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Critique de hervethro


Si Amélie Poulain avait un frère, il se nommerait Andrew Blake. Il aurait la bonne soixantaine et serait directeur d'une usine de boites de conserves. Déjà tout un programme. Mais lorsque, lassé par la vie, par sa vie, il décide de se faire embaucher comme majordome dans un manoir bien français, on sent qu'il va se passer des choses. Car, outre le fait que ce veuf dont il ne voit plus guère sa fille part à l'aventure dans de nouvelles fonctions, Andrew est, comme son patronyme l'indique si bien, sujet de sa brillante majesté.
On ne sait rien des motivations qui le poussent à revêtir l'uniforme de domestique, majordome s'il vous plait (en réalité la maitresse de maison ne lui impose que le port d'un costume cravate dans ses attributions - on n'a pas fait la révolution pour rien tout de même!) et on n'en saura jamais rien. Tant mieux. Il est bon de laisser des zones d'ombres.
Le décalage de culture que sépare simplement un bras de mer nommé justement la Manche laissait entrevoir un roman à la Peter Mayle : le regard pincé et acerbe, quelquefois ironique, d'un british pur sang sur nos habitudes et nos manies. Un zeste d'humour en plus.
Car on rit plus souvent qu'à son tour dans cette chronique domestique.
D'abord laissez-moi vous présenter les personnages, comme dans une bonne vieille pièce de théâtre où l'on sait qu'on va s'amuser un brin.
Il y a Odile, la cuisinière, qui cache un coeur d'or sous des dehors revêches et un matou angora répondant au nom de Méphisto qui serait bien le personnage central du livre finalement.
Il y a François Magnier, le régisseur, homme à tout faire dès lors qu'on se situe hors des bâtisses du château. Lui est affublé d'un chien, Youpla, qui deviendra héros de romans classiques. Sous des dehors revêches, il cache un coeur d'or. Ces deux-là s'entendent forcément comme chien et chat mais deux coeurs d'or ne peuvent s'ignorer bien longtemps.
Il ya Manon, la soubrette responsable de la blanchisserie. Midinette à ses heures, elle ne rêve pourtant pas du prince charmant. Elle l'a déjà trouvé mais elle fait l'erreur de lui avouer qu'elle attend un bébé et le bel apollon s'enfuit à toutes jambes, laissant une Manon éplorée. Il va falloir la consoler et tenter d'arranger les choses.
Ajouté à cela, un gamin (Legardinier parle de « petit garçon » mais l'ado surfe sur ses quatorze ans, depuis combien de temps l'auteur n'a-t-il pas croisé un ado?) un peu zonard qu'il faudra recadrer, deux agents immobiliers aux méthodes discutables qu'il faudra réfréner, une soi-disant amie de la patronne, Madame Berliner, au coeur sec et aux manières détestables cachées sous des dehors obséquieux. Il conviendra également de lui faire sentir son manque de tact.
Et la patronne, Madame Beauvillier, veuve, qui vit, qui survit, dans le souvenir de son mari, les problèmes financiers que pose l'entretient d'un tel château et un penchant pour les publicités postales alléchantes.
Tout ce petit monde se côtoie sans vraiment vivre ensemble. Andrew Blake va mettre de l'ordre ou plutôt du désordre dans ce monde sclérosé. Belle parabole sur nos sociétés modernes où l'on vit entassés dans des communautés urbaines sans plus se connaitre, ni se parler, cloisonnés dans une solitude déshumanisante.
C'est là que le syndrome Amélie Poulain va entrer en jeu. Mais, bien entendu, tout cordonnier étant le plus mal chaussé de la ville, Andrew devra lui aussi arranger quelques petites choses dans sa propre vie.
Le chapitre 59 est une formidable leçon de vie dans lequel Andrew dévoile ses motivations. Car, à trop vouloir raccommoder la vie des autres, on en oublie parfois la sienne. Gilles Legardinier avoue lui-même être un spécialiste du recollage des vases brisés (voir la rubrique « remerciements« ).
Les esprits ronchons, il y en a toujours, argueront que tout cela n'est qu'un conte de fées, une bluette pour midinette en manque de chaleur humaine.
Allons, ne cachons pas notre plaisir! Je suis certain que le plus grincheux d'entre vous sera quand même touché par un des personnages de cette galerie bien particulière. Sachez alors que des gens semblables, il en existe autour de vous. Il suffit d'ouvrir les yeux et de tendre la main.
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