À nouveau je peux me pencher sur ce qui nous intéresse : le néant.
J'aime ma fille, au point de revivre un peu.
Un journal ne vit que par l'écriture, toute lecture en est la destruction
Peut-être que c'est ça, ma petite mort à moi : ouvrir les yeux bien grand sur le monde tel qu'il est, et m'en gaver jusqu'à l'overdose
Fier de m'user les dents, de les faire grincer, seul moyen de faire résonner ma détresse que je ne pouvais pas crier.
Quelques minutes à peine se sont écoulées depuis ma disparition et, déjà, je fonds en larmes.
N'ayant pas pu vivre ma vie, c'est son absence que je me propose de partager. Ce n'était pas si dur de passer de l'autre côté, vous savez
Et il me semblait que c'était cela, le bonheur:
pouvoir, pendant une courte éternité suspendre le temps, ne plus se soucier de rien, tout simplement laisser voguer son esprit au gré des notes.
Et, à nouveau, une case toute noire: "Toutefois, derrière la porte, le néant était toujours là."
C'est le premier pas dans l'immoralité qui est le plus difficile mais, une fois l'impulsion donnée, on ne peut plus reculer.
Quand j'ai fait les branchements initiaux, j'avais la gorge nouée et le dos trempé. Mais, petit á petit, cette peur s'est muée en frénésie et je ne pouvais plus m'arrêter. Quitte á pénétrer dans l'immortalité, autant le faire jusqu'au bout
Pourtant, il y a une autre issue. Car nous ne sommes pas seuls dans le wagon de notre vie. Certaines observent par la fenêtre, d'autre préférent fermer les yeux, et certains encore regardent autour d'eux, regardent les autres passagers, et parfois rencontrent leur regard. C'est dans le moment là que se situe la clé qui scintille comme une évidence. Ce dont on a besoin, après tout, ce n'est peut-être pas de descendre du train, mais de voir que certaines passagers s'ennuient autant que nous. Et cette clé nous permet de rester dans le wagon tout en vivant autre chose.