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Critique de c.brijs


Comment réagir quand un proche s'enferre dans la dépression ?
Quels mots prononcer, quels gestes poser ?

"Chère Gisèle,
D'où te vient cette noirceur inconsolable qui te ronge la charpente ? Comme si quelqu'un avait oublié une pomme de terre au fond de ton ventre et que les germes avaient poussé comme des tentacules affamés."

Le narrateur, lui, pour tenter d'aider son amie Gisèle, choisit de lui parler de Bao Xishun, un berger chinois qui a détenu le record de l'homme le plus grand au monde entre 2005 et 2007 avec 2,362 mètres. Histoire de détourner ce "nuage noir" qui suit la jeune femme partout, histoire qu'elle se sente plus légère, histoire de faire diversion...

Et, parfois, ça fonctionne, elle retrouve son appétit de vivre. Parfois aussi, après cette petite trêve, son désespoir est encore plus lourd qu'avant...

"Et c'est bien de penser qu'à partir de maintenant ce sera comme ça pour toujours. Et souvent ce n'est pas comme ça pour toujours."

Face à l'impuissance des mots, à ceux qu'il ne trouve pas, il rêve alors d'avoir les grands bras de Bao pour lui extraire ce mal qui la ronge de l'intérieur ; pour la serrer contre lui à double, à triple tour...

A travers cet album, deux vies font écho l'une à l'autre, celle de Bao et celle de Gisèle. Il n'y a qu'un Bao, il n'y a qu'une Gisèle. Tous deux sont différents des autres et, pourtant, ils n'ont rien d'anormal. L'un est simplement très grand, l'autre est simplement plus sensible aux injustices du monde qui l'entoure.

Car, en miroir de la dépression de Gisèle, il y a aussi le mal-être de la Terre : cet équivalent d'un terrain de foot de forêt tropicale qui disparait toutes les secondes, ce plastique qui se retrouve coincé dans l'estomac de dauphins, ...

Pourtant, des petits miracles ont lieu, parfois... Bao, avec ses grands bras, retire les bouts de plastique et sauve les dauphins. (Cette histoire est bien vraie !) le narrateur, par son empathie, peut-il réussir cet exploit ?

Ce récit, très épuré, tant dans le texte que dans les illustrations, aborde le délicat sujet de la dépression des adultes. Il témoigne avec beaucoup de pudeur de l'impuissance que ressentent les proches. Peut-être que la tactique du narrateur est la bonne : tromper l'ennemi, lui parler d'autre chose... pour mieux l'endormir, l'apprivoiser. Une chose est sûre : tout vaut mieux que de laisser l'être déprimé, seul, en tête-à-tête avec ce qui le ronge !

Cet album cartonné pourrait se lire très rapidement, à tort. Mieux vaut le déguster lentement, en savourant chaque mot, chaque dessin. Lorsque la situation devient plus critique, l'écriture se fait violente... Les mots écrits au pastel gras claquent et occupent tout l'espace. le dessin prend lui aussi de l'ampleur et les couleurs pastels envahissent chaque centimètre carré. Et puis, la tempête passée, tout revient à la normale...

Un album à offrir, comme un cadeau à un être plus fragile pour lui dire tout simplement qu'on l'aime, à un ami à court de mots ou à soi-même ... Un espace prévu pour y apposer une dédicace personnelle finira de le transformer en un présent du coeur.

Un dernier mot de l'éditeur, de l'auteur et de l'illustratrice, moins connus dans nos contrées. Et pour cause, tous trois nous proviennent du Québec. Les éditions de la pastèque existent depuis près de 15 ans et proposent de la bédé de qualité qui fait la part belle aux auteurs québécois mais pas seulement. Quant à l'auteur, Stéphane Lafleur, il est également cinéaste et auteur-compositeur-interprète pour un groupe folk/country, Avec pas d'casque. Ce roman (l'auteur parle lui de nouvelle) graphique est son premier livre. Katty Maurey est illustratrice et designer.
Lien : http://lacoupeetleslevres.bl..
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