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Critique de Patsales


Polar très documenté, « Leur âme au diable » propulse ses lecteurs atterrés loin des volutes romantiques d'un Dieu fumeur de gitanes : non seulement la cigarette tue, mais elle engraisse des psychopathes qui n'ont rien à envier au Parrain scorcesien.
Par exemple, et ça paraît évident dès qu'on y réfléchit, les firmes cigarettières auraient aussi la main sur le tabac de contrebande, engrangeant profits légaux et illégaux.
Mais bon, évidemment, il ne suffit pas de s'être documenté, encore faut-il construire une intrigue qui tienne la route, servie par des personnages crédibles. Et c'est là que le bât blesse, en tout cas qu'il blesse la lectrice que je suis -ce bouquin étant par ailleurs très bien noté. Si je me suis si souvent endormie dessus, c'est qu'il redondance (du verbe « redondancer » qui n'existe peut-être pas mais qui manque à la langue française, comme chacun l'aura noté).
Ainsi, le gars qui gagne (très bien) sa vie à vendre par tous les moyens nicotine et additifs en s'asseyant sur toute morale est-il un affreux pas beau, je crois que c'est assez clair. Et bien, le jour où, incidemment, il se retrouve avec une arme en main, il tire et découvre qu'il adore ça. Bien sûr. Des fois que ça nous aurait échappé qu'il était méchant. Il me semble pourtant que la banalité du mal de l'employé modèle qui agit pour la plus grande gloire de son entreprise et de son propre portefeuille d'actions est autrement plus glaçante que la figure de l'énième psychopathe qui se délecte de ses déviances.
Quant à Patrick, flic obstiné, intègre, et solitaire (oeuf corse), il a des intuitions qui me laissent pantoise: « L'autre scénario possible est qu'Hélène a juste décidé de couper les ponts avec ses parents parce qu'ils la faisaient chier, de reprendre sa vie en main et de bâtir elle-même son propre conte de fées. Ça arrive tous les jours, Patrick pourrait s'en contenter. Sauf que ça ne colle pas avec un détail, griffonné dans son petit carnet pendant l'interrogatoire des parents. Le jour où elle a quitté son studio de Bagnolet en compagnie d'un grand costaud, elle avait l'air bien et surtout, elle riait. » Ah, d'accord. On ne peut pas à la fois quitter ses parents au bras d'un grand costaud et rire. C'est suspect. Moi, ce sont les ficelles narratives de Marin Ledun que je suspecte.
Ou bien: « Un homme plutôt mince, la trentaine, planté au milieu d'un flot continu de passagers qui s'écartent pour ne pas le percuter. Cheveux courts plaqués en arrière, barbe de trois jours, costume bon marché. Ni valise ni attaché-case. Il n'est pas là par hasard. Ses yeux sont braqués sur elles, comme si le reste n'existait pas. Une aura de malveillance se dégage de lui. » « elles » en italiques et « aura de malveillance »(hyper pratique, le méchant facile à identifier) : c'est tout ce que je déteste, tous ces pseudo-effets qui ne servent à rien sinon à rallonger le nombre de pages et à rassurer le lecteur sur le fait qu'il peut très bien tourner les pages tout en réfléchissant aux chemisettes en promotion qu'il a repérées en rentrant du bureau parce que tout est fait pour qu'il parvienne quand même à suivre.
Ou bien « Brun est pris de vertiges. Son carnet lui tombe des mains et glisse sous le siège. Il suffoque. Il baisse la vitre à bloc pour laisser entrer un peu d'air. » Là, c'est pour que le lecteur comprenne bien que c'est important. Au millénaire dernier, on avait l'inspecteur Bourel qui s'exclamait « Bon sang, c'est bien sûr » quand il finissait par résoudre l'énigme, désormais les flics doivent frôler l'AVC pour que le lecteur distrait comprenne qu'il se passe un truc important. C'est vous dire si on a progressé quant au temps de cerveau disponible.
Après, on peut préférer la musique poussée au maximum, les rires enregistrés dans les sitcoms et la littérature fléchée (Attention! Là! Ici! Indice!). Y'a pas de mal à ça.
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