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Critique de Matatoune


Avec Sous le voile, Hélène Lenoir présente le portrait d'une jeune femme qui choisit la vie religieuse au début de la seconde guerre mondiale, puis s'en affranchit pour reconquérir sa liberté et son propre arbitre. Au début du roman, l'écrivaine confie avoir retrouvé le carnet de novice de sa mère qui avait gardé tout au long de sa vie le silence sur son engagement.

Originaire de Mortagne dans le Perche, Odile de Lalande était promis au baron du coin pour perpétrer une lignée d'aristocrates. Après ses deux bachots et le début d'une licence pour devenir professeure, elle désire fuir les hommes et suivre l'envie qui la taraude depuis l'adolescence.

Alors, elle devient Soeur Jeanne Marie de Sion, malgré les réserves de sa famille. Car, elle a découvert cette congrégation au pensionnat mais aussi avec l'exemple de sa tante, elle-même religieuse. La jeune fille affirme ainsi sa détermination à vouer sa vie à la prière. Jeanne fait son noviciat à Marseille, transféré de Paris en raison de la guerre.

Entrée dans la congrégation le 8 septembre 1943 à Paris, Soeur Jeanne doit passer la ligne de démarcation pour rejoindre une communauté basée à Biarritz. Puis deux ans plus tard, la communauté de Grenoble en travaux l'accueille. Il y règne une douce liberté qui sied bien à la jeune femme.

Lors d'un été particulièrement chaud, elle y découvre le plaisir physique qui la transporte, celui d'immerger ses pieds dans un ruisseau d'eau fraîche ! Plaisir simple qu'elle ne peut retrouver sans contredire la Règle !

Au fil des pages, Hélène Lenoir décrit les privations, les humiliations, les punitions qui construisent le quotidien que les restrictions de la guerre aggravent chaque jour. L'écrivaine raconte parfaitement le rouleau compresseur de la déshumanisation que la supérieure et son assistante de la communauté de Saint-Omer mettent en place sur son corps et son esprit déjà éreintés. Toute individualité est détruite comme l'exige la Règle.

Sous le voile est le récit des manipulations au nom d'une institution, devenant maltraitante. Ne plus penser, ne plus ressentir, combattre même le plus petit penchant qui distingue des autres ou qui peut éloigner soi-disant du but, se consacrer à Dieu.

Le rythme des services de prières (au moins 6 ou 7 par vingt-quatre heures), les conditions précaires de vie, la répétition des tâches, le silence, etc. sont autant d'outils qui détruisent Jeanne au nom de l'élévation de son âme. Et, pourtant, elle n'appartient pas à la congrégation des soeurs converses, femmes pauvres, obligées de travailler du matin au soir pour servir la communauté.

Néanmoins, neuf ans plus tard, Soeur Jeanne redevient une jeune femme de trente ans qui sort du couvent. le lecteur la suit dans ce grand saut vers l'inconnu.

En plaçant son roman au coeur de l'enfermement puis de la renaissance d'une jeune femme soumise à la volonté d'un Dieu qu'une communauté transforme en bourreau, Hélène Lenoir décortique son lent cheminement vers la conquête de son libre arbitre et l'expression de sa personnalité. C'est bouleversant et poignant, réaliste et malheureusement trop vraisemblable.

La lecture de Sous le voile permet au lecteur de s'immerger dans un univers où la pensée, le désir et même l'envie sont niées au nom de la célébration d'un Dieu qu'on dit amour et miséricorde. Hélène Lenoir raconte ici une autre façon de contraindre les femmes et de leur ôter toutes réflexions propres et actions personnelles !

De plus, ce récit est un bel hommage à la jeune fille qu'était sa mère, déterminée à vivre libre et croyante à la fois ! Un sujet peu traité mais combien nécessaire !
Merci à @NetGalleyFrance et @EditionsGrasset pour la découverte de #Souslevoile de #HeleneLenoir

Lien : https://vagabondageautourdes..
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