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Critique de Deleatur


J'ai toujours un peu d'appréhension en ouvrant un livre de le Clézio. Si certains de ses romans m'ont transporté (à commencer par le Chercheur d'or), je dois avouer que d'autres me sont par contre tombés des mains...
De sorte que, vu depuis ma petite expérience de lecteur, ce n'est pas un écrivain que je peux considérer comme une valeur sûre. Peut-être est-ce un bien : avec Le Clézio, je sais que je ne dois pas m'attendre à un univers connu à l'avance, qui serait pour moi plein de certitudes douillettes. Et à chacun de ses livres, en somme, il me faut aussi me réinventer en tant que lecteur. C'est vivifiant, certes, mais pas toujours confortable. Ajoutons à cela qu'il est parfois compliqué de se dire déçu par un monstre de la littérature contemporaine, surtout quand on prétend soi-même jouer à l'écrivaillon de province...
Bref.
C'est la critique toute en sensibilité de Berni_29 qui m'a donné envie de lire Ritournelle de la faim, qu'il en soit ici mille fois remercié. J'ignore jusqu'à quel point l'histoire est inspirée par la figure de la mère de l'écrivain. le livre est le récit de sa jeunesse, cette petite quinzaine d'années qui font passer un être de l'enfance à l'âge adulte. Des années, bien souvent, pendant lesquelles les rêves viennent se fracasser sur le pavé gris et luisant de la réalité. La métaphore, dans le roman, est transparente : c'est celle de ce jardin que possède le grand-oncle d'Ethel, niché dans un recoin de Paris, où il s'agit d'édifier une merveilleuse maison en bois dans laquelle on sera heureux pour toujours. Mais le grand-oncle meurt sans avoir pu réaliser sa promesse. La maison ne verra jamais le jour, et dans le jardin dévasté il ne poussera qu'un minable immeuble de rapport. Les rêves et le bonheur se sont enfuis à tout jamais.
À elle seule, cette histoire possèderait sa force. Mais il y a aussi que ces quinze années de la vie d'Ethel se déroulent entre 1931 et 1945. La jeune fille voit la lèpre fasciste coloniser les esprits, et les bourgeois bien-pensants de son entourage s'en accommoder benoîtement, tout convaincus que les malheurs du monde ne touchent jamais que les autres. Après les rêves d'Ethel, c'est aussi leur univers étriqué qui vole en éclats dans les remous de la guerre et de l'Occupation. L'exode vers la zone libre, les privations, le déclassement, le déchirement des êtres, la misère, la faim... Et Ethel au milieu de tout cela, assistant à la décrépitude puis à la mort de son père, et qui décide bientôt de faire ses propres choix. Lorsque le cauchemar prend fin, il ne lui reste plus qu'à partir très loin. Car quand l'histoire s'achève, « le silence qui s'ensuit est terrible pour les survivants étourdis ». Un grand livre.
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