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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une des séries X-Men, relancée après Secret Wars (2015) de Jonathan Hickman & Esad Ribic. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2016, écrits par Jeff Lemire, dessinés par Humberto Ramos, encrés par Victor Oazaba, avec une mise en couleurs réalisées par Edgar Delgado. En même temps que cette série, Jeff Lemire écrit Old man Logan, dessiné par Andrea Sorrentino, à commencer par Berzerker. Cette série coexiste avec All new X-Men de Denis Hopeless & Mark Bagley, Uncanny X-Men de Cullen Bunn & Greg Land, et l'équipe mixte d'Uncanny Avengers de Gerry Duggan & Ryan Stegman (sans compter la série All new Wolverine, et les autres).

L'histoire commence 8 mois après la fin de Secret Wars. Les différents personnages évoquent à demi-mots un acte non précisé commis par Cyclops (Scott Summers) qui a aggravé la situation des mutants dans les yeux du public. Ils évoquent également le fait que les brumes terrigènes des Inhumains ont des conséquences catastrophiques sur la santé des mutants (allant même jusqu'à causer leur mort) et les ayant stérilisés. Dans ce contexte peu engageant pour les mutants, Ororo Munroe a pris la tête de l'école des mutants. Celle-ci a été relocalisée dans un endroit tenu secret, pour soustraire les élèves à la vindicte populaire. À ses côtés, se trouvent Bobby Drake (Iceman) et Magik (Illyana Rasputin).

Iceman et Storm vont tenter de recruter la jeune Jean Grey (version All new) qui tente de mener une vie normale en reprenant les cours. Magik se rend à côté du lac Baïkal en Russie pour essayer de convaincre son frère de venir prêter main forte à l'école. Dans les égouts de New York, Nightcrawler (Kurt Wagner) se bat contre plusieurs mutants (Aries, Azimuth, Coda, Sapna) en tenant un discours surprenant, à base de citations bibliques. Dans le grand nord canadien, Old man Logan voit apparaître devant lui une sentinelle de grande taille.

Le lecteur hésite entre courageux et suicidaire pour qualifier les scénaristes se chargeant des séries X-Men en 2016, l'éditeur Marvel favorisant plutôt les séries Avengers et les Inhumains. Parmi les séries proposées, ces extraordinaires X-Men retiennent le plus l'attention du fait du scénariste et du dessinateur. Jeff Lemire s'est d'abord fait connaître sur des séries indépendantes comme Sweet Tooth ou Descender avec Dustin Nguyen, puis sur quelques séries DC comme Green Arrow avec Andrea Sorrentino, avant de venir travailler pour Marvel. Humberto Ramos est reconnu pour ses dessins plein d'énergie, très adaptés pour des superhéros jeunes adultes, ou adolescents. Il faut aussi du courage pour passer après Brian Michael Bendis, précédent scénariste de 2 séries X-Men, quelle que soit l'opinion du lecteur (soit pour faire aussi bien que lui, soit pour redresser une série catastrophique sous sa houlette).

En outre, Jeff Lemire doit composer avec les contraintes éditoriales sur lesquelles il n'a pas de prise. Pour commencer, il y a ce trou de 8 mois entre la fin de Secret Wars et le début de la série, avec un événement des plus catastrophiques impliquant Cyclops (Scott Summers) mais qu'il n'a pas droit de révéler. En plus il y a les conséquences des brumes terrigènes des Inhumains. Enfin, comme chaque scénariste des X-Men, il n'a pas toute liberté pour choisir les membres de l'équipe, et il doit composer avec les autres séries. Il place donc Storm à la tête des mutants, et le lecteur est prié d'accepter qu'elle a l'âge requis, parce que Ramos lui donne la même apparence très jeune qu'à Illyana Rasputin, avec la même taille de guêpe impossible. Pour la composition de l'équipe, la couverture met en avant les différents membres. le lecteur sait à quoi s'en tenir, il va découvrir qui Storm a déjà recruté et comment va se passer le recrutement des autres. Cette couverture désamorce une partie du suspense concernant les réticences initiales de Jean Grey et Logan, ce qui ne devait pas être le cas lors de la parution mensuelle des épisodes.

Ensuite, Jeff Lemire doit choisir un ennemi emblématique pour son premier récit, tout en prenant en compte que le lecteur connaît déjà le suivant, annoncé dans le titre du tome 2 Apocalypse wars pour coïncider avec la sortie du film X-Men : Apocalypse (2016). Il ressort donc un ennemi habituel prêt à l'emploi, avec un plan machiavélique dont le lecteur se demande s'il verra un jour la fin, mais au moins est-il en rapport direct avec la condition de mutant. Comme souvent en début de série, c'est également l'occasion d'introduire de nouveaux mutants dont seul le temps permettra de savoir s'ils constitueront un apport significatif à cette mythologie. Bienvenue à
Aries, à Azimuth, à Coda, et à Sapna. Finalement en termes d'intrigue, le lecteur se rabat sur les modalités de recrutement et sur les séquences de relations interpersonnelles.

