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Critique de jeranjou


Une courte mais grande nouvelle, inconnue à cette adresse pendant 40 ans.

En voulant lire « Si c'était un homme » de Primo Lévi, un proche m'a recommandé de découvrir « Inconnu à cette adresse » de K. Kressman Taylor, journaliste d'origine allemande mais citoyenne américaine. L'auteur rédige cette nouvelle en 1938, sous un nom masculin, plus vendeur à l'époque pour l'éditeur parait-il. Elle dit avoir eu cette inspiration à la suite de lettres d'américains, dont le contenu était censuré, envoyées en Allemagne avant la guerre 39-45, mettant en danger les citoyens allemands recevant ces mêmes lettres.
J'ai été surpris de constater qu' « Inconnu à cette adresse » avait connu une traversée du désert pendant 40 ans après la seconde guerre mondiale et ce jusqu'en 1995, date de sa réédition. La société ré-éditrice pensait même que K. Kressman Taylor était décédée, c'est pour dire.

Cette nouvelle est donc construite uniquement sous forme d'échange de lettres entre un américain juif, Max Eisenstein et un allemand, Martin Schulse, ayant vécus ensemble aux Etats-Unis pour créer une galerie d'arts. L'échange démarre en novembre 1932 lorsque Martin est rentré dans son pays et qu'Hitler va accéder au pouvoir, mettant fin à la république de Weimar. A vous de découvrir la suite…

Nouvelle éditée au rayon jeunesse (précisément « historique adolescent » pour la version que j'ai lue), ce texte est bien entendu destiné à tout public intéressé par cette période trouble. On s'attarde sur la plume magnifique de l'auteur dans les deux premières lettres et le contenu prend le dessus par la suite, jusqu'à ce dernier courrier qui aurait mérité de ne pas être traduit en français.

Très rapidement, j'ai établi un parallèle avec « La liste de Schindler », roman historique écrit par l'Australien Thomas Keneally qui relate l'histoire d'Oskar Schindler, un allemand membre du Parti nazi, qui a sauvé plus d'un millier de juifs du camp de concentration de Płaszów en Pologne. La question ambiguë posée était comment peut-on agir contre la barbarie du nazisme tout en étant membre du parti ? Martin s'est-il posé la question le jour où il a ouvert sa porte à une jeune femme, pas inconnue, en novembre 1933, ce jour où tout a basculé ?

Si on lit parfois des ouvrages pendant un mois que l'on oublie dans la foulée, il est certain que cette lecture d'une heure me hantera quelques années encore. La dernière image du livre, avec l'entrée dans le camp de Birkenau II, a fini par m'achever. Suite à mon voyage en Pologne (1), j'ai rêvé pendant des années de ces rails, longeant la route venant d'Auschwitz (Oswiciem en polonais) et traversant le camp de Birkenau. Cette image réelle a été, pour ma part, bien plus forte que la visite du camp de Mauthausen en Autriche, beaucoup plus évocatrice en tout cas pour imaginer le pire…

Pour terminer sur la nouvelle « Inconnu à cette adresse », un texte à lire absolument d'une puissance dévastatrice, comme cette image furtive du camp de Birkenau II.

(1) Je raconte quelques épisodes de mon voyage avec mon grand-père, déporté durant la guerre, dans la critique de la « Liste de schindler ».
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