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Critique de Stefane59


YmirRich Larsontous les livres sur Babelio.com
Rich Larson. Ymir. Ed. le Belial. 380 pages. 5 étoiles.
Tout d'abord, merci à Babelio pour l'opération Masse Critique auquel il m' a été permis de participer.
Ymir…Je vous fiche mon billet que cet ouvrage sera salué dans 10-20 ans comme un grand classique du « roman SF Cyberpunk alliant humour noir et aventure.
Ma critique se compose de plusieurs points :
Quelques mots (pas plus) sur l'auteur et son style littéraire, le cadre, et les personnages principaux. Des « conseils de lecture » et… un LEXIQUE des mots de vocabulaire technologique inventés et récurrents (comme je les ai compris)…Le tout pour vous permettre d'accrocher à la lecture.
Enfin les points positifs et négatifs de la critique et la conclusion.
L'AUTEUR ET SON STYLE
Rich Larson est d'origine canadienne, né au Niger et ayant vécu en Europe.
Il a écrit plus de 200 nouvelles.
Son recueil de nouvelles La Fabrique des lendemains a reçu le grand Prix de l'imaginaire 2021.
Ymir est son premier roman « adulte ». Un job confié à Yorick, sur une planète inhospitalière mais riche en minerais…
Les descriptifs sont incisifs, imagés. Les dialogues au couteau, d'une violence larvée. L'action est fluide, sans incohérence notable. le tout est bien servi par la traduction de P-P Durastanti qui permet l'immersion profonde. Après 100 pages, pour moi, le momentum est TOTAL (je me serais cru dans un film SF).
Belle couverture de Pascal Blanché. le marque page Ymir reprenant la partie centrale du dessin de la couverture est un petit plus….
Un style original : qualité/complexité des émotions, états d'âme, bien équilibrés avec l'humour, l'action,…
Exemple : Dam GAUSTA (la compagnie) et YORICK (personnage principal) p.16. « Yorick ne distingue pas les traits de dam Gausta mais il reconnaît les angles prédateurs de son corps » : cette phrase fixe en quelques mots la nature de la relation entre eux.
S'il fallait trouver à R. Larson un lien de famille éloigné avec un autre auteur, je dirais : Richard Morgan (série des Takeshi Kovacs). Pour le genre cyber, l'humour et la qualité de l'action. Mais la qualité du récit est du côté de Ymir.

L'auteur est bien documenté « technologiquement ». Et il aura probablement consulté ce qui suit.
Pour les bases d'un développement techno-bio-numérique : jetez un oeil sur le rapport « la grande réinitialisation » https://www.babelio.com/livres/Schwab-COVID-19--La-grande-reinitialisation/1262548 : sous format pdf aussi (googler pdf – free).
Concernant l'utilisation des drogues au quotidien, regarder le documentaire « Hitler, Blitskrieg et drogue » dont voici le pitch : https://www.youtube.com/watch?v=Szp2-UcXUNA. La drogue produite en quantité astronomique par l'industrie pharmaceutique est consommée journellement par les soldats…des 2 camps.
Dans Ymir, j'ai adoré l'utilisation de la drogue appelée « hyène » (en fin de roman).
On évolue aussi dans le genre « anticipation » aussi puisque la toile de fond de ce roman n'est que le développement techno-socioéconomique du mode de gouvernement mondial oligarchique (Forum Economique Mondial / Groupe Bilderberg / ONU) qui tente de se mettre en place dans nos vies depuis 2020. le résultat ? Un humain marchandisé, « génémodé », calibré,…dopé. Mais Yorick n'en a rien à fiche et nous dit de temps en temps : « J'ai tant d'amour à donner » 😊

CONSEILS DE LECTURE
Les chapitres 4 à 8 (p. 28 à 43) sont désopilants et montrent toute l'humanité qui exsude du surréalisme noir et désabusé de Yorick.
Ensuite, nous entrons dans le vif avec l'arrivée de Yorick à l'hôtel de la compagnie et le traitement d'une sorte de gueule de bois technologique si je puis dire…dont profite l'auteur pour installer le cadre, les personnages principaux, l'objet de la mission (qui se révèlera peut-être secondaire par rapport aux développements ultérieurs…).
Là on commence à sourire…Et on est capturé par le livre. Si vous accrochez aux 100 premières pages, rien ne vous empêchera de le terminer car vous serez complètement immergés, vous aurez eu tous les codes, et les événements vont s'enchaîner avec une précision…karmique 😊 (les « comptes de la souffrance universelle » doivent être équilibrés: nul n'échappe à son destin).
Vers la fin, comme si l'auteur était touché par le dysfonctionnement mental de son héros, la numérotation des chapitres présente quelques bugs de numérotation …Et certains chapitres ont comme référence des caractères spéciaux 😉…

