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Critique de Kirzy


Kirzy
11 novembre 2020
°°° Rentrée littéraire 2020 #37 °°°

Il est des romans qui vous embarquent par la force d'une histoire, animé d'un souffle qui traverse les pages. Ce n'est pas le cas de celui-ci qui reprend la thématique classique de la quête d'identité d'un homme et son inscription dans une lignée qui lui échappe en partie.

Il en est d'autres qui ont la grâce des mots. Histoire du fils est de ceux-là, il m'a enchanté dès le premier chapitre, superbe comme un matin dans la vie d'un enfant qui découvre le monde avec toute la sensualité et la douceur possible à cinq ans. Une ouverture comme un tableau qui en annonce d'autres. En fait, tout ce roman est une galerie de tableaux explosant la chronologie, faisant naviguer le lecteur sur cent ans de la vie d'une famille peuplée de pères et de fils, chacun ouvrant le paysage de Paris à Figeac en passant par Aurillac et le village cantalou de Chanterelle. La construction est remarquable, laissant le lecteur humer les secrets de famille, les ruminer avant d'en pleinement comprendre la portée.

Marie-Hélène Lafon écrit comme on peint. Ses phrases sont très travaillées, les mots choisis avec une intelligence pour donner force à ceux qui les entourent, tout comme la syntaxe, toujours précise. Elle ne cherche pas à étaler des belles phrases qui pourraient dévier le lecteur du propos, non, chaque phrase, dans son économie et sa concision, révèle les silences, les manques, les demi-teintes, les pudeurs, les zones d'ombre, les blancs d'une vie et d'une famille. Sans agressivité, sans racolage, avec douceur et ténacité, privilégiant la narration aux dialogues ( quasi totalement absents ). Une langue à savourer, remplie d'adjectifs justes, dont je me suis délectée à chaque instant pour les sensations physiques qu'elles offrent.

Ce qui est très puissant, aussi, dans l'écriture de l'auteure, c'est comment elle donne présence aux morts, aux absents, aux fantômes de cette lignée, à commencer par ce père non connu qui hante le fils du titre, André, abandonné par sa mère auprès de la famille de sa tante. Un abandon heureux puisqu'André a grandi aimé, choyé, entourée. Jusqu'à ce qu'il découvre qu'il a un père, un nom, une adresse, un métier.

«  Sa place d'homme était faite auprès de Juliette et d'Antoine,il aimait son métier qu'il n'avait pourtant pas choisi, il prenait de l'étoffe et des responsabilités, se dépliait, mais quelque chose, plus que quelqu'un, faisait défaut en coulisses, creusait un vide plus qu'un gouffre ; gouffre était trop abrupt, même si, à l'approche de la quarantaine et depuis qu'Antoine était là, André sentait que, loin, de se combler avec l'âge, comme il voulait à toutes forces le faire croire quand il avait vingt et trente ans, la faille allait s'élargir et se creuser ; le ver était dans le fruit. Il n'avait pas oublié les ratons laveurs de la main de fer qui lui croyait la poitrine certains soirs en dépit d'Hélène et des douceurs vivaces cultivées sous les platanes de Figeac. On irait donc à Paris, à Pâques, humer les traces du père. »

Tout est banal dans ce roman. Rien ne l'est pour dire ce qu'est une vie, sur comment on fait pour s'extraire de son destin et le fuir ou au contraire creuser un sillon tracé par ses ancêtres. Entre attachement et arrachement. Au final, Marie-Hélène Lafon parvient avec une densité et une limpidité superbes à dire tout cela en seulement 170 pages chahutant la linéarité chronologique, une véritable prouesse d'écriture sublimée par une qualité d'écriture rare.
Gros coup de coeur pour ce roman subtil à hauteur d'âme et d'homme qui me fait découvrir cette auteure.
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