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Critique de kielosa


Après la magnifique critique de Nadiouchka de ce livre, jai hésité à en produire la mienne. Je ne tenais pas à me contenter uniquement d' une page de pub sur les qualités insoupçonnées d'une Simca Marly, qui, en 1956, a réussi à parcourir 15.000 km sur les mauvaises routes de l'URSS et propulsé par du carburant pas trop raffiné. Sans trop de problèmes, ou comme le note l'auteur : "l'essence soviétique finit par détruire la fougue de notre puissant moteur", mais apparemment pas la bagnole elle-même. Dommage que la production de ces belles sportives françaises, V8, fût arrêtée au début des années 1960.

Si je m'y lance tout de même c'est par nostalgie pour cette épopée par 2 jeunes couples derrière ce fameux rideau de fer, qui nous donnaient, enfants, la chair de poule, rien qu'en y pensant. Un peu comme la BD d'Hergé "Tintin au pays des soviets. Mais surtout pour rendre hommage à Domique Lapierre, et son complice américain Larry Collins (hélas décédé), qui m'ont procuré tant d'heures de lecture fascinante. Non pas qu'ils nous relataient des histoires agréables, mais à cause de leur art de nous présenter des dossiers complexes et parfois tragiques d'une façon captivante.

En effet, le récit de la plus grande catastrophe industrielle de notre histoire, provoquée par le géant chimique américain Union Carbide et faisant, en 1984, dans une ville indienne plusieurs milliers de morts et des centaines de milliers de blessés, sans que le boss de cette multinationale soit jamais inquiété par la justice, n'est pas exactement un sujet plaisant bien sûr, pourtant "Il était minuit cinq à Bhopal" se lit comme un thriller. Il en va de même de la guerre sanglante entre l'Inde et le Pakistan en 1948 dans "Cette nuit la liberté" ; la libération de Paris dans "Paris Brûle-t-il ?" ; le conflit israélo-palestinien dans "O Jérusalem" et la misère dans les slums de Calcutta dans "La Cité de la joie". Tous des ouvrages lus par des millions de lecteurs et certains portés à l'écran avec un succès comparable. Surtout "Paris Brûle-t-il ?" , filmé par René Clément en 1966 avec une distribution singulièrement riche : Alain Delon, Jean-Paul Belmondo, Gert Fröbe, Kirk Douglas, Simone Signoret, Yves Montand, Orson Welles etc.

La 3ème raison de mon enthousiasme pour ce livre est personnelle. Sans vouloir comparer mon expérience modeste avec les prouesses de l'équipe de la Simca, toujours est-il, qu'en 1970, je me trouvais avec mon épouse - en voyage de noces - et ma voiture à la frontière de la Hongrie et de l'URSS (près de la ville d'Uzhhorod, actuellement en Ukraine). Une initiative qui ne pouvait compter sur la joie de nos parents respectifs, ni sur celui de la police locale. Comme Dominique Lapierre, en moins grave certes, j'ai connu des problèmes de manque d'octane dans l'essence et des pannes, mais aussi la curiosité et la grande hospitalité des autochtones. J'allais sur mes 24 ans, ma femme en avait 22.

Le livre relate l'extraordinaire odyssée de 3 couples : notre héros l'auteur (25 ans) et son épouse Aliette, son ami Jean-Pierre Pedrazzini, le photographe de Paris Match (le doyen avec ses 27 printemps) et sa toute récente épouse Annie, ainsi que le couple russe Slava Petoukhov et sa Vera. Les 2 russes avaient sûrement comme mission de veiller à ce que les 4 "Frantzouskï" ne mettent pas en péril la survie de l'URSS.

L'ouvrage contient une kyrielle d'anecdotes, certaines intéressantes, d'autres cocasses ou les deux. En faisant allusion à la qualité du réseau routier par exemple, Nikita Khrouchtchev avait prévenu nos voyageurs : Vos épouses demanderont le divorce au bout de quinze jours". Je m'empresse de rassurer les lecteurs : au moins cette fois-là, le premier secrétaire du parti communiste s'est trompé. Ou l'adolescent à Minsk, tout fier de citer un passage de Victor Hugo en français, sans pour autant parler la langue. Partout où nos voyageurs passaient, ils pouvaient compter sur l'étonnement, la curiosité, la bienvenue et parfois même les bains de foule. À se demander qui avait le plus de succès : la splendide Simca bicolore ou ses 'martiens' à bord ?

Dominique Lapierre se garde bien de faire des exposés sur les bienfaits de notre régime par rapport à celui de l'URSS, ou l'inverse. Au contraire, sur la base de la description de la vie quotidienne du simple citoyen russe, il ouvre une fenêtre sur un monde, qui nous était inconnu en 1956. Un univers colorié et déformé par la propagande et la contre-propagande.

Il y a longtemps que je n'ai pas lu un livre avec autant de plaisir, bien qu'il m'ait valu une nuit blanche et un réveil difficile. Un divertissement sans prétention, agréablement illustré par 32 pages de photos, dans lequel Dominique Lapierre nous offre son grand talent de raconteur-né.
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