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Critique de berni_29


Avers, c'est pour moi l'occasion de renouer avec l'univers littéraire de J.M.G. le Clézio.
Dans ce recueil de huit nouvelles, c'est toute une galerie de personnages que l'écrivain désigne comme des indésirables, face à l'injustice qu'il leur arrive. le sort qui leur est réservé convoque des univers sombres où les règles du jeu établies par la loi des plus forts condamnent par avance les plus faibles.
J.M.G. le Clézio, le temps de quelques pages, donne voix à ces indésirables, fait naître en notre coeur un sentiment de compassion et de révolte. Ce sont souvent des enfants au quatre coins de monde, - raison de plus de sentir notre coeur étranglé par l'émotion, parfois ce sont des histoires anciennes...
La guerre, la misère, la fange nauséabonde de la rue, les trafics de drogue, les terres, les forêts dépouillées de ceux qui y vivaient depuis des siècles, des millénaires...
Avers, c'est un recueil de huit nouvelles, dont celle éponyme qui raconte l'histoire de la jeune Maureez Samson la petite Mauricienne dont je fais la connaissance au bord de cette baie de l'Océan Indien, dont le père a disparu en mer alors qu'il était parti à la pêche avec sa frêle barque. Alors, elle va connaître l'enfer des autres, mais le bonheur parfois aussi comme un rai de lumière traversant des volets mal fermés, battant dans le vent...
Ces nouvelles comme des fables de la vie, ce sont des textes vibrant d'humanité, irrigués par ces voix multiples qui nous appellent à mieux les regarder dans un instant fugace.
J'ai entendu leurs mots, leurs respirations, leurs battements de coeur comme des battements d'ailes, j'ai été cueilli par ce souffle inouï qui nous empêche de les oublier.
J.M.G. le Clézio nous invite à prendre le pas dans le parcours de personnages en marge, souvent « invisibles », de Paris à l'Île Maurice, en passant par l'Amérique latine ou le Moyen-Orient, c'est une traversée du monde sur des rivages à la fois beaux et hostiles.
Non, je n'oublierai pas les voix de Maureez, de Chuche et de Juanico, de Juan, de Mano, d'Aminata, deYoni et Népono, de Chepo. Ce sont des prénoms qui me sont devenus familiers à force de les côtoyer dans leurs existences abîmées.
Je n'oublierai ni leurs voix, ni leurs silhouettes fragiles éprises d'azur et de liberté, rasant l'asphalte des rues pour éviter les balles perdues, blottis dans des fossés, se cachant de la violence des hommes qu'ils soient policiers ou bandits, - là-bas c'est parfois à peu près la même chose -, oubliés, déshérités, affligés par les outrances et le désordre du monde, la part de bonheur qu'ils revendiquent paraît pourtant si infime...
Ils sont nés tout simplement du mauvais côté de la rue.
Dans cette douleur âpre de la réalité, il n'y a jamais aucun pathos et rien n'est forcément désespéré. Une joie mélancolique se tient en embuscade, le chant d'une berceuse, la magie d'une forêt ancestrale, le regard d'un vieillard bienveillant, un rire à gorge déployée, l'amour peut-être aussi... J.M.G. le Clézio sait nous débusquer ces instants fragiles épris de lumière dans la gangue des ténèbres. « Est-ce que ce qui est perdu est perdu à jamais ? »
J.M.G. le Clézio donne voix aussi aux peuples minoritaires, en voie d'extinction, rappelant que la mondialisation participe à blesser encore un peu plus cette humanité sacrifiée, mais la mondialisation n'est-ce pas aussi le fait des hommes, ceux des plus forts sur les plus faibles ?
Dans une écriture qui semble toujours simple en apparence, J.M.G. le Clézio ne se contente pas d'écrire des histoires, il les porte en son coeur, il nous les délivre dans une colère mutique qui invite à une révolte non négociable en nous.
Les gamins de la rue, les enfants esclaves, les enfants de la guerre, ceux qui grandiront trop vite, porteront des armes presque aussi lourdes qu'eux...
Ce sont parfois des silhouettes fantomatiques qui traversent les pages, bercées par les chants du monde, celles des paysans chassés de leurs terres, de leurs forêts ancestrales, par les narcotrafiquants...
Brusquement ces histoires prennent une portée universelle et je ne peux que me laisser emporter alors dans cet écho ineffable qui a continué de se prolonger longtemps après ma lecture...
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