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Citations sur Un homme de foi et son église (21)

Les sciences n’ont commencé à se développer vraiment que lorsque par méthode on a fait disparaître Dieu et son action de l’horizon de leurs recherches. Tant que Dieu pouvait être considéré comme une cause susceptible d’intervenir dans le cours des phénomènes, l’activité scientifique est restée limitée dans son exercice. Elle était empêchée de prendre toute sa dimension. Elle ne s’est vraiment déployée, mais alors avec quel succès, que lorsqu’elle a fait volontairement abstraction de ce « Dieu-cause » ou plutôt de cette idée sur Dieu, lorsqu’elle s’est libérée totalement de l’entrave que constituaient ses croyances sur un Dieu intervenant librement, directement, de façon discrétionnaire et décisive, dans le devenir du Monde. De la sorte Dieu n’a plus été invoqué pour résoudre à peu de frais les questions encore sans réponse, ni pour procurer des réponses péremptoires supprimant définitivement les questions susceptibles de se poser. Cette mise systématique hors de question de l’action de Dieu comme cause au sens commun du terme a permis de même aux sciences humaines de se développer dans leur domaine propre.
p. 20
… prendre toujours plus conscience du réel, du moins autant qu’il peut le supporter, afin qu’il entrevoie le grand large et qu’il prenne son vol ?
Paradoxalement ne faudrait-il pas être, sinon athée, du moins être amené à se poser des questions insolites, et certes cruelles en leurs conséquences, « déstabilisantes », au sujet de l’existence de Dieu, pour être susceptible d’atteindre à une foi en Dieu réelle, à une foi qui, parce qu’elle est vivante, conduit l’homme sans cesse à la remettre en question et sans cesse à la réaffirmer. Perpétuelle confrontation entre ce que le croyant reçoit du dehors de par sa connaissance objective du réel, et ce qui monte en lui du dedans où s'impose l'exigence née de son intériorité quand il prend suffisamment conscience de soi.
p. 22C’est pourquoi, pour qualifier l’éthique, je récuse le terme d’obéissance et choisis le mot fidélité : l’exercice de la fidélité donne à l'obéissance un caractère personnel que la lettre de la loi ne peut pas édicter et que la simple obéissance ne peut pas atteindre.
Prenons un exemple symbolique : Les dix commandements de la Loi de Moïse. En supposant — ce qui est loin d’être certain — que plusieurs d’entre eux ne soient pas très marqués par des conditions contingentes particulières à la civilisation où ils ont été édictés, les dix commandements sont d’une nature trop générale pour que les frontières qu’ils tracent ne doivent jamais être franchies dans certains cas imposés par les situations et les circonstances, par les conditions de vie difficiles ou extrêmes, par l’état physique ou psychique du moment de tel individu. Il est des fidélités qui vont jusqu’à dicter impérieusement des désobéissances comme souvent il en est qui exigent beaucoup plus que ce que la loi peut commander... Il faut encore dire davantage : il est des obéissances qui sont des infidélités... lorsque derrière l’observance de la loi on se défend d’avoir à correspondre personnellement à des exigences sur lesquelles celle-ci garde le silence...
Il est bien évident que ces considérations ne peuvent être comprises dans leur juste portée et ne pas être cause de soupçons voire de scandales que si on a déjà eu l'occasion de se les formuler à soi-même et d’en tirer les conséquences pour son propre comportement.
