Le doute s'était désormais immiscé, comme la première irritation de la gorge avant le début d'un rhume. Le calme, comme la panique, était une vague qui se brisait et refluait.
Le vertige est irrationnel, impossible de lui résister quand il vous a pris dans ses griffes.
Ce qui compte, c’est ce que vous faites ensuite. Contrôlez votre respiration. Regardez-vous vous-même avec distance. Pensez que vous éprouvez une sensation. Attendez que la vague déferle sur vous et reflue. Puis vous repartez. Un pas après l’autre.
(La Martinière, p.321)
Je crois que la dynamique autour de notre table au restaurant m’était familière, me rappelant ma propre famille. Bien trop familière. Une personne perd son calme, et toutes les autres se mettent en quatre pour lui faire retrouver sa bonne humeur. Parce qu’on sait que si on le fait pas, tout sera juste cent fois pire, cette personne n’a aucune limite, elle va doubler la mise. Et ce sera un cauchemar.
Il fait toujours nuit noire, seule la lumière des étoiles me guide, et je réalise qu'il peut être difficile de trouver le bon endroit. Vivement l'aube.
Je regarde vers l'est. Et je vois une bande de lumière à l'horizon, encore si faible qu'on ne la remarque pas du tout dans le reste du ciel, mais malgré tout, cette bande est bel et bien là.
J'ai demandé l'aube, et j'ai obtenu l'aube.
(...)
A l'est, le ciel noir devient bleu-noir, bleu foncé, bleu profond, bleu cobalt. L'aube grignote les étoiles, elles pâlissent l'une après l'autre.
Je ne crois pas à l’intuition, ce n’est qu’un cocktail destructeur de préjugés et d’imagination. Inconsciemment, nous cherchons tout le temps à voir confirmée notre vision du monde.
Le temps était ensoleillé et chaud, mais le fond de l'air était frais, et la lumière plus blanche que d'habitude : on sentait l'automne arriver.
Mais d'un autre côté, nous voilà en train de monter vers un environnement où les marges sont encore plus étroites, où la différence entre la vie et la mort se résume à un pas imprudent sur une pierre branlante, à une seconde de perte d'équilibre, après quoi tout est fini.
Où que je tourne mon regard, j'avais cette vue magique sur le monde des montagnes. Alors, j'ai senti que s'il m'était donné de passer le restant de ma vie à profiter de ce panorama, je serais satisfaite.
Mais il m'arrive parfois de me demander si mon désir de nature et de montagne n'est pas alimenté par un besoin de fuir les chiffres digitaux, les boutons et les menus de choix, ces trucs qui couinent et ces petits moteurs électriques qui ronronnent discrètement.
Il disparaissait dans des réflexions maussades. Je savais inutile de lui demander à quoi il pensait, il ne le dirait jamais. D'habitude, au bout de quelques heures, il arrêtait, et son expression s'éclairait à nouveau, aussi n'y ai-je pas fait trop attention. Mais c'était une face de sa personnalité que j'ai du mail à accepter. Peut-être parce qu'elle m'est étrangère. Il m'arrive à moi aussi de perdre mon calme, je peux être vraiment en rogne et crier sur les gens, mais ça passe vite, et je vais de l'avant. Je ne vois pas l'intérêt de ressasser des événements. Regretter...oui, c'est possible.