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Critique de LoupAlunettes


Un groupe de Swing nazi?
Un point de départ intéressant.
Presque risible étant donné le fond dramatique.

L'auteur Christophe Lambert reprendra un point historique pour faire un récit à sa sauce: l'initiative du discours vrai du chef de la propagande SS, Joseph Goebbels en Allemagne 1942.
Qui est Joseph Goebbels?
Allo Wiki?

"... Joseph Goebbels,
né le 29 octobre 1897 à Rheydt et mort par suicide* le 1er mai 1945 à Berlin ( * le personnage et son épouse se sont donnés la mort pour ne pas se rendre à la fin de la guerre, emportant avec eux tous leurs enfants).

C'est un homme d'État allemand.
Proche d'Adolf Hitler, il fut, avec Hermann Göring et Heinrich Himmler, l'un des dirigeants les plus puissants et influents du régime nazi.
Du fait de son action de 1933 à 1945 au ministère de l'Éducation du peuple et de la Propagande, son nom reste indissolublement lié à l'emploi des techniques modernes de manipulation des masses, et un modèle pour la propagande des États totalitaires..."
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Joseph_Goebbels

Nous jugions important de planter pour cette chronique le décor de fond pour encore mieux installer les lecteurs ados. le portrait du ministre en dira long sur l'état d'esprit et l'atmosphère tout en chape de plomb de l'époque.

Nous ne le réaliserons pas tout de suite, tandis que nous commencerons à lire le roman, que son ton de récit semblera tout de même plus distrayant qu'apocalyptique - sans doute pour conserver sa place flottante et déconnectée à la musique jazz ici et ainsi éviter de la faire rivaliser avec une horreur de fond qui pourrait rendre la raison de son swing futile.
Nous aurons presque l'impression d'entrer dans une comédie décalée, un peu à l'identique du film américain "Jojo Rabbit" de Taika Waititi (2020).
Ça ne sera pas une plaisanterie.
L'idée du Swing nazi, vous n'y croyez pas? Voyez ce passage trouvé sur une autre source d'information:
"... le ministre de la Propagande Joseph Goebbels, personnage clé de la censure du régime, a développé en 1939 un groupe de swing nazi pour contrer le succès des orchestres anglo-saxons.
La ligne officielle du parti nazi était pourtant de considérer que ces genres musicaux étaient de la «musique dégénérée», et que leurs breaks improvisés comme leurs pulsations sautillantes risquaient de porter atteinte à la pureté et à la discipline allemandes.

Dans leurs discours publics, les Nazis l'exprimaient encore plus durement. le jazz, selon Goebbels, n'était rien d'autre que «de la musique de la jungle»..."
https://www.google.com/amp/s/www.slate.fr/lien/56579/goebbels-groupe-jazz-propagande-nazi%3famp

Christophe Lambert imaginera la formation d'un groupe de jeunes musiciens sortant de l'adolescence, validé par le Reich un peu à l'instar de l'émission française "La Nouvelle star".
Passant au crible les bals populaires, fanfares, écoles de musique, Dussander, un musicien retraité, ancien membre d'un petit orchestre de jazz démentelé, missionné en compagnie d'un officiel du parti, passera en revue les candidats: qui deviendra l'une des futures stars musicales et populaires du jury nazi?
Du départ, nous ne penserions pas forcément trouver un récit aussi plaisant et divertissant avec pareille 1ère couverture qui pouvait promettre du ton triste, onirique, amer et dur.
Du tout, au final.
L'auteur misera sur le sujet décalé historique et le décalera de nouveau, sur de l'absurde aussi excitant que dangereux: comment donner à écouter du Swing sans que cela ressemble à du Jazz interdit?

Engageant quatre ados pour la formation musicale, en sortant certains de la rue, promettant une promotion sociale à seulement 17 ans pour d'autres, que Dussander choisira t-il de leur apprendre?
On sentira bien que selon lui, le maitre de musique, transformer le Jazz n'aura pas de sens, le dénaturer sera presque un crime perpétré à l'égard de la musique. Un de plus.
Alors, les nazis auront-ils leur " Boys Band"?