...
p. 29
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N’est-ce pas ce qui fait aujourd’hui le succès des sectes en dépit de ce qu’elles peuvent présenter de primitif au regard des connaissances modernes, de simplisme aberrant au niveau de l'intelligence, de fanatisme parfois relevant de l'intransigeance de défense ou de conquête, — conséquence ultime de leur situation minoritaire — intransigeance dont elles n’ont pas, de loin, le monopole. Les sectes se présentent comme des lieux où règne la chaleur humaine généralement absente des paroisses. Elles tissent des liens de solidarité qui protègent du malheur, ou du moins, elles aident à le supporter, tandis que les paroisses ne sont trop souvent, en dehors d’exceptions qui tendent heureusement à se multiplier, que des endroits où les hommes, à longueur de vie parfois, passent et restent étrangers les uns aux autres.
p. 233
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Mais je dois reconnaître que trop souvent ces pratiques dévotionnelles sont des succédanés qui trompent les plus pieux sur ce qu’ils sont. Elles leur fournissent des alibis qui les écartent, sans qu’ils le soupçonnent, de l’authenticité spirituelle et d’une véritable intériorité ouverte sur le mystère.
Il y a beaucoup de dévotions dans la vie de prière de nos évêques, de nos prêtres et aussi de nos moines. La formation qu’ils ont reçue les y porte. Pouvait-elle faire mieux ? De fait, la vie spirituelle relève d’une activité personnelle que nul enseignement, même des plus intelligents, que nulle technique aussi poussée qu’elle soit, ne peuvent directement promouvoir. Y a-t-il parmi les autorités de nos Églises beaucoup de spirituels ? Il semble qu’on soit fondé à en douter quand on voit leurs manières de juger et de décider, tout imprégnées de légalisme et de juridisme, sans charité attentive, sans aucun égard aux cas toujours particuliers qui chaque fois se présentent, dans les domaines de la vie profonde des fidèles en voie d’assumer leurs instincts fondamentaux et de les rendre proprement humains et spirituels ; voie difficile mais nécessaire, capitale entre toutes, où tant d’êtres achoppent...
p. 202-203
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… les sciences ont pourtant tendance de nos jours à nuancer, suspectent encore toute intériorité de subjectivité dérisoire, voire malsaine. Elles préfèrent ce qui est objectif, enseignable, imposable, cultuel et collectif jusqu’à s’y cantonner exclusivement. Aussi, ne donnant pas sa juste place à l'intériorité et à ses exigences propres, elles ne répondent pas aujourd’hui à l'attente des hommes qui vont chercher ailleurs ce dont ils ont besoin pour avoir une vie personnelle, libre de la liberté d’être soi, singulière dans sa vérité vécue, et capable de communion avec autrui au-delà de toute uniformité.
Au vrai, ce que ces croyants, détachés du dogmatisme occidental, demandent à l’Orient, ils le trouveraient chez eux, auprès des spirituels qui, à chaque génération, naissent et sont les témoins fidèles de l’essentiel dans une authentique intériorité. Il faut avouer cependant que ceux-ci sont peu nombreux et comptent rarement parmi les personnalités qui président aux destinées de nos Églises, les représentent publiquement et leur donnent un visage.
N’en doutons pas, pour découvrir dans l’Église ces ressources spirituelles qui puissent satisfaire les recherches d’intériorité, lesquelles semblent heureusement ...
p. 197
Dans l’ordre spirituel, on ne reçoit que si l’on se donne, et il ne nous est donné qu’à la mesure de l'accueil qui nous permet de recevoir.
p. 198
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Je pense que les Églises, après la ferveur exceptionnelle, très particulière, faite d’émerveillements enthousiastes et d’attentes passionnées, qui les animait les toutes premières décennies, déjà dès la fin du premier siècle, ont largement utilisé la religion instinctive pour christianiser le monde comme elles ont transformé aussi en pèlerinages nombre des hauts lieux du paganisme. En somme, elles ont habillé seulement d’une doctrine nouvelle la religiosité ancestrale qui avait fait la fortune des cultes païens et qui n’était pas non plus tout à fait étrangère à la vitalité de la religion d’Israël.
p. 102
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Ainsi se transmet de proche en proche, comme à la dérobée, ce qui relève de l’essentiel bien que cet essentiel ne soit pas communicable et qu’il doive être découvert a son heure par chacun de la manière qui lui est propre. Ainsi au long des siècles, en dépit de son invraisemblance, de son improbabilité, dues à des impossibilités manifestes, de cœur en cœur silencieusement se perpétue, précaire mais tenace, l’appel auprès des hommes pour qu’ils deviennent eux-mêmes ...
