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Critique de dido600


Voilà donc un troisième (et dernier ?) volume de l'auteur sur les aspects peu connus ou esquivés de la colonisation française. Cette fois-ci, il s'appuie sur un corpus négligé : les ouvrages de médecine, les manuels universitaires, les débats politiques tout au long de la période… Un ouvrage, comme les précédents, qui prend et noue les tripes, car à travers tout ce qu'il présente comme faits et discours, comme références, sont les preuves irréfutables et monstrueuses de ce qu'ont subi comme souffrances les peuples colonisés.

Au départ, la France, deuxième puissance coloniale au lendemain de la Commune de Paris ! A la conquête succède l'exploitation des colonies… Les sciences dites «coloniales» prospèrent, sur fond de racisme (inégalités des races, caractères physiques et biologiques différents…). Une conception hiérarchisée du genre humain qui se traduit par la séparation stricte (ségrégation) entre Européens et «indigènes» en vertu de considérations hygiénistes : pratique courante du travail forcé, par des quartiers différents et éloignés les uns des autres, «séparés complètement» (recommandation, en 1905, de la section médicale du Congrès colonial français), maintien de l'esclavage domestique malgré son abolition en 1848, etc.

L'ouvrage embrasse presque toutes les colonies, ainsi d'ailleurs que d'autres pays colonisateurs (Belgique au Congo, Allemagne en Namibie, Grande-Bretagne en Inde, Afrique du Sud…) et presque partout, la médecine et l'hygiène (tropicales) sont des sciences pratiques au service de l' «empire», au service des «émigrés » et de leurs familles. L'arme sanitaire est d'emblée conçue par les praticiens comme une arme impériale «qui doit favoriser la pacification, la domination, puis l'exploitation des populations locales». Des exploités par millions, des morts au sein de la «masse d'exécution» par centaines de milliers dans des travaux presque pharaoniques sous surveillance (seulement) des Blancs. Par la suite, l' «assistance médicale indigène» vint… mais tardivement et au compte-gouttes avec, entre autres, Lyautey qui l'avait placée au coeur de sa stratégie et de ses pratiques. Il fallait bien entretenir et «conserver» en bon état, ladite «masse d'exécution»… dont la mort ne suscite aucune compassion. de «purs moyens et traités en conséquence», des êtres inférieurs dont l'exploitation est jugée nécessaire à la réalisation de l'«oeuvre coloniale», «pour une plus grande France».

L'Algérie n'est pas oubliée. le même calvaire ! Pis encore, des pratiques similaires à celles mises en oeuvre en colonie sont importées sur le territoire métropolitain (France) afin de «gérer «les «immigrés» (22.000 en 1946, près de 300.000 en 1954). Des «allochtones»… à la religion qui, déjà, dérange et est jugée menaçante pour l'ordre et la sécurité. Un «village arabe» (masures en bois recouvertes de papier goudronné) est signalé à Genevilliers en 1931 dans une thèse de droit. La tuberculose fait des ravages. du personnel français arrivé d'Algérie encadre et surveille cette main-d'oeuvre. En 1954, les Nord-Africains sont rangés au neuvième rang de sympathie parmi dix nationalités. Ils sont en France, mais pas de France.

L'Auteur : Né à Paris en septembre 1960. Universitaire (français), politologue, spécialiste des questions de citoyenneté et des questions ayant trait à l'histoire coloniale. Il a critiqué la loi de 2005 sur la colonisation et il a été également un militant engagé pour la régularisation des immigrés clandestins. Auteur de deux essais à succès : en 2005, «Coloniser, exterminer : sur la guerre et l'Etat colonial», et en 2009, «La République impériale. Politique et Racisme d'Etat», les deux édités en arabe en Algérie.

Certains historiens français (dont Gilbert Meynier et Pierre Vidal-Nacquet) lui ont reproché d'assimiler le système colonial au 3ème Reich.

Avis : Une oeuvre incontournable pour qui s'intéresse à l'histoire de la colonisation et à la naissance de l'impérialisme. Ainsi que pour tous ceux qui s'intéressent à la médecine et à l'hygiène
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