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Critique de Fabinou7


« Mensonge devient vertu ; la platitude, un devoir. S'enrichir, jouir du moment, épuiser son intelligence, son ardeur, son énergie, n'importe comment, devient le mot d'ordre des classes aisées, aussi bien que de la multitude des pauvres gens dont l'idéal est de paraître bourgeois. »

L'ordre sans le pouvoir. Dur d'esquisser une morale pour un courant aussi divers, les libertaires décroissants ou antispécistes d'aujourd'hui, les anarcho-communistes d'hier, les libertariens à la droite de la droite américaine ou encore l'anarchisme chrétien prôné par Jacques Ellul et d'autres…

Les animaux ont-ils le sens du bien et du mal ? Pourquoi l'entraide entre individus de toutes espèces n'est-elle pas aussi reconnue que la compétition dans la théorie darwinienne de la conservation de l'espèce ?

La thèse du scientifique Piotr Kropotkine, c'est que le darwinisme a tout faux. Pour lui « en toute société animale, la solidarité est une loi (un fait général) de la nature, infiniment plus importante que cette lutte pour l'existence dont les bourgeois nous chantent la vertu sur tous les refrains, afin de mieux nous abrutir. »

Fort de ces observations naturalistes, et de façon plus ou moins scientifique, Kropotkine tente de dessiner des principes éthiques pour les hommes de la fin du XIXe, notamment les anarchistes, les appelant à plus de rigueur dans leurs convictions. Pour l'auteur russe, c'est Guyau, un révolutionnaire français qui incarne le mieux ses principes. Contre le juriste, le politicien et le prêtre, l'auteur défend sa vision de l'entraide comme facteur de l'évolution.
Une approche critique intéressante pour challenger les valeurs véhiculées par notre économie politique mais qui tombe dans le même écueil, à savoir tenter de justifier des comportements relatifs et parfois irrationnels par une forme « d'ordre naturel des choses ».

Il y a une réflexion sans complaisance sur la morale instinctive des hommes dont le fondement est, pour l'auteur, l'égoïsme, sans aucune connotation péjorative, ainsi pour Kropotkine, « l'égoïsme ou la recherche du plaisir est le vrai motif de toutes nos actions », jusque dans les actes en apparence les plus altruistes « Si l'homme qui donne sa dernière chemise n'y trouvait pas du plaisir, il ne le ferait pas. S'il trouvait plaisir à enlever le pain à l'enfant, il le ferait ; mais cela le répugne, il trouve plaisir à donner son pain ; et il le donne » l'auteur conclu que « quoi qu'il fasse, l'homme recherche toujours un plaisir, ou bien il évite une peine. » Cela semble entrer en résonance avec un autre grand courant libertaire, du moins libéral, les utilitaristes.

« Ne se courber devant aucune autorité, si respectée qu'elle soit ; n'accepter aucun principe, tant qu'il n'est pas établi par la raison. » C'est dans le contre modèle que l'on reste un peu sceptique, bien qu'il faille reconnaitre que l'ouvrage ne prétende pas à l'exhaustivité. La sacrosainte raison est à mon goût, trop souvent invoquée à tort ou à travers.
« Ce droit d'user de la force, l'humanité ne le refuse jamais à ceux qui l'ont conquis ». On peut regretter à certains moments un ton péremptoire et un discours complaisant sinon incitatif à l'égard d'une frange violente du mouvement anarchiste pour laquelle la fin justifie les moyens. C'est sans doute l'éternel débat qui anime la gauche radicale, entre le « flower power » et la « loi du Talion », du Comité de Salut Public à Woodstock. Mais cela ne compte pas pour l'auteur car « pouvoir agir, c'est devoir agir », reste à savoir comment…

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