Les jeunes lecteurs pourraient-ils s'imaginer pareille censure culturelle de nos jours?
Y a t-il des arts interdits en France ou ailleurs?
Sur ces romans forts ados que nous lisons, quelle littérature serait plus appropriée si la censure devait s'appliquer sur les romans jeunesse par exemple?
Quels thèmes pourraient déranger?
Et si l'Etat prenait les rennes de nos pensées?
Beaucoup de questions qui nous rapprocheront des frontières de la fiction.

Pourtant, en se penchant ironiquement sur l'actualité, bon nombre d'exemples pourraient venir illustrer cette inquiétude et ce questionnement mais venant ironiquement de la part du public, par des vagues de mécontentement alimentées sur le nouvel outil numérique appelé Raison social - tandis qu'il serait juste et plus simple de ne pas acheter ou de ne pas lire si cela déplait- .
Une "vox populi" 2.0 à visages couverts.
Nous aurons à l'esprit quelques polémiques enflammées autour de documentaires ados sur la sexualité jugés trop explicites (surtout féminine).

Le bon ton, finalement quel est-il et que sera t-il demain? Et qui décide: l'état, le peuple?
Ne sommes nous pas des individus capables d'apprécier des situations par nous-mêmes?
Concernant la jeunesse, la supervisation parentale posera évidemment problème: il faudra des oeuvres irréprochables, que l'on peut choisir les yeux fermées et mettre dans les mains de la jeunesse sans les avoir lu.
Donc des corrections, malgré l'engagement intellectuel des éditeurs, qui ne tenteront pas le diable du contexte historique, de peur des "chasses aux sorcières" populaires sans doute. Il faudra bien vivre de son métier, il sera difficile d'engager son avis si il pousse à la faillite.
Les romans jeunesse de l'auteur Roald Dahl par exemple auront d'ailleurs fait l'objet en 2023 d'une polémique sur une censure de l'oeuvre de l'auteur, réécriture désirée par ses ayant-droit en Angleterre sur la raison d'un dépoussiérage et d'une modernisation de l'oeuvre, certaines idées d'époque étant tombées dans le chaudron du politiquement incorrect.
Le roman d'Agatha Christie, " Les dix petits nègres", préférera le nouveau titre plus correct " Ils étaient dix", suivant le mouvement américain de censure du "N word" interdit.
Il est un peu difficile certe et injuste de comparer la censure du roman et ces petites mobilisations de détracteurs populaires qui ne feront pas les mêmes torts mais il sera intéressant de voir tout de même de quelle manière un pouvoir de décision peut être facilement repris en main pour formater de jeunes esprits à sa convenance.
D'ailleurs, éditions "rebelles" et cercles parentaux indignés s'accuseront des mêmes choses: la main mise sur la liberté d'opinion de la jeunesse.
Les jeunes doivent écouter, apprendre, réfléchir, mais seront-ils libres de penser par eux-mêmes par la suite?
Le sujet de la censure sera très vaste, à tort et à raison ( mais surtout à tort si il ne laisse pas le public choisir ses versions, penserons nous personnellement).
Le roman pourra peut être faire réfléchir les lecteurs grands ados aussi là dessus: quelles sont mes libertés, mes droits, mes devoirs, mes interdits en tant qu'ados dans la société où je vis?
Quand je serai adulte, aurais-je les mêmes droits que les autres dans mon pays (et vice-versa)? Puis-je tout dire ou tout faire?
Qu'est-ce vraiment que la censure, on en parle beaucoup sur la religion : ennemie de la pensée libre ou garde-fou de la bonne morale sauve?
Là dedans, où est-ce que je me situerais?
Intéressant non, jeunes gens?

"Swing à Berlin" sera bien moins prise de tête, vraiment on prendra du plaisir sans pour autant que l'auteur songe à édulcorer la situation pour la rendre plus engageante.
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