Il peut exister entre deux hommes certaines relations de présence à présence qui œuvrent secrètement par-delà ce qui est dit et entendu. Cette action est due à ce que l’un et l’autre sont en eux-mêmes, à la manière dont chacun se donne, l’un à ce qu’il apporte et propose, l’autre à ce qu’il reçoit et accueille. Elle se développe en ces deux êtres au-delà de leurs comportements, et même au-delà de ce dont ils ont conscience. Elle n’existe pas seulement grâce à la conjonction de deux psychologies, ni à la confluence de deux histoires d’homme, mais elle tire sa puissance de ce que l’un et l’autre deviennent librement à partir de ce que chacun a vécu au niveau de son humanité, à partir de ce qui relève pour l’essentiel du mystère qui les constitue l’un et l’autre dans leur unité et leur solitude infrangibles.
Plus les hommes s’approfondissent, plus ils sont conduits a devenir différents.
p. 32
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Aussi bien, étant donné le passé des Églises, qui n’est pas sans tache, il convient qu’elles soient modestes dans leurs prises de position quand elles estiment devoir les exprimer. Au lieu de vouloir être la lumière du Monde, qu’elles s’appliquent modestement à un travail silencieux et en profondeur.
p.243
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« Un homme de foi et son Église », Marcel Légaut – éditions Desclée de Brouwer © janvier 1988
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La vie spirituelle, lorsqu’elle atteint au niveau où elle réclame des initiatives personnelles nécessaires à son propre envol, ne peut pas être l’objet d’un enseignement comme celui qui se fait dans les paroisses. De par sa nature, ce dernier s’adresse à un public nombreux, hétérogène de toute façon et de surcroît le plus souvent passager. Dans un pareil milieu, ce qui serait utile et même indispensable aux uns pour leur permettre de grandir dans la vie spirituelle, pourrait être nuisible aux autres ou simplement sans objet. Dire la parole d’ouverture et de libération que les uns secrètement attendent, qu’ils appellent par ce qu’ils sont, est rendu difficile et même impossible par l'indifférence des autres ou par le refus que ceux-ci opposent sous le coup de la peur, ou simplement par paresse. Et il y a aussi l’esprit de délation qui a toujours régné dans les Églises au temps des crises.
p. 235-236
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Par l’instruction que les hommes reçoivent — si primaire soit-elle —, de par la liberté dont ils jouissent — si réduite soit-elle —, ils sont conduits aujourd’hui à contester plus que jadis, même s’ils en reconnaissent la légitimité et la nécessité, une autorité de fonction, qui dans son exercice, juge suffisant de commander, sans justifier ce qu’elle impose. L’obéissance aveugle n’est plus pour les chrétiens, comme jadis, le sommet de la vertu, mais relève aujourd’hui à leurs yeux d’une passivité indigne d’un être libre. En revanche, est-ce aussi pour cette raison qu’ils sont plus nombreux que jadis à pouvoir reconnaître l’autorité qui émane de la profondeur humaine : autorité de mission qui transforme en appel et en fidélité ce qui, autrement, ne serait que commandement et obéissance. Ils deviennent davantage capables d’une activité créatrice sans laquelle nul progrès, nulle fécondité véritable ne sont possibles.
p. 231-232
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Mais dans l’ordre du spirituel, tout sans cesse doit être remis en chantier, car tout sans cesse, par pente naturelle, retombe et dégénère. L’entropie ne règne pas seulement dans le monde de la matière et de la vie.

Je préfère vivre de foi dans la pure nudité qui la caractérise que d’espérance quand elle s’habi1le, pour s’en couvrir frileusement, de chauds espoirs relevant d’un optimisme instinctif ou de commande.
p. 218
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