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Critique de patricelucquiaud


A l'aperçu du titre, je pensais qu'il s'agissait d'une oeuvre autobiographique, ou pour le moins, d'un récit romancé moins axé sur la fiction que sur des faits vécus qui ne sauraient être étrangers à l'auteur...

Déjà parce que je me dis que dans toute histoire, fut-elle inventée du début jusqu'à la fin, celui ou celle qui l'écrit ne peut jamais vraiment prendre distance de ce qu'il est en tant que personne avec ses affects, ses tournures d'esprit, son bagage intellectuel, ses connaissances, les idées qu'il a intégrées, ses aspirations, ses expériences existentielles, sa vision du monde, sa façon de juger et de réagir, ses engagements, et l'idée qu'il se fait de lui ou d'elle-même face à son environnement... il est très difficile que ne transpire pas, dans ses écrits, ces parcelles de soi et ces pans de notre vie, fussent-ils distillés à doses homéopathiques.



Eh bien je me trompais... mais que ne soient pas sous-tendus dans l'écriture et ce qu'elle révèle au-delà des lignes, certains aspects énoncés ci-avant, tenant à la personne et à la personnalité de l'auteur, n'est pas forcément improbable, toutefois ça ne constitue pas la trame ni les visées de ce roman...



* Que je vous dise tout de suite : j'ai pris un réel plaisir à lire ce premier ouvrage d'Erwan Larher. On ne s'ennuie pas au défilé des pages... tous les ingrédients du roman attractif sont présents. La construction en deux parties distinctes et complémentaires mais aussi, en polarité, se singularise, chacune disposant d'une introduction faite du début d'une même phrase anodine employant la comparaison établie à partir des exigences météorologiques se devant être en adéquation avec la pratique du badminton, à juxtaposer avec d'autres exigences encore plus terre-à-terre...

Le style est « nerveux », incisif, caustique et parsemé de clins d'oeil humoristiques, le vocabulaire riche, contemporain, parfois « recréé » mais nullement grandiloquent, sans tournure pompeuse. J'aime bien les soliloques, ces moments d'ouvertures et de respirations où l'auteur, à partir de son intrigue et des « confidences de son personnage principal, Léopold Fleury qu'il fait s'exprimer à la première personne, donne un bon coup de patte au monde et aux modes d'aujourd'hui, aux façons d'être bien ou mal, aux comportements, aux addictions propres (ou pas...) de notre temps, avec aussi pas mal de références au présent à travers des faits d'actualités sociales et politiques mais aussi, aux rencontres sportives parfois imaginées quant au score de certains match de foot...

La métaphore n'est nullement absente, maîtrisée, circonstanciée mais aussi outrée et donc drôle , en voici quelques exemples :

(Page187)

« ...à 36 ans, avec deux seins pareils, d'origine, fermes comme des positions israéliennes en Palestine... »

(Page 191)

« ...Je flâne dans le brouhaha aucunement incommodé... ...détaché comme un gynécologue au milieu d'une partouze... »

« ...Marie aussi improbable, désirée et libératrice que le but en or de David Trezeguet à l'Euro 2000... »



Métaphores humoristiques, jusqu'à être grinçantes, façon d'ouvrir les guillemets, pour des considérations hors contexte, à un moment de pleine action et voilà que percutent en moi, lecteur du dimanche, quelques résurgences de Frédéric Dard, le pseudo-nommé San Antonio, père des truculentes enquêtes d'un commissaire hors norme et éternel beau gosse. En fait, dans cette fiction de Erwan Larher, nous ne sommes pas loin du roman policier car le suspens est bien présent et entretenu dans chaque chapitre...



Reprenant mon impression du début « Qu'avez-vous fait de moi » est un titre qui apparemment, sonne comme un reproche fait aux siens, à ses parents et, par extension, à ceux ou celles qui ont encadré notre enfance, notre jeunesse, notre cursus scolaire et universitaire …

Mais, à la lecture, on découvre qu'il s'agit de tout autre chose, ces reproches s'adressent à la société et aux maux de notre temps... on trouve là : la férocité tenant à la concurrence pour faire sa place dans la vie, les coups de butoirs à l'âme que provoquent les rivalités sociales et amoureuses, les désespoirs et les accès de colère qu'entraîne le chômage, les angoisses tenant aux doutes sur ses capacités et les revers émanant de son propre destin.

Le personnage central doit se confronter avec lui-même autant qu'aux manipulations des personnages qu'il rencontre au gré de ses pérégrinations...

Nous ne sommes pas loin du thriller avec un suspens qui se transmet d'un chapitre à l'autre, parfois d'un paragraphe à l'autre, où le chassé-croisé des personnages qui gravitent dans l'environnement de Léopold Fleury nous tient en haleine, le lecteur ne sachant à aucun moment, qui, dans cette galerie très mouvementée, sont les bons et qui sont les méchants. C'est là, toute l'habileté de l'auteur lequel ne ménage pas son «héros » nous le décrivant, parcimonieusement au fil des pages, comme un personnage ambiguë dont l'ego est bien chevillé à l'âme autant que sa sensualité débordante et son aspiration l'attirant vers tout ce qui brille, au-delà des déconvenues et des « râteaux » qui jonchent son parcours... mais il sait aussi faire montre de pugnacité...

Alors ce Léopold Fleury est-ce un loser ou un winner ?... Il en demeure qu'il nous fait nous poser cette question :
Doit-on trouver nécessairement la légitimité de notre existence dans le regard des autres ?



En dire plus serait préjudiciable à l'envie de lire ce roman à l'intrigue bien ficelée, une fiction jamais loin des réalités de notre temps quant au contexte et à celui bien plus occulte des dessous pervers de la politique ayant à faire face aux monstruosités non avouables que s'acharnent à mettre en exergue autant les pros que les fans de la communication...



Si vous n'avez pas encore lu cet ouvrage, à vous internautes de passage, je le recommande vivement. Au delà du genre littéraire que vous n'affectionneriez pas forcément, ce serait vraiment étonnant que vous soyez déçus, déjà parce que cette prose est de qualité, le français, notre si belle langue, n'est nullement écorché et aussi parce que la construction de l'intrigue est parfaitement échafaudée, et qu'enfin, le dénouement est… euh… un dénouement… un dénouement … oui… un dénouement…

Ah, je vois, vous vous demandez s'il y a du sexe à travers cette histoire… et pourquoi n'y en n'aurait-il pas, hein !... Vous concevez ça vous, la vie sans le sexe, pire, une fiction où il n'y aurait pas quelques passages se rapportant au sexe !... Mais ce n'est peut-être pas le plus important, n'en déplaise à nos rêveries et autres besoins d'évasions bardés de dérives libidineuses...



*NB : Que ce soit bien clair, dans cet article, il ne s'agit nullement de l'énoncé de propos relevant d'une critique littéraire, elle, hors mes compétences, mais d'un « billet » où sont exposés mes impressions et une ébauche d'analyse toute personnelle, consécutives à la lecture du premier roman d'Erwan Larher.


Illustration de la couverture du livre … polarité des mains qui s'agrippent en surface où des pieds s'empressent en pas affairés... autre paradoxe de notre temps mais aussi, vraie contradiction des menées et affects qui sublime chaque destin...
Lien : http://www.mirebalais.net/20..
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