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Critique de Tatooa


Tout d'abord, un grand merci à Babelio et aux éditions Omnibus pour ce beau cadeau.
Un très bon bouquin de vraies aventures maritimes ! Car que ce soit du côté des pirates (enfin, ça parle beaucoup de « courses de côtes » ce qui est un terme corsaire, à la base, mais comme il est dit dans une des introductions « dans un conflit, le corsaire de l'un est toujours le pirate de l'autre »), ou du côté des victimes de pirates (deux des récits), c'est à chaque fois palpitant et on tourne les pages pour savoir la suite, à tel point que finalement, tout pavé qu'il est, ce livre se lit très vite !

Les récits sont classés dans l'ordre chronologique. de première main ou romancé « vérité », ces extraits sont vraiment intéressants, bien choisis et très parlants.

« Dans les galères des Barbaresques » (1621-1626) :
Un récit vraiment très intéressant, plutôt bien écrit. Un poil trop expurgé par l'auteur lui-même, il fait quand même sentir à demi-mots la violence et la souffrance appliquée aux esclaves pris en mer. Ici les pirates sont ottomans, les victimes finissant esclaves, chrétiennes, un point de vue que je n'ai pas lu souvent, habituée que je suis aux récits d'esclaves ou trafiquants d'esclaves noirs. Pour survivre dans de telles conditions, il fallait vraiment être une force de la nature !

« Chirurgien de la flibuste » (1666-1672) :
Plus difficile à lire que l'extrait précédent, beaucoup plus long, aussi. Il est très répétitif. J'ai regretté l'absence de notes de bas de pages sur certains mots pas évidents à comprendre dans le texte d'époque. J'ai regretté également l'absence de carte, ça aurait été bien.
Ce récit nous livre un compte rendu « prise par prise » pour commencer de « L'Olonnais », corsaire venant des sables d'Olonne, comme son surnom l'indique, qui finit mal, et ensuite de « Morgan », corsaire anglais retors et fourbe qui lui finit très bien, ce qui prouve que tous les pirates ne finissaient pas pendus haut et court ! Imaginant ces hommes à bord d'un seul bateau (c'était parfois le cas), j'ai appris avec surprise que la plupart naviguaient en flottilles d'au moins 4 ou 5 bateaux, voire en flottes entières, ce qui devait quand même gravement donner les jetons aux capitaines de navires commerçants… Fallait-il que ça rapporte pour prendre de tels risques ! En fait, ils constituaient une sorte d'armée mercenaire (de nationalités diverses) qui n'hésitait pas à prendre des villes, à torturer et tuer des civils, avec une violence inouïe ! Là-aussi, il fallait avoir du courage (De l'inconscience et rien à perdre, aussi) pour aller s'expatrier dans les villes côtières des colonies, c'était carrément de la folie furieuse de mon point de vue, lol ! Très franchement, ces récits font apparaître les corsaires comme de vrais sauvages… On est très loin de l'image romantique des pirates ! Nous sont décrits aussi par le menu les problèmes de logistique d'avoir de telles armées sous ses ordres, ainsi les diverses trahisons, désertions et mutinerie qui s'ensuivaient. Les « grands » pirates étaient sans nul doute des hommes à fort charisme et forte poigne, et sans une once de compassion, bien sûr…

Le code des pirates est une réalité, et le versement d'indemnités à l'équipage en cas de blessures invalidantes ou à la famille en cas de décès est tout à fait surprenant. Je ne pense pas que les équipages d'autres navires avaient ce genre de « prime de risque ». La forte tendance à tout dilapider dans les bordels et autre bouges de boisson et de jeux n'est pas une légende non plus, semble-t-il ! Mdr !

