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Critique de Bradomin


Bréchéliant est une fable où l'auteur s'est aventuré vers le mythe originel, la forêt du secret, l'eau de la légende vive. Car l' » amour de loin » des troubadours ou de Lancelot du Lac est une habile métaphore, non seulement de la lecture, ce périple immobile, mais de la nature même du désir, qui est toujours un au-delà, toujours sur l'autre rive, de l'autre côté de la glace, dans une attente qui signe conjointement l'exacerbation et l'abolition du temps. À l'image de l'errance infinie du Chevalier, ou de la veille interminable de la Dame de la plus haute tour, dont nous trouvons dans ces pages une nouvelle incarnation émouvante.
L'intrigue de Bréchéliant est aux antipodes d'une histoire qui se conterait – et se compterait – en quelques mots. La trame, nous le disions, est tout entière dans le décor même de la chronique, dans les bornes milliaires de la vie quotidienne aux jours lointains d'Excalibur et de la dormition du roi Arthur. Paradoxalement, l'atmosphère fait songer à l'un des récits les plus contemporains de Julien Gracq, Un balcon en forêt (1958), pendant la « drôle de guerre ». Dans l'incertitude et l'indécision qui marquèrent le préambule de la Seconde Guerre mondiale. On observe (on s'observe) et on attend. Comme l'oreille musicale guette le retour du leit-motiv. le blockhaus – nouvelle métamorphose du château fort – est l'armure et le belvédère. le havre aussi, où les yeux et le coeur couvent leurs songes, caressent leurs évasions. La durée prend une autre substance, comme un tapis de feuilles qui s'épaissit jour après jour. Et comme une lande s'abandonne au regard, sommeilleuse.
Dans Bréchéliant, le lecteur retrouvera toute la densité littéraire, et la diversité d'Annick le Scoëzec Masson. Dans une langue tantôt rêveuse et chatoyante, tantôt terrienne et savoureuse, toujours allusive à ce point de fuite du temps et de l'espace qui est le champ de notre mémoire et le terreau de nos désirs – dont l'origine remonte à l'étoile, justement, le sidus, la constellation sidérante. Écoutons la conteuse nous convier à l'assemblée des elfes, dans la clairière des géants d'écorce et de mousse, autour du feu de joie qui renaît chaque nuit. Écoutons la nostalgie et le vouloir, le passé et le futur qui trouvent leur lieu de rendez-vous, aurait dit Carlos Fuentes, dans la « consécration de l'instant, scellée par la fable des origines ». Oui, pour toujours et à jamais, il était une fois...
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