Les mutants sont à nouveau placés dans une position où ils sont haïs et craints par les êtres humains normaux, et ils sont à nouveau une espèce en voie de disparition. Ororo Munroe choisi de relocaliser l'école dans un endroit original et inattendu, mais assez idiot comme le montre l'intrigue elle-même, comme si Jeff Lemire reconnaissait que son idée n'est pas terrible. Alors qu'Ororo donne l'impression d'avoir rajeuni, Piotr Rasputin a pris de l'âge pour un effet saisissant, mais sa soeur le manipule avec une facilité un peu exagérée. Old man Logan est très crédible dans sa désorientation, et parfaitement raccord avec la série mensuelle écrite par Jeff Lemire (il est cohérent avec lui-même). La relation qui s'installe entre lui et Jean Grey (version jeune) est très touchante, même si le lecteur se demande comment l'une connaît le futur de l'autre, et peut jouer aussi facilement sur la relation que Jean Grey 616 entretenait avec Logan 616, alors qu'elle provient vraisemblablement d'un passé alternatif où elle n'avait encore jamais rencontré Logan, et qu'Old man Logan est provenance de la Terre 807128 où son histoire personnelle avec Jean Grey devait être différente. Mieux vaut ne pas trop être regardant sur les détails avec un tel mélange de terres parallèles et de paradoxes temporels.

Pour ces 5 épisodes, Humberto Ramos est tout feu, tout flamme, ses planches dégageant une énergie de tous les instants. Colossus est incroyablement massif, avec une présence lourde et pleine de force dans chaque page où il apparaît, une grande réussite. Storm a retrouvé toute sa grâce, même si elle semble un peu jeune. Magik a conservé une partie de son apparence baroque que lui avait attribuée Chris Bachalo dans la précédente série, lui conférant une présence remarquable dans chaque case. Les dessins de Ramos transcrivent à la perfection la jeunesse de Jean Grey, son caractère décidé de jeune femme qui ne s'en laisse pas conter.

En début de chaque séquence, l'artiste fait l'effort de planter le décor de manière détaillée, en décrivant l'environnement correspondant. Comme il est d'usage dans les comics de superhéros, il s'affranchit de dessiner les arrière-plans pendant les scènes de combat, mais il est possible de ne pas s'en apercevoir du fait du crépitement d'énergie et de prises de vue plaçant le lecteur au milieu des personnages. La mise en couleurs d'Edgar Delgado participe à habiller ces séquences d'affrontements physiques, avec des effets pyrotechniques qui fonctionnent bien. Humberto Ramos n'hésite pas à exagérer le côté gracile ou massif des personnages, ainsi que les morphologies déviantes ou monstrueuses. Ainsi le lecteur voit bien qu'il y a une forme de dérision dans l'apparence bestiale d'Aries, mais en même temps, dans le contexte d'un comics de superhéros, c'est un personnage qui en impose. Il applique également une touche d'exagération (mais plus légère) dans les scènes normales pour un résultat impressionnant, sans verser dans la parodie, par exemple avec la frêle Jean Grey recrutée sous un rideau de pluie, ou l'énorme Colossus en train de labourer son champ.

Dans le cadre de la présentation de la situation de Logan, le scénario prévoit plusieurs dessins montrant les cadavres des superhéros morts pendant Wolverine: Old man Logan de Mark Millar & Steve McNiven. Humberto Ramos se retrouve à devoir dessiner le corps d'individus costumés, sans pour autant toujours dévoiler leur identité afin de ne pas anticiper les épisodes de la série Old man Logan de Lemire & Sorrentino. Il s'acquitte plutôt bien de sa tâche, même si par voie de conséquence le lecteur ressent une impression d'imprécision du fait qu'il ne peut pas les identifier.

Pour ce premier tome de relance de la série X-Men, Jeff Lemire & Humberto Ramos relèvent un défi de haut niveau. L'artiste insuffle une incroyable vitalité à chacun des personnages, avec une petite touche amusée qui rend la narration graphique très agréable sans être moqueuse. le scénariste positionne patiemment les différentes briques pour poser ses fondations, avec application. Malgré tout son récit souffre du niveau de contrainte, entre refléter l'état de l'univers partagé Marvel, présenter la constitution de l'équipe et se dépêcher parce qu'Apocalypse Wars arrive dès le tome suivant. le lecteur en ressort avec une impression mi-figue, mi-raisin : l'histoire et le point de départ sont originaux, les relations interpersonnelles ont beaucoup de potentiel, mais le tout ne forme pas une histoire consistante et harmonieuse.
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