« le dernier roi des flibustiers » (1803-1816) :
Récit biographique de Jean Laffite par Georges Blond. C'est très bien écrit, par rapport au précédent extrait. Jean Laffite est rendu très humain (très attaché à ses frères, par exemple) par l'auteur, un plus. Ici nous est juste raconté un peu sa jeunesse, sa formation au « métier », comment il a été amené à organiser la piraterie à Barataria, que je serais infoutue de situer exactement, toujours par manque de carte, si je n'avais pas été chercher sur internet… Je sais qu'aujourd'hui, tout le monde a la possibilité d'aller chercher ce qui lui manque, mais ajouter quelques pages pour avoir des cartes des endroits où se passaient les événements, ça aurait été un gros plus, quand même ! Il y en a une seule, dans « les frères Rorique », pourquoi n'en avoir pas fait autant dans les autres récits, cela m'échappe…
Dans l'introduction nous est dit que Jean Laffitte est un héros pour les Américains, mais ne vous attendez pas à avoir ce récit-là ici, l'histoire, c'est sa période de piraterie où il courait après les lettres de « commission » (pour être corsaire plutôt que pirate, donc) et s'arrête à la fin de Barataria. Point. C'est un brin frustrant, d'ailleurs…

« L'aventure sanglante des frères Rorique »(1891-1892) :
Enquête d'Henri Jacquier. On a clairement affaire à deux psychopathes, dans ce récit. Encore que socialement fort capables, puisqu'ils arrivaient à donner le change et à tromper tout le monde… Un récit horrifiant, où ces deux frères semblaient attendre juste un coup de pouce pour devenir des pirates sanguinaires. Leur équipée sauvage n'est pas une première, cependant, et la méthode avait déjà été utilisée par d'autres auparavant, et c'est quelqu'un qui leur raconte ça qui leur en donne l'idée... (S'introduire dans un équipage puis tuer tout le monde pour s'emparer du bateau). du thriller pour de vrai…

« Un pirate dans la grande guerre » (1914-1918) :
Ici on a une histoire que je ne connaissais pas du tout, un bâtiment battant pavillon neutre pour éviter les blocus et qui allaient ensuite pirater bateaux français anglais et reste du monde, en fait. le tout dans la plus parfaite expression de la courtoisie et du sens « gentlemaniaque » de von Luckner, exquis mais également bourré de contradictions (le passage sur la tuerie des requins est gerbant, il n'y a pas d'autre mot). Il n'y eut aucun mort (humain) dans ses actes de piraterie, il se contentait de couler bateaux et marchandises destinés aux alliés, prenant les équipages à son bord, avec un vrai sens de l'accueil, en plus ! C'est un récit régalant, et comme c'est écrit par Luckner lui-même, je ne sais pas dans quelle mesure on peut vraiment savoir s'il était aussi gentleman que ça. Les histoires avec ses deux chiens à bord contribuent à donner une ambiance très amusante et « bon enfant » à son récit. de façon assez poétique, toutes ses remarques sur la vie de marin sont fort bien écrites.
L'arrivée de la lame de fond qui cause la perte de son bateau « l'Irma », est bien décrite, terrifiante. On a bien vu les dégâts que ça fait à terre, alors quand un bateau se prend ça, forcément, ce n'est même pas imaginable.
Par contre, après, il devient carrément obsessionnel, je trouve. Je ne spoilerai pas pourquoi parce que ça fait partie de l'intérêt de son récit, mais j'ai trouvé qu'il exagérait un brin sa « mission », au lieu de se préoccuper de l'essentiel.

« Abordage au large de la Somalie » (2008) :
Ici c'est terrifiant, du fait que ça se passe maintenant ; là de suite. Qu'il y a tous les jours des bateaux abordés et piratés de la sorte, et encore je crois qu'ils sont tombés sur des « pas trop méchants », sur le Ponant. J'aime faire du bateau, mais je n'ai jamais été tranquille en haute mer, et là, j'avoue que c'est tout à fait refroidissant… le commandant Marchesseau qui nous raconte ça est resté « maître » de la situation, et de ses nerfs, c'en est impressionnant. Il faut vraiment avoir le coeur bien accroché pour être commandant de bord quand on croise dans ces eaux dangereuses au possible. Et il a eu la chance d'avoir une compagnie qui se souciait de l'équipage, car apparemment ce n'est pas toujours le cas, et certains équipages croupissent des lustres en captivité dans des conditions pourries par là-bas.

C'est donc un bouquin que j'ai vraiment dévoré, eût égard à sa taille. Très intéressant, instructif, pas lassant, il nous révèle des aspects des pirates qu'on préférerait oublier, mais qu'il est bon de connaître. Les aventuriers, mais ce n'est que mon avis, sont plutôt les honnêtes gens qui osent se balader dans les parages où croisent ces bandits de "grande mer" ! ;-)
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