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Citations sur Discours de la servitude volontaire (143)

Il a toujours été que cinq ou six ont eu l'oreille du tyran et s'y sont approchés d'eux-mêmes, ou bien ont été appelés par lui pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés, et partageant les butins de ses pillages. Ces six-là entraînent si bien leur chef qu'il faut, pour la société, qu'il soit méchant non pas seulement de ses méchancetés, mais encore des leurs. Ces six en ont six cents, qui profitent sous eux et font, de leurs six cents, ce que les six font au tyran. Ces six cents en tiennent sous eux six mille, qu'ils ont promus, auxquels ils font donner ou le gouvernement des provinces, ou le maniement des deniers, afin qu'ils tiennent la main à leur cupidité et à leur cruauté — et qu'ils leur donnent libre cours quand il sera temps —, et fassent tant de maux, d'ailleurs, qu'ils ne puissent durer que sous leur ombre, ni s'exempter que grâce à eux des lois et de la peine.
Grande est la suite qui vient après cela. Et qui voudra s'amuser à dévider ce fil, il verra que non pas les six mille, mais les cent mille, mais les millions, par cette corde tiennent au tyran […]. De là venait l'accroissement des effectifs du sénat sous Jules, l'établissement de nouvelles fonctions, érection d'offices, non pas, certes, à le bien prendre, réformation de la justice, mais nouveaux soutiens de la tyrannie. En somme, que l'on en vient là par les faveurs ou sous-faveurs, les gains ou regains qu'on a avec les tyrans ; qu'il se trouve enfin quasi autant de gens auxquels la tyrannie semble profitable, que de ceux à qui la liberté serait agréable.
Tout que les médecins disent qu'en notre corps, s'il y a quelque chose de gâté, dès lors qu'en un autre endroit quelque chose s'infecte, il se vient aussitôt rendre vers cette partie véreuse, pareillement, dès lors qu'un roi s'est déclaré tyran, tout le mauvais, toute la lie du royaume — je ne dis pas un tas de larronneaux et essorillés qui ne peuvent guère, en république, faire mal ni bien, mais ceux qui sont tachés d'une ardente ambition et d'une notable cupidité — s'amassent autour de lui et le soutiennent pour avoir part au butin et être, sous le grand tyran, tyranneaux eux-mêmes. […]
Ainsi le tyran asservit les sujets les uns au moyen des autres, et est gardé par ceux desquels, s'ils valaient quelque chose, il se devrait garder. Comme on dit : pour fendre du bois, il se fait des coins avec le bois même. Voilà ses archers, voilà ses gardes, voilà ses hallebardiers. Non pas qu'eux-mêmes ne souffrent quelquefois de lui, mais ces perdus et abandonnés de Dieu et des hommes sont contents d'endurer du mal pour en faire non pas à celui qui leur en fait, mais à ceux qui endurent comme eux et qui n'en peuvent mais.
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C'est pitié d'entendre parler de combien de choses les tyrans du passé faisaient leur profit pour fonder leur tyrannie, de combien de petits moyens ils se servaient, ayant de tout temps trouvé cette populace faite à leur guise, à laquelle ils ne savaient si mal tendre filet qu'ils ne s'y vinssent prendre, laquelle ils ont toujours trompé à si bon marché qu'ils ne l'assujettissaient jamais tant que lorsqu'ils s'en moquaient le plus.
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Cette ruse de tyrans — d'abêtir leurs sujets — ne se peut pas connaître plus clairement que par ce que Cyrus fit envers les Lydiens, après qu'il se fut emparé de Sardis. […] Il y établit des bordels, des tavernes et des jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à s'y rendre. Il se trouva si bien de cette garnison que jamais après contre les Lydiens ne fallut tirer un coup d'épée. […]
Tous les tyrans n'ont pas ainsi déclaré expressément qu'ils voulaient efféminer leurs gens, mais, pour vrai, ce que celui-ci ordonna formellement et effectivement, sous main ils l'ont recherché pour la plupart.
À la vérité, c'est le naturel du menu peuple, duquel le nombre est toujours plus grand dans les villes, d'être soupçonneux à l'endroit de celui qui l'aime, et naïf envers celui qui le trompe. Ne pensez pas qu'il y ait nul oiseau qui se prenne mieux à la pipée, ni poisson aucun qui, pour la friandise du ver, s'accroche plus tôt à l'hameçon, que touts les peuples s'allèchent vitement à la servitude par la moindre plume qu'on leur passe, comme l'on dit, devant la bouche, et c'est chose merveilleuse qu'ils se laissent aller ainsi tôt, mais à condition qu'on les chatouille.
Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres choses de peu, c'étaient, aux peuples anciens, les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie. Les anciens tyrans avaient ce moyen, cette pratique, ces allèchements pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples abêtis, trouvant beaux ces passe-temps, amusés d'un vilain plaisir qui leur passait devant les yeux, s'accoutumaient à servir, aussi niaisement mais plus mal que les petits enfants.
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La première raison pourquoi les hommes servent volontiers est parce qu'ils naissent serfs et sont élevés tels. De celle-ci en vient une autre : qu'aisément les gens deviennent sous les tyrans lâches et efféminés. […]
Avec la liberté se perd en même temps la vaillance. […]
Mais les gens asservis, outre ce courage guerrier, perdent aussi en toutes autres choses la vivacité, et ont le cœur bas et mou, et incapable de toutes choses grandes. Les tyrans connaissent bien cela et, voyant qu'ils prennent ce pli, pour les faire mieux avachir encore les y aident-ils.
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L'amitié, c'est un nom sacré, c'est une chose sainte. Elle ne se met jamais qu'entre gens de bien et ne se prend que par mutuelle estime. Elle s'entretient non tant par bienfaits que par une vie vertueuse. Ce qui rend un ami assuré de l'autre, c'est la connaissance qu'il a de son intégrité ; les répondants qu'il en a, c'est son bon naturel, la foi et la constance. Il n'y peut avoir d'amitié là où est la cruauté, là ou est la déloyauté, là où est l'injustice. Et, entre les méchants, quand ils s'assemblent, c'est un complot, non pas une compagnie. Ils ne s'entr'aiment pas, mais ils s'entre-craignent ; ils ne sont pas amis, mais ils sont complices.
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On ne regrette jamais ce que l'on n'a jamais eu, et le regret ne vient point sinon qu'après le plaisir, et toujours est avec la connaissance du mal la souvenance de la joie passée. La nature de l'homme est bien d'être libre et de le vouloir être, mais sa nature est telle que, naturellement, il tient le pli que l'éducation lui donne.
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Les tyrans mêmes trouvaient bien étrange que les hommes pussent endurer un homme leur faisant mal. Ils voulaient fort se mettre la religion devant pour garde du corps, et, s'il était possible, emprunter quelque échantillon de la divinité pour le maintien de leur méchante vie.
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Il n'est pas croyable comme le peuple, dès lors qu'il est assujetti, tombe si soudain en un tel et si profond oubli de la liberté, qu'il n'est pas possible qu'il se réveille pour la ravoir, servant si librement et tant volontiers, qu'on dirait, à le voir, qu'il a non pas perdu sa liberté mais gagné sa servitude.
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Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres.
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Il n'est pas croyable comme le peuple, dès lors qu'il est assujetti, tombe si soudain en un tel et si profond oubli de la franchise, qu'il n'est pas possible qu'il se réveille pour la ravoir, servant si franchement et tant volontiers qu'on dirait, à le voir, qu'il a non pas perdu sa liberté, mais gagné sa servitude.
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