pour toi. Même si tu ne m'entendais pas, même si tu ne pouvais pas le sentir, Ox, je te jure que je chantais pour toi.
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Parfois, quand votre cœur est trop plein, ça vous coupe la voix et tout ce que vous pouvez faire, c'est vous accrocher de toutes vos forces.
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Parfois, les chants sont censés ramener un membre de la meute chez lui. C'est facile de se perdre, Ox, parce que le monde est un endroit vaste et effrayant. Et de temps en temps, on doit simplement te rappeler le chemin du retour.
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Nous regardâmes les étoiles.
Elles étaient bien plus grandes que nous ne pourrions jamais espérer l'être.
Une fois, quelqu'un m'avait dit que la lumière qu'elles émettaient avait des centaines de milliers d'années. Que l'étoile pouvait être morte et que nous ne le saurions jamais parce qu'elle semblait toujours vivante. Je trouvais que c'était une chose horrible. Que les étoiles puissent mourir.
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Il peut l'être. Le monde. Affreux, et chaotique, et merveilleux.
Les gens pouvaient être cruels.
Je l'entendais quand ils me traitaient de tous les noms dans mon dos.
Je l'entendais quand ils me disaient les mêmes choses en face.
Je l'entendais dans le bruit que la porte avait fait quand mon père était parti.
Je l'entendais dans la fêlure de la voix de ma mère.
Les gens pouvaient être cruels.
Ils pouvaient être beaux, mais ils pouvaient aussi être cruels.
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J'ouvris la boîte. Il y avait un morceau de feutre noir plié avec soin. On aurait dit qu'un grand secret était caché en dessous et je voulais le connaître plus que tout au monde.
Je dépliai le tissu et à l'intérieur se trouvait un loup fait en pierre.
Les détails tenaient du miracle sur une chose aussi petite et aussi lourde. La queue touffue enroulée autour du loup alors qu'il était assis sur son arrière-train. Les oreilles triangulaires que je m'attendais à voir s'agiter. Les pattes détaillées, aux griffes acérées et aux coussinets noirs. L'inclinaison de la tête, exposant le cou. Les yeux fermés, le museau pointé vers le ciel tandis que le loup hurlait un chant que je pouvais entendre dans ma tête. La pierre était noire et je me demandai brièvement la couleur qu'il aurait dans la vraie vie. S'il aurait des taches blanches sur les pattes. Si ses oreilles seraient noires.
Les oiseaux cessèrent de chanter au-dessus de moi et je me demandai s'il était possible que le monde retienne son souffle.
Je m'interrogeais sur le poids des attentes.
Je m'interrogeais sur beaucoup de choses.
Je pris le loup. Il tenait parfaitement dans ma main.
- Joe, dis-je d'une voix rauque.
- Oui?
- Tu... c'est pour moi?
- Oui?
Comme si c'était une question. Puis, avec plus d'assurance :
- Oui.
J'allais lui dire que c'était trop. Qu'il devait le reprendre. Que je ne pourrais jamais rien lui donner d'aussi beau, parce que les seules belles choses que je possédais étaient impossible à offrir. Ma mère. Gordo. Rico, Tanner et Chris. Ils étaient tout ce que j'avais.
Mais il s'y attendait. Je le voyais. Il attendait que je dise non. Que je le rende, que je lui dise que je ne pouvais pas accepter. Ses mains s'agitaient et ses genoux tremblaient. Il était pâle et il se mordillait la lèvre. Je ne savais pas quoi dire d'autre, alors je dis :
- C'est probablement la plus belle chose qu'on m'ait jamais offerte. Merci.
- Vraiment? croassa-t-il.
- Vraiment.
Puis il rit. Sa tête bascula en arrière et il rit, et les oiseaux revinrent et rirent en chœur avec lui.
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Je t'aime, tu sais? Dis-je.
Et, mon Dieu, son sourire!
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