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Critique de boudicca


Angleterre. XIIIe siècle. Un homme frappe à la porte d'une petite chaumière isolée afin de s'y abriter quelques heures de la pluie. Meg et Gavin, les occupants du lieu, l'accueillent bien volontiers, même si les manières de l'étranger semblent davantage convenir à la cour d'un roi qu'à leur pauvre masure. Et c'est vrai que ce dernier a l'habitude de côtoyer les puissants, lui dont le talent de barde n'est plus à prouver et dont les chansons égaillent les veillées des seigneurs des environs. Ce barde, c'est Thomas le Rimeur, un nom qui vous dira peut-être quelque chose puisqu'il s'agit du héros d'une célèbre ballade écossaise, elle-même inspirée par un véritable musicien et poète qui aurait vécu au XIIIe siècle. L'histoire est bien connue, et voici, en substance, ce qu'elle raconte : alors qu'il profite d'un repos bien mérité au pied de l'arbre d'Eildon,le barde Thomas reçoit la visite de la reine des Elfes qui, après lui avoir donné un baiser, l'entraîne avec elle dans le pays des Fées. Il y demeurera sept années, sans vieillir, mais aussi sans avoir le droit d'adresser la parole à d'autres créatures qu'à la reine elle-même. Celui que l'on surnomme alors le « rimeur » rejoindra ensuite son monde avec, en cadeau, le don de prophétie et du « parler vrai ». Déjà célébré en tant que musicien, le voilà désormais réputé pour ses talents de divination qui le rendent aussi célèbre que le mythique Merlin l'Enchanteur. C'est ce récit qui sert de trame au roman d'Ellen Kushner, une oeuvre d'une grande sensibilité et justement récompensée en 1990 par le World Fantasy Award.

Le roman est découpé en quatre parties dans lesquelles s'expriment chaque fois un narrateur différent : Gavin (le paysan qui offre au barde le gîte et le couvert au début du roman) ouvre la danse, suivi par Thomas lui-même, puis Megan (l'épouse du premier) et enfin Elspeth (une jeune fille qui vit à proximité). Chacun des narrateurs possède une manière de parler bien particulière : Meg et Gavin, issus de la campagne, s'expriment ainsi avec un style qui se rapproche parfois du patois, tandis que Thomas adopte un langage plus sophistiqué tout en nous faisant profiter de quelques extraits des chansons dont il est l'auteur. Ce travail effectué par Ellen Kushner sur la langue est une véritable réussite et ajoute à la musicalité du récit (chapeau d'ailleurs à la traductrice qui fait ici un superbe travail !) L'intrigue en elle-même est assez classique et reste fidèle à la ballade d'origine. On est d'abord frustré de voir Thomas quitter le monde des hommes, tant on est impatient de voir comment va évoluer sa relation avec Elspeth, mais on se laisse rapidement prendre au charme du Pays des Fées et de la Reine des Elfes qu'on quitte à son tour à regret. La plus grande réussite du roman reste ses personnages pour lesquels on ressent immédiatement une forte empathie, qu'il s'agisse de l'attachant couple de paysan dont le pragmatisme se heurte souvent à la fâcheuse tendance du Rimeur à s'apitoyer sur son sort, ou encore de Thomas lui-même qui peut agacer parfois mais dont on ne peut pourtant s'empêcher d'apprécier l'humour et l'habilité.

Ellen Kushner signe avec « Thomas le Rimeur » un très beau roman basé sur une histoire certes classique mais portée par une superbe plume, pleine de poésie. Une parenthèse enchantée qui fait un bien fou et que je vous recommande chaleureusement.
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