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Critique de ODP31


ODP31
28 février 2023
Roman fleuve pour une histoire de barrage. Oui, cela coule de source.
Silence, colère et surtout beaucoup de résignation dans ce nouveau titre du feuilleton du XXème siècle signé Pierre Lemaître.
J'ai apprécié les retrouvailles avec cette pelletée de Pelletier, spécimens bien carnés et truculents aux liens aussi complexes que solides. Mention spéciale pour Bouboule, le tueur en série falot rattrapé par ses crimes, et à son épouse, la cultissime Geneviève, tellement mauvaise qu'il est difficile de ne pas succomber devant tant de méchancetés. Je crois que je suis amoureux. Ces deux personnages sont des trampolines à rebondissements et ils dopent le récit. Ils ombragent un peu le reste de la famille dans cet opus mais Pierre Lemaître invitent de nouveaux entrants bien retors qui entretiennent le rythme de cette saga qui montre la face cachée de des trente glorieuses.
Roman le plus social de la série, sortez les banderoles, chantez les ritournelles des vilains patrons et des gentils ouvriers, l'histoire se déroule, chers camarades, en 1952, quatre ans après le Grand Monde et l'auteur quitte l'Indochine pour… l'Yonne. Oui, c'est moins exotique mais l'auteur améliore ainsi son bilan carbone. de toute façon, nous ne sommes pas là pour faire du tourisme et il est inutile de compter sur notre Zola sans gluten pour faire un petit tour d'hélico au-dessus de la maison de Guy Roux et profiter du paysage.
Pierre Lemaître nous offre donc les Trente Glorieuses vues de biais et d'en bas. Tellement bas qu'un village promis à l'engloutissement suite à l'édification d'un barrage sert de biotope à l'histoire. La situation est très romanesque et les 500 pages du roman se concentrent sur une semaine. A ce rythme, entre nous, il n'est pas prêt de terminer sa saga. Attention au syndrome « Trône de Fer », « Game of Thrones » pour les Verlanglais, dont on attend toujours les ultimes tomes, pré-mortem si possible. Tout le monde n'a pas l'efficacité d'un Maurice Druon qui avait réussi à compiler 13 générations en 7 tomes pour les Rois Maudits. Emballés, empoisonnés et pesés.
Vu le sujet et connaissant la fibre sociale de l'auteur, je m'attendais à voir mes derniers cheveux ébouriffés par un vent de révolte, avec des gaulois réfractaires se retranchant sur la place du village, ancêtres Zadistes galvanisés au Chablis, bouées de sauvetage ceinturant de fameux embonpoints pour s'accrocher jusqu'au bout à la flèche de l'église et affronter la montée des grandes eaux. Eh bien, je me suis emballé pour rien. C'est raté pour les Merguez. Calme plat autour des ronds-points qui n'existaient pas encore. Les jeux sont déjà faits et si certains rechignent à quitter le prochain paradis des carpes, le récit décrit une modernité impitoyable, incarnée par l'ingénieur Destouches et une population qui sombre dans le fatalisme. La belle Hélène Pelletier, chargée de couvrir l'histoire pour le journal du Soir va accompagner les habitants dans la préparation des cartons tout en cherchant un moyen pour avorter clandestinement.
Comme la force du feuilletoniste est de multiplier les intrigues et les personnages, j'ai vraiment apprécié la construction du roman et les récits menés en parallèle qui accompagnent l'histoire de chaque membre de la famille Pelletier. Qu'il s'agisse du jeune boxeur, punching-ball résilient, couvé par le patriarche au Liban ou de l'ouverture du grand magasin de Jean, Pierre Lemaitre ne perd aucune pièce de son puzzle, aucun figurant ne fait tapisserie dans son livre. Un sacré lego.
Bon, je pense qu'il faut éviter de prendre la Micheline en route et avoir lu « le Grand Monde » pour pleinement apprécier l'évolution des personnages et ne pas dévisser face au casting XXL. C'est toujours dommage d'assister à un mariage quand on ne connait aucun invité.
Au final, si le récit un peu longuet du village englouti fait barrage pour moi à la cinquième étoile, ce nouveau roman tient très bien sa place dans l'étagère de ma bibliothèque réservée à cet auteur populaire qui maîtrise l'art de récurer les recoins de l'histoire.
Il en a encore cinq au programme.
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