On en parle au public comme de quelque chose de passionnant ; or, en réalité, c'est la routine, l'ennui, et encore la routine, avec de brefs moments d'excitation.
La civilisation commence avec l'eau courante. Les cabinets du roi Minos en Crète. Un pharaon avait ordonné à ses sujets de confectionner une brique avec toute la saleté enlevée de sa peau durant sa vie ; il voulait la mettre à son chevet, dans sa tombe. Les ablutions ont toujours quelque chose de symbolique.
Quand on veut lancer une grenade on ne la tient pas à deux mains.
Quand on veut repousser quelque chose, on est soi-même projeté en arrière, et quand on veut s'asseoir les jambes remontent jusqu'au menton. En faisant un mouvement trop brusque on peut même se mettre complètement K.O. en heurtant sa tête avec ses genoux. Le corps se comporte comme s'il était possédé, alors qu'il est au contraire comme dépossédé, privé des résistances salvatrices que la Terre lui oppose sans cesse.
On peut même apprendre à un ours à monter à vélo ; mais est-il fait pour cela ? C'est parfaitement ridicule.
C'est pourquoi, en ce qui concerne votre affaire, vous n'apprendrez rien si ce n'est par le hasard. Un adversaire qui a choisi la stratégie du hasard ne peut être vaincu que par cette même stratégie. (p. 142)
Le fascisme avait fait son temps, les dictatures primitives aussi, du moins en Europe ; mais il n'existe aucun moyen vraiment efficace de combattre le terrorisme des extrémistes si ce n'est la liquidation préventive des activistes. (p. 135)
Mais y-a-t-il de l'herbe sur Mars ? Donc l'allergie au pollen n'était nullement un défaut. Et pourtant, quelque part dans mes dossiers personnels, parmi d'autres observations, quelqu'un avait dû glisser ce mot : "allergique" ; un allergique ne peut être pleinement qualifié. Il ne leur restait plus qu'à en faire un astronaute de réserve, quelque chose que l'on a taillé avec les meilleurs instruments, mais qui, finalement, ne servira pas à tracer la moindre lettre. Un Christophe Collomb de réserve, si l'on veut. (p. 26)
Un astronaute de réserve doit être un peu salaud sur les bords, car quelque chose en lui guette toujours le moment où les choses vont foirer ; d'ailleurs, celui qui n'attends rien est un âne. (p. 25)
La mission séculaire de l’Europe était chose révolue ; tous ces diplômés de Nanterre et ces Normaliens le comprenaient mieux que la plupart de leurs compatriotes. L’Europe n’était sortie de la crise que sur le plan économique. La prospérité était revenue, pas le moral. Évidemment ce n’était pas la terreur du cancéreux que l’on vient opérer et qui craint les métastases ; mais plutôt la conscience d’un fait précis : l’esprit de l’histoire s’était envolé ; si jamais il revenait, il ne s’arrêterait plus au même endroit. La France était impuissante ; ils pouvaient donc tranquillement s’occuper des misères du monde : ils avaient quitté la scène pour descendre dans la salle. Les prophéties de Mac Luhan s’accomplissaient, mais à rebours, comme presque toujours en pareil cas. Son fameux « village collectif » était en voie de formation ; malheureusement il était coupé en deux. La moitié pauvre souffrait d’innombrables misères, tandis que l’autre, la plus riche, importait celles-ci par l’intermédiaire de la télévision et se contentait de compatir à distance. Nous savons déjà que tout cela ne pourra pas durer longtemps…