"De lui, il me reste seulement le stylo".
Philosophe et essayiste,
Sarah Kofman a publié près d'une trentaine de livres, pour la plupart aux Éditions
Galilée, où elle dirigeait, avec
Jacques Derrida,
Jean-Luc Nancy et
Philippe Lacoue-Labarthe, une collection intitulée " La philosophie en effet ". Grande lectrice de
Nietzsche,
Freud et
Platon, professeur à la Sorbonne, elle publia son premier livre,
L'Enfance de l'art, chez Payot, en 1970. Sa réflexion philosophique est nourrie par la littérature (Don Juan ou le refus de la dette, 1991), par la
psychanalyse (
Quatre romans analytiques, 1974), également par des problèmes de société (
L'Énigme de la femme, 1980 ;
le Mépris des Juifs, 1994). Elle a publié, en 1994, quelques mois avant sa mort, un court récit autobiographique (
Rue Ordener, rue Labat) qui éclaire les enjeux de son oeuvre philosophique.
Ce texte autobiographique évoque son enfance juive sous l'Occupation, la déportation de son père. Elle évoque aussi, avec beaucoup d'émotion, la déchirure que représente la séparation d'avec sa mère. Elle évoque aussi la douleur du détachement progressif; et son abandon de ses racines juives. Son besoin de protection qui se recentre sur sa mère
adoptive, le refuge que représente l'école et les livres. C'est ce conflit entre deux mères, l'une naturelle et l'autre d'adoption, qui marque son enfance et son adolescence. En filigrane, et sans qu'elle l'évoque jamais directement, elle parle de la déconstruction des fondements du soi. Elle se suicide peu après, le 15 octobre 1994, le jour du cent cinquantième anniversaire de naissance de
Nietzsche.
La pensée et l'écriture sont ici intimement liées, l'une ne peut se faire sans l'autre.