Il voulait que jamais la musique ne détourne l'attention du texte, mais au contraire qu'elle l'épouse si parfaitement qu'on pouvait l'oublier, un peu comme une musique de films.
Je lui ai parlé de la chanson de Jean Ferrat, à Brassens, que je trouvais personnellement un peu lourd. Réponse : " Ah oui, Est-ce le reflet de la moustache ou bien les cris de mort aux vaches ? Il aurait dû dire : Sont-ce un reflet de la moustache ou bien tes cris de mort aux vaches qui les séduisent. On ne commence pas une chanson sur Brassens par une faute de français" C'est clair.
Il n'était pas homme à s'étendre sur le passé.
On pensait qu'un désir inassouvi était un crime, la jalousie un sentiment de petits bourgeois, qu'on devait jouir sans entraves, et l'idée de communauté s'étendait jusqu'au relations amoureuses.
L'" amour de la Patrie" était pour Brassens" vide de sens", reste des dissensions entre anarchistes et communistes.
Je me plongeais parfois dedans, durant ce moment particulier où, la balance finie, il reste une heure avant le début du concert, une heure à tuer, une heure où on peut se perdre, une heure à tout faire pour conjurer le trac.
Un an avant que je ne découvre Brassens, mon instinct m'avait déjà conduit hors du troupeau.
Or, pour comprendre ou connaître un artiste, il est bon de remonter aux prémices de son existence, avantqu'il ne s'efface devant son personnage public.
Lorsque nous étions à Bobino, comme il se préparait à être interviewé par un journaliste, il m'avait confié" Repère les dix questions qui reviennent le plus souvent, écris-toi des réponses, apprends-les par cœur, co ça tu pourras donner des interviews en pensant autre chose.
A côté du téléphone, sur une enveloppe blanche, le numéro de Brel aux îles Marquises. Je demande à Brassens :
- "Tu as écouté son dernier album ?
- Oh, des tripes, encore des tripes."
Ces deux- là n'avaient pas l'amitié complaisante.