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Critique de Slava


La Shoah est l'une des horreurs les plus abominables qui soit arriver dans l'histoire humaine. La déportation, la mise aux camps de la mort et les exterminations par gaz où par balle de millions de personnes innocentes et coupables aux yeux de leurs tortionnaires d'êtres juifs a marqué à jamais dans la douleur et la stupeur les témoins tout comme les survivants de l'Holocauste, ceux qui ont pu échapper au trépas indigne qu'ils devaient être destinés. Mais ces survivants ont eu des familles et des enfants après ces effroyables événements. Qu'en est-il justement de ces rejetons, de ces bambins qui ont du grandir avec la conscience d'être la descendance de véritables rescapés d'un enfer ayant pris forme sur la Terre et dont la barbarie avait dépassé toutes les limites imaginables ? Comment cela fait d'être justement d'être le fils où la fille d'un déporté ?
C'est justement le coeur de ce bouleversant et poignant ouvrage de Danièle Laufer, elle-même fille d'une rescapée de Bergen-Belsen. Elle regroupe en plus de son témoignage, celui d'une vingtaine individus tous de métiers différents : des médecins, des psychanalystes, des artistes, des cadres où encore des femmes au foyer. Tous ont le point commun dolosif d'avoir eu des parents ayant survécu à l'inimaginable, à l'indicible et d'avoir du supporter le poids du cauchemar génocidaire dont leur parentèle a du éprouver l'abjection totale.
Leurs pères et leurs mères n'ont pas étés des parents parfaits où du moins ce qu'on imagine être de parents normaux : taciturnes, silencieux, ressentant la culpabilité d'être en vie là où les autres sont morts, susceptibles d'une lourde sensibilité à la vie et à la mort. Certains n'ont pas su entourer d'affection leur progéniture car ayant été conditionné dans les camps à ne pas manifester ses affections. D'autres ont été violents et dures envers les leurs, leur reprochant d'êtres faibles et gâtés et de n'avoir pas connu les souffrances qu'ils ont vécus. D'autres au contraire les ont couvert, surprotégé de tout mal et de tout chagrin qu'ils pourraient ressentir en lien avec les affres de leur passé. Mais tous ces parents n'ont pu guérir leurs traumas qu'ils ont transmis à leurs enfants qu'ils ont encaissé malgré eux. Des enfants qui se permettaient de ne pas se révolter et s'opposer à leurs parents car comment remettre en cause les survivants de la Shoah ? Des enfants qui protègent par conséquent leurs parents et briment en eux leurs états d'âmes et leurs blues en étant par conséquent frustrés. Des enfants qui après le choc de la révélation du secret, ont en fait une force pour leur existence, pour leurs convictions sur la justice, la défense des faibles et lutter contre la haine.
A travers ces témoignages délicats se dresse aussi le portrait d'une société qui a eu du mal à parler et comprendre la Shoah tant l'abominable de la chose était incompréhensible, tant l'effroyable avait atteint un paroxysme jamais inégalé depuis dans la cruauté. Une société qui a du mal à assumer qu'elle s'est produite et qui laisse revivre petit à petit l'antisémitisme qui l'avait conduit au siècle dernier, avec l'extrême-droite en vogue dans les mentalités, les attentats du Casher où le bond des agressions contre les juifs pour la politique d'Israël. Mais si une partie de la société veut effacer cette mémoire pour mieux recommencer, une autre veut la perpétuer pour combattre justement les maux qui l'ont construit. C'est aussi le portrait du monde juif qui s'offre à nous, un monde cabossé par l'Holocauste qui voit la plupart de ses croyants devenir apostat devant la transcendance assassinée par Auschwitz où d'autres fuir pour Israël : cependant que pour d'autres, au contraire l'identité juive est devenue plus vibrante et nécessaire que jamais et faire survivre des traditions et coutumes qui ont été menacés par la Seconde Guerre mondiale.
C'est un livre fort et déchirant à lire pour se rappeler sur la Shoah. Un livre que même beaucoup de gens peuvent s'y reconnaître quand bien même ils n'ont pas été victime de ce grand massacre : c'est un ouvrage que tous les enfants des survivants de guerres et de meurtres de masses peuvent s'y reconnaître, tant ils ressentent et comprennent les mêmes anxiétés en leur sein liée aux tragédies de leurs géniteurs, comme la culpabilité d'exister et de se sentir comme illégitime devant la douleur vécue par leurs ascendants. Un recueil de témoignage profondément humain pour se rappeler et combattre la monstruosité de la haine en général, celle des autres, pour que ne se reproduise plus jamais de tels horreurs.
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