ET…LE LEXIQUE qui aide à l'immersion rapide…
p. 11. à 19 Protocole de décryonisation, technicien de dégel,…
p. 16. Camo : camouflage
p. 16. Génémodé : amélioré génétiquement aux conditions de travail
p. 18. Avatar numérique capable de répondre à vos questions (comme l'original) grâce à son algorithme
p. 19. Production de vêtement courant
p. 19. Calibrage de la chimie interne
p. 27. Phédrine : éphédrine améliorée – décongestionnant – psychotrope
p. 28. Empreinte faciale, baguette de scan, tablette.
p. 28. « Peler » les yeux : rendre plus performants dans l'obscurité
p. 29. Structures bio-organiques : les bâtiments ressemblent à des polypes coralliens
p. 29. Description de la nature de l'air respiré dans la ville (L'Entaille) la plus proche du complexe minier.
P. 29. Un véhicule dont le logiciel réagit à l'environnement (boucle comportementale) qui pose problème. On y sera bientôt… 😊
p. 30. Dipneuste : existe : regarder sur wikipedia ce poisson étonnant.
p. 30. Les vidanges de bouteille ne sont pas en verre.
p. 20. Un sac à dos qui obéit…au doigt.
p. 20. Un injecteur couramment employé au quotidien
p. 22. Dépresseur
p. 22. Ansible : moyen de communiquer instantanément avec un autre point de la galaxie (et d'imprimer des objets ». Imaginé en 1966 par Ursula le Guin et développée depuis par plusieurs auteurs. Ici, il semble qu'on puisse transférer de la matière (les chiens de feu))
p. 33. Génempreinte : empreinte génétique
p. 36. Moussequette : moquette en mousse
p. 37. Gel chair : un emplâtre biotechnologique qui devient chair au contact avec de la chair (sert aussi en urgence à refermer des blessures ouvertes)
p. 39. Géophage : un organisme vivant modifié pour nettoyer « à sec » en urgence.
p. 44. Holofresque : fresque diffusant un hologramme
p. 47. Décorporé : un humain que la compagnie a handicapé physiquement (en guise de peine après jugement), les parties du corps manquant ont été remplacées par un ensemble bio-mécanique adapté au job.
p. 46. Une serveuse de bar vraiment atypique😊
p. 60. Holomasque de communication : un masque que votre interlocuteur met et qui affiche numériquement le visage en temps réel d'une autre personne qui souhaite vous parler sans pouvoir/vouloir être présente.
p. 69. Fabricateur de combinaison thermique pour mineur
p. 76. Verre intelligent : un grand écran numérique capable d'input (scan,…) et d'output : (parler, noter les commandes,…), sorte de smartphone du futur.
81. Biomod : modification biologique, Moléculié : lié à l'échelle moléculaire
96. Annihimés : dessins animés générés par IA
99. Bioplastique : plastique transparent qui a la même fonction que la chair.
100. Un selkie : un sang-froid (il me semble) : personne née de la lignée des colons les plus anciens.
101. Grendel : organisme alien bio-mécanique très ancien. Obket de la mission de Yorick.
123. Dolovore. Un antalgique puissant

LE CADRE
Quelques éléments généraux et des changements de cadre (paginés ci-dessous).
La « compagnie » (appréciez ce détail : pas de majuscule) exerce les fonctions d'autorité et de fournisseur d'emploi (principalement extraction minière). Elle a la mainmise sur l'emploi, la santé (drogues de toutes sortes,…), les équipements (ansible, biotechnologie, numérique,…), le contrôle social partout sur la planète.
Le puissant algorithme prédictif socio-économico de la compagnie (qui voit / prévoit « tout ») a décidé de renvoyer Yorick sur Ymir, chasseur de grendel. Or, celui-ci s'était juré de ne jamais y remettre les pieds…Les ordres lui parviennent par l'entremise de dam Gausta.
Ymir est une planète glacée et relativement inhospitalière, sans relief, sans étoile visible,.. Quelques animaux aliens…chassés (comme d'hab. 😊) pour leur graisse.
p. 11 : arrivée de Yorick par « vaisseau-bocal » sur Ymir.
p. 29 : description de l'ambiance de la ville (l'Entaille) à proximité du complexe minier, comme si on y était.
p. 32 :😊 « A peine a-t-il pris pied sur le trottoir que la voiture émet un bêlement électronique et se réengage dans le trafic. ». (…) « On glapit derrière lui. Il se retourne pour voir son sac se colleter avec une enfant (…) Elle incarne l'autre génempreinte des colons d'Ymir : une rouge ».
p. 64 : Yorick arrive à la mine afin d'examiner les lieux.
p. 81 : on apprend avec plus de précision ce que les mineurs reprochent à Yorick
p. 135 : Yorick démarre sa mission dans le complexe minier, « la Gueule ». La tension dramatique et l'action vont croître rapidement.
p. 170 : complexité des enjeux ! Les tensions entre personnages sont à leur comble.

