Je n'ai certainement pas été la meilleure des mères. Cela va sans dire. Pas plus que je n'ai décidé d'être une mauvaise mère. C'est arrivé, c'est tout. En fait, être une mauvaise mère est un jeu d'enfant comparé au fait d'être une bonne mère, ce qui représente une lutte de tous les instants, un combat perdu d'avance ; longtemps après que les enfants étaient allés au lit, je me sentais tourmentée par ce que j'avais fait ou pas fait durant ces heures où nous étions bloqués ensemble. Pourquoi avais-je laissé Grace faire pleurer Mia ? Pourquoi n'avais-je pas ordonné à Mia de se taire pour faire cesser ce bruit ? Pourquoi m'étais-je réfugiée dans un coin tranquille à la moindre occasion ? Pourquoi les avais-je harcelées pour qu'elles se dépêchent - juste pour pouvoir me retrouver seule ?
(p. 108-109)
Un jour, je lui ai demandé pourquoi elle aimait autant dessiner, ce que cela lui apportait. Et elle m'a répondu que c'était la seule façon pour elle de changer les choses. En quelques coups de crayon, elle pouvait transformer un canard en cygne ou un jour brumeux en une belle journée ensoleillée. C'était un endroit où la réalité cessait de s'imposer.
[...] chaque adolescent, par définition, est un cas particulier. Ils se laissent entraîner par leurs amis. Ils défient leurs parents. Ils répondent et se font les dents sur tout ce qui leur tombe sous la main. Pour eux, le but est simplement de survivre à ce cap et de s'en sortir sans séquelles. [...] Les adolescents se croient invincibles - rien de mal ne peut leur arriver. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'ils prennent conscience que de mauvaises choses peuvent effectivement se produire. Les gamins parfaits, sans défauts, sont ceux qui m'inquiètent le plus. (p. 129)
Près de cinquante pour cent des viols ne sont jamais déclarés parce que la victime est persuadée que tout est sa faute. Si seulement elle n'était pas entrée dans tel ou tel bar ; si seulement elle n'avait pas parlé à tel ou tel inconnu ; si seulement elle n'avait pas porté une tenue aussi provocante. (p. 85)
Je la suis depuis plusieurs jours. Je sais où elle fait ses courses, où elle travaille. Je ne connais pas la couleur de ses yeux ni comment est son regard quand elle a peur. Mais je le saurai bientôt.
A première vue, il m'apparaît comme un petit con prétentieux, un peu comme moi il y a quelques années, avant que je prenne conscience que rien ne me permettait d'être aussi imbu de ma personne. (p. 37)
Je n'ai certainement pas été la meilleure des mères. Cela va sans dire. Pas plus que je n'ai décidé d'être une mauvaise mère. C'est arrivé, c'est tout. En fait, être une mauvaise mère est un jeu d'enfant comparé au fait d'être une bonne mère, ce qui représente une lutte de tous les instants, un combat perdu d'avance
Pourtant, elle refuse de venir ici où il fait chaud.
Je suppose que le bruit de mes pas la terrifie. Elle ne fait que cela. Ecouter le bruit de mes pas, dans l'attente du pire.
La plupart des gens s’imaginent que la peur engendre deux réactions naturelles: fuir ou se battre. Mais il existe une troisième réaction dans une situation difficile: se pétrifier. Comme une biche prise dans le faisceau des phares. Faire le mort.
Je la suis depuis plusieurs jours. Je sais où elle fait ses courses, où elle travaille. Je ne connais pas la couleur de ses yeux, l’intensité de son regard quand elle a peur. Mais je le saurai bientôt.