QUELQUES PERSONNAGES en scène
Les personnages principaux sont complexes, avec des enjeux cachés que l'auteur nous fait découvrir au fur et à mesure.
Le début du roman ? Une sortie de cryogénisation inoubliable pour le lecteur ! Emaillées d'un humour (noir bien entendu vu les souffrances bien réelles de Yorick).
dam GAUDA. p.16. « Elle a moins vieilli que lui en 2 fois plus d'années, toujours aussi parfaite et terrible grâce aux télomères génémodés dont bénéficient les cadres sup de la compagnie. »
Scène avec YORICK et THELLO son frère et la mère des enfants qui joue un rôle effacé mais primordial dans la construction mentale des frères. p.24.: « Leur mère vient les toiser. - Et d'où ça vient ça ? Sa colère est une zone de basse pression. La cage de Yorick se contracte., ses oreilles bourdonnent. » (…) La main libre jaillit. Il y a le bruit de choc contre la chair puis l'empreinte écarlate sur la figure de Thello. Yorick sent la gifle fantôme sur sa joue, son coeur battant la chamade. Leur mère tremble. Tout peut déraper en une seconde. - C'est moi qui l'ai prise dit-il – un mensonge »
A l'arrivée à l'hôtel de la compagnie. Un personnage à part entière 😊 : le MEMORIAL URBAIN SUD. « Bonsoir, dit une voix synthétisée. (…) D'un pas étouffé, un droïde sort de l'ombre, quadrupède de la taille d'un chat : un châssis avec un holoprojecteur en guise de tête et un unique manipulateur au bout d'une tige fixée sur son épine dorsale. (…). - Les Comptes de la souffrance universelle sont toujours équilibrés au Mémorial Urbain Sud. »
FEN : p. 64. « Si tu veux ta branlée tu le dis tout de suite. Déclare la géante. Sinon ferme te gueule fallacieuse et rentre chez toi, bordel. »
p. 65. « Fallacieuse marmonne Wickam . C'est quoi ce mot à la con ? »
NOCTI : Un musicien transhumanisé « (génémodé)

EN RESUME, j'ai adoré.
Un récit d'aventure sur une planète gelée qui fait la part belle aux sentiments et aux émotions humaines.
Novlangue techno accessible.
On observe à travers le « fonctionnement » de Yorick comment l'homme transhumanisé, marchandisé, adapté pour pouvoir bosser mieux/plus sera de plus en plus dépendant des techniques, donc :
- des sociétés qui vendent le matériel (électronique bio-technologique, numérique,…) or on vit au quotidien ce qu'il en est da la qualité des remises à jour logicielle « obligatoires / imposées », des bugs en cours de fonctionnement « normal » .
Il y a 2 niveaux de lecture dans ce livre : le plus évident, celui de Yorick, né sur Ysmir qui essaie de réaliser sa mission et vit son destin et ses aventures.
Mais il y a aussi la vie du quotidien de cet agent de la « compagnie », un parmi tant d'autres. On a l'impression, vu la densité et la précision du récit que Larson a pu jeter un oeil dans le futur de notre civilisation technologique.
Vers la page 170, j'ai senti que le récit allait passer un cap : soit se planter, comme cela arrive régulièrement avec des auteurs modernes (que je n'ai pas envie de citer ici) de par les difficultés à maintenir la cohérence du récit (science fiction = science), à gérer « logiquement » les relations passé-présent des personnages et leurs interactions au présent, à les faire évoluer en fonction de leurs enjeux personnels,… et finalement, à éviter de faire retomber l'intensité pour une fin inoubliable,…
Je vous laisse deviner, mais sachez que l'intégration passé-présent est très bien exécutée.
Personnellement, à partir de la page 80, et sa rencontre avec la géante Fen (dont Yorick a…peur ?! Et pour cause…), j'ai mis toutes les tâches ordinaires en stand-by et je n'ai plus lâché le roman jusqu'à la fin.
Un petit point négatif, j'ai trouvé qu'il y avait un petit peu trop de chapitres flash-back, quelque fois peu intéressants. Ils auraient pu être regroupés dans moitié moins de chapitres par exemple pour maintenir le momentum d'émotions et réellement nous empêcher de respirer… 😊.
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